À 4 h 30 dimanche, après un dépassement horaire record de 36 heures, les 194 pays membres de la CCNUCC sont parvenus à conclure un accord à l'arraché. Des vols spéciaux avaient été programmés par la South African Airways pour encourager les délégués à rester sur place.
Réunir toutes les pièces du puzzle
Trois pièces majeures du puzzle devaient être assemblées pour pouvoir cimenter la « Plateforme de Durban ». Tout d'abord, une nouvelle période d'engagement à l'égard du Protocole de Kyoto, sans laquelle les pays en développement auraient quitté la table des négociations. Deuxièmement, une feuille de route pour l'entrée en vigueur d'un accord véritablement mondial d'ici 2020 au plus tard, sans quoi l'Union européenne ne se serait pas engagée dans un nouveau Kyoto. Troisièmement, l'établissement du Fonds vert pour le climat, en l'absence duquel les pays en développement n'auraient pas accepté de signer cette feuille de route mondiale.
Pour emboîter les pièces du puzzle, il a fallu, souvent en désespoir de cause, faire des compromis lourds d’émotions, et des millions de mots ont été prononcés, souvent pour répéter ce qui avait déjà été dit. Au final, le résultat est des plus positifs pour les perspectives à long terme, et il est conforme à ce que l'on pouvait raisonnablement espérer (voir mon précédent blog : Will Durban Deliver ?).
Voici donc, en résumé, le contenu de l’accord conclu par les délégués avant de quitter Durban :
- Une nouvelle période d'engagement au titre du Protocole de Kyoto pour l'UE et 11 autre pays, à compter du 1er janvier 2013.
- La négociation d'un accord mondial d'ici 2015, pour une entrée en vigueur en 2020, qui constituerait un engagement juridique applicable à l'ensemble des États.
- Le lancement d'un Fonds vert pour le climat, dont les membres du Conseil seront nommés sous trois mois par les groupes régionaux. Cette sélection sera particulièrement importante étant donné que le modus operandi du Fonds reste pour l'essentiel à définir.
Le plat de résistance
D’autres décisions ont aussi été prises :
- Un mécanisme technologique sera établi en 2012 afin d'aider les pays en développement à renforcer leurs capacités et à se doter de technologies respectueuses du climat ;
- Le Cadre d'adaptation entrera en activité en 2012, permettant ainsi d'apporter des orientations et des avis sur les plans d'adaptation nationaux, etc.
- Les questions touchant à l'agriculture seront traitées dans le cadre de la Convention par le biais des travaux de l'Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA), ce qui pourrait être une excellente nouvelle pour les petits agriculteurs de la planète ;
- Un Registre des plans nationaux d’adaptation des pays en développement sera constitué durant la prochaine année ;
- Les marchés du carbone seront maintenus (sous l'impulsion de la décision concernant le Protocole de Kyoto), le Mécanisme pour un développement propre (MDP) sera simplifié, et un nouveau mécanisme de marché sera instauré.
- S'agissant du mécanisme REDD+, des mesures seront introduites pour faciliter le financement, les mesures de protection et les niveaux de référence.
Est-ce que c’est suffisant ?
Compte tenu de tous ces résultats positifs, comment se fait-il que la Plateforme de Durban n’ait pas suscité la même euphorie que la décision de Cancun l'an dernier ? Et pourquoi tant de pays en développement ont-ils quitté Durban avec un sentiment de défaite ? En partie à cause de l'épuisement, mais surtout parce que tous les délégués sont conscients que ces décisions n'auront qu'assez peu d'effets durant cette décennie du « ça passe ou ça casse », et sentent confusément que l'on attend peut-être qu'il ne soit trop tard.
Fort heureusement, les acteurs du monde réel se sont imposés avec force durant les discussions de Durban, apportant l'espoir que les choses pourraient évoluer au cours des années précédant l'entrée en vigueur de l'accord mondial en 2020.
(Suivre ce lien pour visionner une vidéo d'Andrew Steer sur l'action menée par la Banque mondiale dans le domaine du changement climatique)
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