Avec ma collègue Isabelle Huynh, M. Waled, et le directeur général des technologies de l’information et de la communication au Ministère de l’Emploi, de la Formation Professionnelle et des Technologies de l’Information et de la Communication, M. Mohamed Lemine Ould Salihi, nous avons accompagné les jeunes organisateurs du MauriAppChallenge, regroupés au sein de l’association Hadina RIM TIC.
Le lancement officiel du MauriAppChallenge a eu lieu le 15 octobre 2014. Après une phase d’inscription ouverte aux jeunes mauritaniens du pays et de la diaspora, environ 50 candidatures ont été retenues. Début décembre 2014, un « boot camp » organisé avec l’appui du CTIC, incubateur TIC de Dakar, a permis aux équipes de candidats de suivre une préparation accélérée sur les techniques de codage et de participation aux compétitions d’applications mobiles. Pendant un mois, les équipes ont travaillé à développer leur prototype, et ont bénéficié d’un appui technique à distance dispensé par des « coaches » désignés avec l’aide des opérateurs mobiles mauritaniens. Le 5 janvier 2015, les équipes ont livré leur projet : au total 16 prototypes, parmi lesquels 10 (dont deux proposées par des jeunes de la diaspora) ont été sélectionnés pour la finale du 17 février 2015.
Trois aspects ont retenu mon attention pendant la cérémonie de remise des prix : 1) aussi bien les finalistes que l’ensemble des jeunes venus les encourager représentaient la jeunesse mauritanienne dans toute sa diversité, tant du point de vue du genre que des composantes de la société ; 2) de nombreux participants, qui n’avaient pas suivi de scolarité en français, ont démontré une capacité à maîtriser les techniques de codage d’applications mobiles, ce qui leur ouvre des opportunités d’emplois nouvelles dans le secteur des TIC ; 3) les 10 propositions finalistes avaient trait à la santé, à la cartographie urbaine des services, au tourisme, à la gouvernance, et à l’éducation et ont été inspirées directement par des problématiques de la vie quotidienne, comme l’ont souligné les participants. Ceci montre bien que les réseaux de télécommunications mobiles offrent à la Mauritanie l’opportunité d’apporter des solutions nouvelles à certains problèmes de développement et d’avoir un impact direct sur la réduction de la pauvreté.
Le premier prix a été remporté par l'application DiabApp qui permet aux patients diabétiques de saisir leurs données médicales et de suivre leur évolution directement sur leur smartphone, puis de les partager avec leur médecin. La gagnante, Khadjetou Abed, a conçu cette application en travaillant avec un médecin, le docteur Abdellahi ABED, et explique avoir été inspirée par sa maman. Son désir, c’est maintenant de « pouvoir concrétiser son projet avec l’appui des médecins et de partenaires dans le secteur de la santé ».
Les trois gagnants pour le deuxième prix ont développé l’application Smartcity un outil de géolocalisation adapté à la configuration de Nouakchott. Sachant que dans la capitale mauritanienne, la plupart des rues n’ont pas de noms, ils ont imaginé la solution suivante : aider les usagers à se repérer en intégrant dans l’application des points de référence connus de tous comme les grands carrefours routiers, les marchés,… qui permettent de se trouver son chemin jusqu’aux principaux points d’intérêt de la Nouakchott (hôtels, restaurants, administrations, etc.). Mme Fatimetou Mint Abdel Malick, maire de la commune de Tevragh Zeina, et qui faisait partie du jury, a immédiatement « adopté » cette application !
Le duo qui a remporté le troisième prix, interpellé par des problèmes d’agressions sexuelles dans les taxis rencontrées par des connaissances, a développé l’application TaxiSecure. Cette application permet à un proche de la personne prenant le taxi, d’une part, de vérifier que le conducteur du taxi et son véhicule sont bien en règle via un système d’identification par plaque d'immatriculation, et d’autre part, de suivre en temps réel les déplacements du taxi et d'alerter la personne directement sur son portable en cas de changement d’itinéraire suspect.
Au-delà de l’émotion et des félicitations devant le succès incontestable de cette première compétition d’applications mobiles à Nouakchott, le MauriAppChallenge offre aux jeunes lauréats l’opportunité de prendre confiance en leur potentiel et il est maintenant temps de réfléchir aux prochaines étapes en vue de concrétiser la diffusion de ces nouveaux outils et de les transformer en opportunités d’emplois. Tout d’abord, il faudra rendre les applications disponibles aux utilisateurs des réseaux mobiles. Sur ce point, saluons le geste de l’opérateur Mauritel qui s’est engagé à mettre à disposition un fonds de 20 millions d’UM (soit environ 67 000 de dollars américains) pour passer du stade de prototype à celui de service commercialisable.
Il faudra ensuite préparer la prochaine édition du MauriAppChallenge. Un partenariat avec la municipalité de Nouakchott pourrait être envisagé. La ville soutiendrait ainsi une initiative pouvant avoir un impact sur la vie quotidienne des citoyens mauritaniens et stimuler les usages du haut débit sur le principal marché du pays.
Enfin, il est primordial d’engager sans tarder des études de faisabilité pour la mise en place d’un incubateur TIC sur Nouakchott. Et pour cause, cet incubateur permettra de favoriser la création d’entreprises en accompagnant les jeunes développeurs les plus prometteurs. Tel est l’objectif poursuivi par l’association Hadina RIM TIC et sa dynamique présidente Mariam Kane (le mot « Hadina » qui veut dire « incubateur » en arabe). Une affaire à suivre !
1. FSPL: Fédération des services et professions libérales, composante de l’Union nationale du patronat mauritanien.
Prenez part au débat