Dans le village de Bulugolla, au Sri Lanka, les habitants poussent un soupir de soulagement. On est au mois d’octobre et la récolte de riz est bonne. Les pluies ont été abondantes et les voisins, parfois un peu trop envahissants (voir photo ci-dessus), ont respecté les limites qui leur ont été fixées. Mais ce n’a pas toujours été ainsi
Comme l’explique le chef du village, « nous dépendons de la récolte de riz. De par notre culture et nos traditions, nous avons toujours vécu en bonne entente avec les éléphants, mais nous ne pouvons pas vivre sans nos rizières, c’est pourquoi nous devons empêcher les éléphants de s’y aventurer ».
Les conflits entre humains et animaux sauvages représentent aujourd’hui l’un des principaux enjeux liés à la conservation. À mesure que les populations humaines augmentent, les habitats sauvages se réduisent et les humains entrent en conflit avec les animaux sauvages pour l’accès aux ressources naturelles. En outre, les éléphants, notamment, ne peuvent pas être cantonnés dans les zones protégées car elles ne peuvent accueillir en général qu’un nombre limité de pachydermes. Au Sri Lanka, la plupart des éléphants vivent en dehors des zones protégées : on les trouve dans les rizières et les villages, sur les routes, les voies ferrées et les autres infrastructures destinées à une population humaine en augmentation. Les conflits sont inévitables, mais, si l’on ne trouve pas de solution, les espèces sauvages disparaîtront.
Une délégation de 17 représentants des pouvoirs publics venus de 13 pays d’Asie et d’Afrique ont voyagé pendant 4 heures pour se rendre à Kapugama depuis Colombo. Grâce à ce voyage d’études, qui s’inscrit dans le cadre du Programme mondial pour la vie sauvage (ou GWP selon son acronyme en anglais), la délégation saura comment atténuer le « conflit humain/éléphant ». L’objectif du GWP est de faciliter des événements dans le domaine du savoir tels que le présent voyage d’études, afin de faire découvrir aux pouvoirs publics et aux gestionnaires de projets diverses initiatives et méthodes de conservation adoptées avec succès dans le monde entier.
Le docteur Fernando, du Center for Conservation and Research ( CCR) (a) [photo ci-dessus], fait la démonstration d’un système ingénieux : une clôture est mise en place autour de la rizière pendant la campagne de culture, afin d’empêcher les éléphants de dévaster la production, et elle est retirée le jour de la récolte, laissant les éléphants libres de manger les restes. Cette méthode qui favorise la coexistence a été testée par le CCR en collaboration avec les populations du Sri Lanka et elle s’est révélée efficace dans le conflit entre êtres humains et éléphants pendant la campagne de récolte.
Olivier Assame a fait le déplacement avec deux collègues de l’Agence nationale des parcs nationaux du Gabon pour en apprendre davantage sur l’utilisation des clôtures électriques au Sri Lanka. Ils envisagent d’appliquer les enseignements de ce voyage d’études à un projet mené par la Banque mondiale sur les conflits entre population et éléphants dans le sud du Gabon. Grâce à cet échange avec des villageois du Sri Lanka, ils ont appris que l’efficacité et la durée de vie de ce type de dispositif dépendent de trois critères : son emplacement, ses caractéristiques et son entretien. Les clôtures électriques sont à tort érigées autour des zones protégées et des réserves forestières et, ce faisant, scindent les domaines vitaux des éléphants, qui détruisent les clôtures pour poursuivre leur route [photo ci-dessous].
Les représentants des parcs nationaux du Cameroun, du Malawi, de Zambie et du Viet Nam se sont montrés vivement intéressés par la manière dont une organisation locale telle que le CCR a réussi à convaincre les populations locales de collaborer pour promouvoir la coexistence. Certaines populations parmi les plus pauvres de ces pays sont en effet installées à côté des zones protégées et subissent les conséquences de la proximité d’animaux sauvages. Or, les pouvoirs publics doivent veiller sur ces populations vulnérables, et la situation actuelle n’est pas tenable.
L’exemple des clôtures électriques du Sri Lanka a permis au CCR d’observer que lorsque les clôtures sont érigées sans consulter la population, elles ne sont pas régulièrement entretenues et les éléphants finissent par les contourner ou les écraser. Pour remédier à ce problème, un comité a été constitué dans chaque village afin de coordonner le projet de protection du village en contrôlant les clôtures. Les populations locales constituent l’intégralité de la main-d’œuvre et fournissent environ 10 % du matériel pour la clôture. Ces clôtures sont installées autour des villages fréquemment traversés par des éléphants, qui risquent de causer des dégâts ou de blesser des villageois. Chaque ménage verse une redevance mensuelle dans un fonds pour l’entretien de la clôture électrique [voir ci-dessous des clôtures gérées par la population]. Le fait que des membres d’un même village soient chargés de surveiller l’état de la clôture suscite un puissant sentiment d’appropriation, ce qui contribue à l’efficacité du projet sur le long terme.
Les participants à ce voyage d’études ont pu constater que si l’on ne gère pas le conflit entre l’être humain et l’animal, le problème ne peut qu’empirer. Ne restent alors plus que la solution du transfert ou celle de la gestion des animaux problématiques, mais elles sont toutes deux coûteuses, peu souhaitables et finiraient par conduire au déclin des populations d’éléphants dans la région. Les clôtures électriques gérées par la population constituent une solution immédiate et efficace. Afin que ce problème soit ramené à des niveaux acceptables, il faut que les plans de développement nationaux adoptent une stratégie de planification territoriale. Privées d’habitats et de forêts, les espèces sauvages n’ont d’autre choix que de se réfugier dans les villages et les rizières. Les clôtures électriques du Sri Lanka offrent un véritable exemple de coexistence entre les populations et les animaux sauvages et pourraient servir de modèle à d’autres pays.
Le GWP tient à remercier les habitants du village de Bulugolla, le docteur Fernando du CCR et le docteur Sumith Pilapitiya pour avoir contribué à la réalisation de cette expérience fort intéressante.
Pour en savoir davantage sur le Center for Conservation and Research et sur les travaux du docteur Fernando au sujet des clôtures électriques, veuillez consulter le site : http://www.ccrsl.org/ (a)
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