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L’économie mondiale connaît depuis quelques années des bouleversements sans précédent qui ont vu des systèmes formels s’effondrer et basculer dans l’informalité. L’Asie du Sud, ma région d’origine, ne fait pas exception : plus de 90 % des travailleurs appartiennent au secteur informel – qu’ils soient vendeurs de rue, installés chez eux, ouvriers du bâtiment ou petits exploitants – et beaucoup ne savent pas d’une semaine sur l’autre s’ils gagneront de quoi vivre.
Les gouvernements n’ont pas encore pris la mesure de cette réalité. La plupart des systèmes de protection sociale sont conçus pour l’emploi formel – une notion qui semble de plus en plus appartenir au « siècle dernier ». Aujourd’hui, pour bon nombre d’Indiens comme ailleurs dans le monde, les chances d’obtenir un emploi sûr et durable lié à un système national de sécurité sociale sont minimes. Les travailleurs doivent compter sur des réseaux personnels – et non plus sur les pouvoirs publics – pour assurer leur propre protection.
Il est temps de reconnaître à cette « économie populaire » émanant du secteur informel un droit de cité à part entière. Les gouvernements doivent considérer ces travailleurs comme des « cotisants » normaux (et non plus de simples bénéficiaires) et revoir les politiques sociales en fonction. Alors que les budgets publics d’assurance sociale ont décuplé en dix ans, la plupart échouent encore à toucher les plus pauvres et les plus vulnérables, dont l’activité ne rentre pas dans le système établi.
L’organisation à laquelle j’appartiens, en Inde, la Self-Employed Women’s Association (SEWA), est une magnifique illustration de cette économie populaire et solidaire. Ce syndicat de femmes – qui compte 1,4 million d’adhérentes – travaillant dans le secteur informel leur donne des droits et des moyens d’expression.
En Inde, 80 % des femmes pauvres n’ont pas de compte en banque, ce qui explique que la SEWA fasse de l’intégration financière l’une de ses priorités. La banque du syndicat, la SEWA Bank, les aide à travers des services d’épargne, d’assurance pour les emprunts, de retraite et de financement immobilier. Le syndicat a aussi testé les transferts en espèces. Dans l’État du Madhya Pradesh, un dispositif couvrant 20 villages ruraux a permis de constater que des transferts monétaires sans conditions aidaient les familles à surmonter les crises et pouvaient créer des activités rémunératrices.
L’économie populaire peut coexister avec le secteur public et le secteur privé, chacun se renforçant mutuellement. Le système indien de co-contribution aux régimes de retraite, par exemple, a beaucoup intéressé les membres de la SEWA. Avec l’allongement de l’espérance de vie, la question de la retraite préoccupe de nombreuses jeunes femmes, qui cherchent des solutions pour cotiser. Leur motivation ? Elles ne veulent pas se retrouver, comme leurs mères, sans aucune protection sociale dans leur vieillesse.
Dans une économie populaire, même une petite coopérative peut avoir un impact considérable. Si nous pouvions multiplier ce type de solutions, alors nous enverrions un message positif à des millions d’Indiens : il y a de la place pour les initiatives individuelles, la coopération et la confiance mutuelle.
Ce billet fait partie d’une série de messages publiés à l’occasion de l’édition 2012 du Forum de l’apprentissage Sud-Sud – Développer la résilience et les opportunités : le rôle des politiques d’emploi et d’aide sociale – organisé cette semaine par la Banque mondiale à Hyderabad, en Inde.
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