Publié sur Opinions

Mieux anticiper la reconstruction post-catastrophe

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Foto: Danvicphoto, usuario de Flickr.

Les liens entre pauvreté et catastrophes naturelles sont de plus en plus évidents  : selon une étude récente, les chocs météorologiques extrêmes font, à eux seuls, basculer dans la pauvreté 26 millions de personnes chaque année . Les catastrophes naturelles, aggravées par les effets conjugués du changement climatique, de l’urbanisation et de l’accroissement de la population, engendrent des pertes qui dépassent désormais les 500 milliards de dollars par an, et rien ne laisse présager une inversion de cette tendance.

Or, faute de temps et de ressources, les pays en développement n’anticipent pas suffisamment ces phénomènes devenus courants, ce qui nuit à leur relèvement post-catastrophe, compromet leur développement durable et laisse des millions de personnes parmi les plus vulnérables sur le bord du chemin

Se tenir prêt pour la reconstruction

L’expérience prouve combien il est important que les pays à risque prennent, avant la survenue d’une catastrophe, les dispositions d’ordre institutionnel, politique et budgétaire indispensables , et qu’ils renforcent leur capacité à les coordonner et les mettre en œuvre. Ces actions en amont permettent aux États d’intervenir efficacement et sans délai tandis que les populations sont, elles, mieux armées pour reconstruire après la catastrophe, ce qui contribue à renforcer leur résilience face à de futures épreuves. Toutefois, si les investissements en matière de gestion des risques progressent, les efforts des pays ne s’accompagnent généralement pas des dispositions institutionnelles et de gouvernance qui assurent un tel processus de reconstruction.

Pour remédier à cette faille et aider les pays à mieux se préparer aux catastrophes et réussir leur redressement, la Banque mondiale et le PNUD ont noué une étroite collaboration avec plusieurs partenaires, l’Union européenne (UE) en tête. Depuis la signature d’un premier accord tripartite en 2008, les trois partenaires ont soutenu dans 52 pays la réalisation d’évaluations des besoins post-catastrophe, un exercice qui permet d’orienter le processus de relèvement ; ils ont également œuvré à la conception d’une vingtaine de stratégies ou de cadres de reconstruction. De ces expériences, il ressort que le degré d’anticipation est un facteur déterminant pour le succès du relèvement et ce, quelque soit le niveau de ressources du pays.

À cet égard, on observe des avancées récentes très encourageantes. Le PNUD entreprend actuellement, avec le concours du Luxembourg et du Japon, un programme de planification de la reconstruction dans cinq pays d’Afrique. Ce programme prévoit le renforcement des moyens employés pour évaluer les besoins de reconstruction, planifier et mettre en œuvre les actions de relèvement et concevoir des instruments financiers soutenant le redressement. Par ailleurs, le Disaster Recovery Framework Guide (a), un outil mis au point il y a trois ans par la Banque mondiale, le PNUD et l’UE, a d’ores et déjà été exploité par plusieurs pays : les Fidji, le Malawi et le Népal ont notamment utilisé ce guide pour définir des plans de redressement adaptés à leur situation, ce qui leur a permis non seulement de se relever plus rapidement mais aussi de renforcer leur capacité de résistance face à des risques mondiaux aggravants.

Enfin, au sein de la Banque mondiale, la Facilité mondiale pour la prévention des risques de catastrophes et le relèvement (GFDRR) s’attache à transposer les enseignements tirés des actions de reconstruction après une catastrophe dans la gestion d’autres types de crises, notamment les situations de conflit ou de fragilité. En 2014, la GFDRR a ainsi contribué à l’évaluation des besoins de reconstruction en Syrie (chiffrés à plus de 4 milliards de dollars) en s’appuyant sur l’observation des réseaux sociaux, l’exploration de données et l’analyse d’images satellite haute définition. Plus de 17 États fragiles ou touchés par des conflits ont bénéficié d’un appui supplémentaire au cours de l’année écoulée.
                                                                                                                                     
Perspectives

Il faut également souligner la place accordée au relèvement dans le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophes. Cette charte mondiale adoptée en 2015 par la communauté internationale afin d’améliorer la gestion des conséquences des catastrophes naturelles a hissé la reconstruction parmi ses quatre priorités. Une inclusion qui devrait encourager les pays à mettre en place des politiques, des institutions et des mécanismes financiers favorables à un relèvement réussi, et par conséquent à intégrer dans leurs systèmes de réduction des risques de catastrophes la planification de la reconstruction et sa mise en œuvre. Tout en investissant dans les domaines d’action prioritaires correspondant aux objectifs du Cadre de Sendai, les États peuvent, en même temps, développer des institutions et des ressources essentiels au relèvement.  

L’expérience récente montre que ces objectifs sont tout à fait réalisables et, même s’il reste beaucoup à faire, nous percevons des signes de progrès. Comme en Équateur et au Sri Lanka, par exemple, où, à la suite des résultats d’une évaluation des besoins post-catastrophe en 2016, les autorités ont respectivement alloué plus de 600 et 103 millions de dollars à des actions de redressement de long terme. De même, les participants à la Plateforme mondiale pour la réduction du risque de catastrophe, qui s’est récemment tenue à Cancun, ont pour leur part insisté sur la nécessaire consolidation des structures de gouvernance du risque de catastrophe, lesquelles doivent comporter un volet consacré au relèvement.

Les thèmes du financement et de la planification du relèvement doivent aussi occuper une place centrale dans les discussions menées en ce moment, à Bruxelles, par les centaines de représentants de pays en développement et d’organisations réunis pour la troisième Conférence mondiale sur la reconstruction (a). La Banque mondiale et le PNUD, tous deux co-organisateurs de cet événement majeur, s’appuieront sur leurs dix années d’expérience commune pour militer en faveur d’une démarche davantage fondée sur l’anticipation et le relèvement.
 

Francis Ghesquiere dirige la Facilité mondiale pour la prévention des risques de catastrophes et le relèvement (GFDRR), à la Banque mondiale.
 
Jo Scheuer est directeur pour le Changement climatique et la réduction des risques de catastrophe au Bureau des politiques et de l’appui aux programmes du PNUD.​


Auteurs

Francis Ghesquiere

Practice Manager, Water, Eastern and Southern Africa, World Bank

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