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Les éléphants lancent un appel à l’aide : y répondrez-vous ?

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Jonathan Pledger/Shutterstock

D’ici la fin de la journée, 96 éléphants d'Afrique auront été tués. Du fait de l’ampleur du braconnage, on estime que la population actuelle d’éléphants d’Afrique ne compte plus que 415 000 individus (UICN, 2016), et la situation se révèle encore plus critique pour les éléphants d’Asie, avec une population estimée à seulement 50 000 individus dans la Liste rouge de l’UICN (a). Voilà un constat on ne peut plus désolant, non seulement parce que les éléphants possèdent une immense valeur intrinsèque, mais aussi parce qu’ils font partie des espèces à la fois emblématiques et essentielles de notre patrimoine naturel. Car s’ils disparaissent, c’est tout l’écosystème qui s’effondrera.

Ce 12 août, à l’occasion de la Journée mondiale des éléphants (a), je fais le bilan de ce que j’ai appris : je me rends compte que, pour parvenir à sauver le plus grand mammifère terrestre, nous devons protéger son habitat naturel, mettre un terme au braconnage et aux trafics associés, soutenir les communautés concernées par les conflits entre l’homme et l’éléphant, et faire cesser la demande d’ivoire.

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Le grand recensement mené en 2016 a révélé un grave recul
des populations d’éléphants d’Afrique au cours des 100 dernières années.

Protéger les éléphants sur tout le continent africain

En 2010, j’ai commencé à travailler pour la Région Afrique de la Banque mondiale, avec pour mission de piloter des projets financés par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) en faveur de la biodiversité et du développement. Le premier projet sur lequel j’ai travaillé concernait la préservation du Parc national des éléphants d’Addo (a), dans la province du Cap oriental, en Afrique du Sud. Il a permis d’appuyer l’expansion du périmètre du parc pour pouvoir accueillir 550 éléphants vivant dans la savane, tout en générant pas moins de 16 millions de dollars de recettes touristiques.

Mon travail en Afrique s’est ensuite élargi à d’autres projets au Botswana, en Namibie et au Zimbabwe. Au Zimbabwe, en particulier, l’objectif était de faire face à l’accroissement de la population d’éléphants dans le Parc national de Hwange qui, avec environ 44 000 individus, commençait à atteindre ses limites. Il s’agissait de résoudre le problème d’accès à l’eau potable pour les animaux et les habitants, lutter contre les feux de forêt destructeurs, combattre le braconnage, régler les conflits entre l’homme et les espèces sauvages, et de développer de nouveaux moyens de subsistance pour les populations locales afin de les inciter à protéger cette faune.

Le projet mené au Botswana était quant à lui entièrement axé sur les conflits homme-animal. Ce pays compte environ 2,2 millions d’habitants et 130 000 éléphants (a), soit la plus grande population de pachydermes du continent. Pourtant, moins de 30 % de ces animaux vivent dans des zones protégées. Avec l’expansion des terres agricoles, les zones dans lesquelles les éléphants pouvaient circuler en dehors des zones protégées étaient en diminution, ce qui se traduisait par d’importantes pertes agricoles pour les communautés humaines. Différentes techniques de prévention, notamment l’installation de clôtures de piment rouge, ont été mises à l’essai. Mais le développement des compétences et la formation des jeunes au tourisme vert ont été sans nul doute l’approche la plus efficace.

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Photo : Inna Felker/Shutterstock

Des menaces d’une ampleur inédite  

Jusqu’à il y a cinq ans, je n’avais jamais travaillé sur des projets de lutte contre le braconnage de masse. C’est en commençant à travailler au Mozambique, en Zambie et en Tanzanie que j’ai compris que nous étions en train de perdre la bataille. Tout au long de la chaîne d’approvisionnement de l’ivoire, les milices armées, les groupes rebelles, les réseaux de trafiquants, les grossistes et l’essor de la demande faisaient grimper la mortalité des éléphants à un rythme alarmant. Dans beaucoup de pays d’Afrique de l’Est, de l’Ouest et centrale, les populations d’éléphants se sont effondrées : la Tanzanie, notamment, a connu un déclin de 60 % au cours des cinq dernières années (a).

J’ai commencé à voir les carcasses d’éléphants et à discuter avec les gardes forestiers de leurs expériences avec ces animaux. J’ai pu observer leur société matriarcale, les voir protéger leurs petits, mais aussi détruire un champ ou nous charger. Je pourrais vous raconter d’innombrables anecdotes montrant les similitudes comportementales entre l’homme et l’éléphant qui rendent cette espèce aussi émouvante que vulnérable.

L’un des mammifères terrestres les plus intelligents 

La science a démontré que l’éléphant est un animal extrêmement social et intelligent. Dans cette conférence TED (a), vous pouvez découvrir leur grande diversité de comportements, qui vont de l’empathie au chagrin en passant par la capacité à utiliser des outils, la conscience de soi et la coordination.

Au cours d’une récente mission dans le Parc national de la Lopé, au Gabon (a), j’ai eu une discussion très intéressante avec un garde forestier qui m’a expliqué comment l’Agence des parcs nationaux avait recruté un ancien braconnier d’éléphants. À chaque fois que l’homme les accompagnait en patrouille pour surveiller les éléphants, ceux-ci ressentaient visiblement un danger et les chargeaient. Et lorsque les gardes forestiers patrouillaient dans la même zone sans cet homme, les rencontres avec les éléphants se déroulaient sans encombre. L’ancien braconnier a fini par démissionner pour ne pas mettre en danger la vie de ses collègues.

Au cours de la même visite, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le professeur Lee White (a), secrétaire exécutif de l’Agence gabonaise des parcs nationaux, qui m’a relaté cette scène dont il a été témoin : un troupeau d’éléphants en deuil, célébrant la perte d’un membre de la famille en enterrant son corps sous des feuilles et des branchages. Dans l’un de mes livres préférés, The Elephant Whisperer: My Life with the Herd in the African Wild (a), Lawrence Anthony décrit la manière dont il a apporté son aide à un troupeau d’éléphants et est ainsi parvenu à tisser des liens profonds avec eux.

La communauté internationale doit agir pour sauver les éléphants 

En réponse à l’appel lancé à la communauté internationale, 19 pays d’Asie et d’Afrique se sont mis d’accord pour nouer un partenariat destiné à lutter contre le commerce illégal d’animaux. Le Programme mondial pour la vie sauvage, que je dirige à la Banque mondiale, est financé par le FEM. Parmi les pays participants, quatorze investissent dans des solutions de protection des éléphants au travers d’une intensification de la lutte contre le braconnage, d’une amélioration de la gestion de la faune avec les populations humaines locales, d’une réduction du trafic d’ivoire et d’une sensibilisation à la nécessité de réduire la demande d'ivoire. Mon équipe et moi-même avons organisé plusieurs conférences qui favorisent le partage de connaissances entre les différentes parties prenantes et encouragent les actions concertées contre le commerce d’animaux sauvages.

Au mois d’octobre, en collaboration avec le gouvernement indien, nous allons organiser la conférence annuelle du Partenariat et proposer à plusieurs pays membres un voyage d’études au Sri Lanka pour visiter un projet dirigé par la Banque mondiale (a) autour de la gestion des corridors fauniques. Le Sri Lanka se distingue par une densité de population humaine élevée et une très importante population d’éléphants (estimée à 4 000 individus, voire davantage). L’idée étant que, si des solutions fonctionnent ici, elles pourront être répliquées ailleurs. Je me réjouis déjà à la perspective d’apprendre à mieux connaître les éléphants d’Asie.

J’ai bon espoir qu’avec un partenariat comme celui-ci et le soutien de la communauté internationale, nous parviendrons à empêcher la disparition des éléphants. Je vous invite à jouer un rôle actif en sensibilisant les gens autour de vous à ce problème et en apportant votre soutien aux organismes (a) de conservation locaux.

Je profite de cette occasion pour remercier toutes les personnes que j’ai rencontrées qui travaillent sans relâche à la protection des éléphants.
 

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Des corridors de coexistence pour réduire les conflits homme-animal
Reducing demand must be a core component of combatting wildlife crime (a)


 


Auteurs

Claudia Sobrevila

Program Manager for the Global Partnership on Wildlife Conservation and Crime Prevention for Sustainable Development (GWP)

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