Publié sur Opinions

Les femmes, premières victimes du virus Zika

 EPA / Percio Campos
Une femme enceinte devant sa maison dans le bidonville de Beco do Sururu, à Recife, au Brésil.
Crédits: EPA / Percio Campos


Depuis le début de l’année et la flambée épidémique du virus Zika, le monde découvre avec effroi ces clichés de bébés atteints de microcéphalie qui font la une des informations. Ces jeunes victimes incarnent le coût humain de cette épidémie, même si le lien de causalité entre le virus et cette maladie congénitale n’est encore formellement établi.

Une chose est sûre cependant : derrière chacun de ces nourrissons, se cache une mère. Une mère le plus souvent pauvre et vivant en milieu rural, ayant difficilement accès à des services essentiels comme l’assainissement ou à des informations sanitaires. Cette épidémie vient brutalement rappeler au monde à quel point les besoins et la santé des femmes doivent figurer en tête des efforts nationaux et internationaux de prévention et de réaction.

En cette Journée internationale de la femme, il est important de se pencher tout particulièrement sur les inégalités entre les sexes en matière de santé, des inégalités qui restent scandaleusement marquées, surtout pour les femmes des pays en développement, qui représentent notamment 99 % de tous les décès maternels enregistrés dans le monde.

Dans de nombreux pays d’Amérique latine et des Caraïbes, les systèmes de santé sont plus solides que dans d’autres régions en développement. Pourtant, selon une étude de 2012 (a), la région détient le record mondial des grossesses non désirées (56 %).

D’autres pays ont également de forts besoins non satisfaits dans le domaine de la planification familiale : selon différentes enquêtes, 23,7 % des femmes haïtiennes, 13,9 % des femmes boliviennes et 18,5 % des femmes guatémaltèques souhaiteraient bénéficier de ces services sans pouvoir y accéder. Tandis que l’El Salvador affiche un taux de grossesses adolescentes, souvent non désirées, très élevé, faute d’informations suffisantes et d’accès à des services de santé génésique.

Les femmes de la région sont également très fréquemment victimes de violences : selon une étude conduite en 2012 dans douze pays (a) par l’Organisation panaméricaine de la santé et les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies, 17 à 53 % des femmes subiraient des violences physiques ou sexuelles infligées par leur partenaire. Des chiffres conformes à ceux de l’OMS, qui estime qu’un tiers des femmes dans le monde ont été victimes de violences physiques ou sexuelles. Face à l’incertitude entourant l’épidémie actuelle de Zika, les autorités recommandent d’éviter de tomber enceinte, une décision que, malheureusement, de nombreuses femmes sont incapables de prendre, n’ayant pas les moyens de refuser un rapport sexuel ou d’exiger l’usage de la contraception.

D’autres crises sanitaires mondiales d’envergure montrent à quel point les femmes sont les plus vulnérables. Les répercussions sur les femmes (a) de la dernière épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest ont été immenses, d’un point de vue sanitaire certes mais également du fait de la forte hausse des tâches de soin et familiales qu’elles exercent traditionnellement, qui s’est traduite par des pertes de revenu et de productivité. Les immenses pressions sur les systèmes sanitaires des pays touchés ont accru le nombre de décès maternels : une étude du Groupe de la Banque mondiale réalisée mi-2015 (a) a ainsi estimé que ces taux pourraient grimper en flèche dans les pays les plus touchés, atteignant des sommets inédits depuis une génération et ce, à cause du lourd tribut payé par le personnel de santé.

Mi-février, la Banque mondiale a mis en place une aide financière pour les pays d’Amérique latine et des Caraïbes pour les aider à lutter contre le virus Zika. Outre le contrôle des populations de moustiques, la sensibilisation des habitants aux méthodes de prévention de la transmission du virus et le soutien à la recherche et au développement, l’institution tient à placer la santé des femmes au cœur des initiatives engagées. Faute de quoi, les mesures feront long feu. Mais, et ce point est tout aussi important, il importe d’axer les services liés à la santé génésique et les campagnes de sensibilisation sur les hommes comme sur les femmes.

Dans toutes les régions du monde, les femmes sont de puissants agents de changement qui peuvent contribuer à faire sortir les pays de la pauvreté et à renforcer la résilience face à des menaces et des chocs évolutifs, comme le Zika — surtout quand elles ont les moyens de se faire entendre et d’exercer un contrôle décisif sur leur santé et leur vie.

La crise Zika ne fait que commencer, d’autant que nous connaissons encore assez mal ce virus et ses effets. Mais nous constatons déjà son impact direct sur les femmes. Alors que la communauté internationale se mobilise pour endiguer la propagation de l’épidémie, nous devons rappeler sans relâche tous les avantages découlant de l’émancipation des femmes, et faire en sorte qu’elles aient accès aux soins de santé qu’elles sont en droit d’exiger.

Ce billet a d'abord été publié en anglais sur LinkedIn (a)


Auteurs

Jim Yong Kim

Ancien président du Groupe de la Banque mondiale

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