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Les femmes et le vélo : la solution pour les personnes restées au pays à la suite du raz-de-marée humain en Méditerranée

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Le monde entier est hypnotisé par les efforts désespérés que déploie le continent européen pour faire face au nombre croissant de réfugiés et de migrants qui arrivent d'Afrique et du Moyen-Orient. Pourtant, rares sont ceux qui pensent à la détresse des personnes restées au pays, aux prises avec les violences et les persécutions, ou de celles qui se trouvent toujours dans des camps de réfugiés. Certains estiment que ce sont ces personnes restées au pays qui sont la solution et sauveront l'avenir du Moyen-Orient et de l'Afrique, et qu'un excellent moyen de les aider serait de leur donner des vélos.

//www.middleeasteye.net/news/women-yemen-peddle-right-bike-1871266777#sthash.4alYKG2m.dpuf« Je vais vous dire ce que je pense du vélo. Je pense qu'il a fait plus pour l'émancipation des femmes que toute autre chose au monde. Il donne aux femmes une sensation de liberté et de confiance en soi. » – Susan B. Anthony

Pour la seule année 2015, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés a rapporté que, parmi les 520 957 personnes qui ont tenté de traverser la Méditerranée, 2 980 sont décédées ou ont disparu. On estime que 18 % de ces migrants sont des enfants et 13 % sont des femmes. Selon le Comité international de la Croix-Rouge, environ 200 000 réfugiés supplémentaires prévoient de tenter la traversée d'ici la fin 2015. La vague humaine vertigineuse qui déferle sur la région est donc loin de retomber.

Aujourd'hui, il existe de nombreux conflits armés internes et entre pays voisins dans le monde, et la plupart d'entre eux se concentrent dans deux régions : le Moyen-Orient et l'Afrique. Les tentatives désespérées que déploient tant de Syriens pour fuir le régime de Bachar el-Assad et la terreur de l'État islamique pour rejoindre la sécurité de l'Europe ont capté l'attention du monde entier. Toutefois, les Syriens ne sont pas les seuls à mériter notre compassion. Bien que l'intérêt international pour l'Afghanistan se soit étiolé et que la plupart des troupes étrangères aient quitté le pays, la guerre ne fait qu'empirer. De plus, on assiste à un afflux de réfugiés désespérés en provenance d'Érythrée, d'Iraq, de Libye, du Nigéria, du Pakistan, de Somalie, du Soudan, de Gambie et du Bangladesh qui ont autant droit au statut de réfugié que les autres.


Tandis que la mer Méditerranée continue de rejeter des corps (a), ce périple périlleux s'apparente moins à un phénomène migratoire qu'à un véritable raz-de-marée humain. Les réfugiés et les migrants qui partent laissent un grand vide, tandis que les personnes les plus compétentes, les plus valides et les plus éduquées continuent de quitter le continent, la plupart étant des hommes. Ils laissent derrière eux des femmes, des vieillards et des handicapés, aux prises avec les violences locales. Les familles qui restent au pays espèrent souvent retrouver leurs proches dans un futur proche ou recevoir de l'argent de leur part pour subvenir à leurs besoins tandis qu'elles s'efforcent de reconstruire leur communauté. 
 
Comment la communauté internationale peut-elle aider ces sociétés ravagées ? La communauté internationale doit investir pour donner plus de pouvoir et d'opportunités de leadership aux femmes ainsi que pour changer l'ordre social afin de favoriser leur émancipation sur le continent. Nous devons nous en préoccuper immédiatement, en faisant preuve d'empathie et de solidarité.
 
Le vélo est un excellent moyen d'émanciper les femmes et les jeunes filles. Dans les zones défavorisées où les distances posent problème, le vélo est souvent un choix évident de mode de transport fiable et un outil naturel pour améliorer les conditions de vie de nombreuses personnes, et on peut également le considérer comme un « vecteur de liberté ».
 
Zambian youth ride biksPar exemple, le tsunami qui s'est produit dans l'océan Indien en décembre 2004 à la suite d'un séisme sous-marin de magnitude 9,3 qui a fait trembler la planète toute entière pendant une dizaine de minutes. Selon l'Institut d'études géologiques des États-Unis, ce séisme a libéré une énergie équivalente à 23 000 bombes atomiques semblables à celle qui a frappé Hiroshima. Au cours des sept heures qui ont suivi, le tsunami a traversé l'océan Indien, en dévastant des zones côtières aussi lointaines que celles d'Afrique de l'Est. En fin de compte, le tsunami a fait plus de 230 000 victimes en Indonésie, au Sri Lanka, en Inde, en Thaïlande, aux Maldives et en Somalie. Le World Bicycle Relief (WBR) (a) a été l'un des premiers organismes à fournir des vélos aux victimes du tsunami qui a frappé l'océan Indien en 2004, leur permettant ainsi de reconstruire leurs vies et leurs communautés.


F. K. Day, cofondateur et président de World Bicycle Relief a dit un jour : « Là où on cherche à renforcer la liberté et l'indépendance des populations et où les distances sont un obstacle à l'accès aux services et aux marchés vitaux, les vélos jouent un rôle essentiel pour rendre cet accès possible. » World Bicycle Relief mène à bien sa mission en fournissant des vélos de qualité, très robustes (connus sous le nom de Buffalo Bicycles) (a), avec pour objectif d'éliminer l'obstacle que peuvent constituer les distances pour accéder à l'éducation, aux services de santé et aux opportunités économiques. Par rapport à la marche, le vélo multiplie par cinq la capacité de transport et par quatre la distance parcourue, ce qui réduit considérablement le temps nécessaire pour aller à l'école, à l'hôpital ou au marché. Les vélos constituent une technologie simple, durable et adaptée pour combler les lacunes en matière de transports entre les besoins et les ressources liés à l'émancipation des jeunes filles, des familles et des communautés locales.
 
En raison du succès du programme de secours aux victimes du tsunami, des organismes d'aide au développement en Afrique subsaharienne ont demandé à World Bicycle Relief de fournir une assistance pour un programme de santé. L'organisation a fourni 23 000 vélos spécialement conçus et assemblés sur place à des professionnels de santé volontaires pour aller soigner des patients souffrant du VIH/sida dans les zones rurales de Zambie. Les données et enseignements tirés de ce programme de santé ont incité World Bicycle Relief à étendre son programme (a) à l'éducation, à la formation de réparateurs de vélos et aux solutions d'entreprise sociale. Au cours des dix dernières années, World Bicycle Relief a distribué plus de 260 000 vélos Buffalo Bicycles de conception spéciale.
 
Dans un même état d'esprit, l' Union Cycliste Internationale (UCI), qui représente le cyclisme sportif mondial, considère l'accroissement de la participation des femmes comme l'une de ses missions clés. En effet, le cyclisme sportif peut constituer un moyen de surmonter certaines des barrières culturelles auxquelles les femmes se heurtent quant à l'utilisation du vélo comme moyen de transport. En Afghanistan, par exemple, la création d'une équipe cycliste nationale féminine et le soutien qui lui a été apporté ont contribué à rendre le cyclisme acceptable pour les femmes vivant dans l'un des pays où la pauvreté et les injustices sociales sont les plus importantes au monde. « Le cyclisme est un sport de plus en plus important au Moyen-Orient, avec la création de nouvelles courses comme le Tour d'Abu Dhabi et, l'année prochaine, les Championnats du monde de cyclisme sur route à Doha, au Qatar. C'est également un moyen d'inciter la population à pratiquer plus d'activités physiques, d'enseigner la sécurité routière aux enfants et de mettre en avant le vélo en tant que moyen de transport » , explique Brian Cookson OBE, président de l'Union Cycliste Internationale (UCI).
 
Des vélos en Afghanistan

Selon un dicton en vogue dans la communauté du développement, il ne faut « jamais gâcher une crise ». Le raz-de-marée humain tragique qui déferle actuellement sur la Méditerranée s'accompagne de nombreuses opportunités, pas seulement pour les demandeurs d'asile, mais aussi pour les personnes qui sont restées au pays, qui sont coincées dans des camps de réfugiés dans un pays voisin, ou qui ont besoin d'une aide humanitaire immédiate.
 
Pourquoi ne pas leur offrir des outils indispensables à leur survie qui pourraient les conduire à la paix et à la prospérité ? Les synergies positives qui naissent de femmes déterminées et de vélos fiables pourraient permettre au Moyen-Orient et, en fait, à l'ensemble du continent africain, de renforcer l'autonomie et la résilience de leurs communautés. Parmi les 17 Objectifs de développement durable (ODD) qui viennent d'être adoptés (a), 14 pourraient présenter des opportunités d'utiliser le vélo pour rendre le monde meilleur à l'horizon 2030 ! Au cours des quinze prochaines années, ces Objectifs vont susciter de nombreuses actions dans des domaines d'importance cruciale pour l'humanité et la planète, et le vélo pourrait bien jouer un rôle majeur en tant que solution dans cet agenda.

Photographie d'une femme yéménite en train de monter à un vélo devant la mosquée Saleh, dans la capitale du Yémen, par Bushra al-Fusail/MEE/autorisation octroyée à la Banque mondiale.
Photographie de jeunes Zambiens en train de faire du vélo. Image fournie par World Bicycle Relief

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