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Partage d'expérience sur la libéralisation de la gestion de noms de domaine en Tunisie et Turquie

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Comment accompagner les entreprises du continent africain, et notamment les petites et moyennes entreprises, vers une plus grande utilisation de l’Internet ? Cette question se pose avec une acuité croissante sur un continent où plus de 50% de la population à moins de 20 ans et recherche deux fois plus d'information que ses aînés sur les canaux numériques[1] rendus de plus en plus accessibles avec le décollage du haut débit mobile en Afrique.

Ceci est également une nécessité pour la croissance et pour la compétitivité dans un univers économique de plus en plus mondialisé où clients et partenaires utilisent de manière toujours plus intensive les outils de l’économie numérique.

La mise en place d’un cadre juridique et réglementaire approprié fait partie des prérequis indispensable, pour promouvoir le développement des activités économiques sur Internet, comprenant notamment des lois sur les transactions électroniques, la protection des données personnelles et la cybercriminalité, mais également des dispositions relatives aux noms de domaines.

ImageLe nom de domaine est en effet le point de départ de la présence sur le web pour les entreprises, et donc de développement des applications, des contenus pertinents et des sites Internet locaux. Une fois que l’on possède un nom de domaine, on dispose d’adresses email personnalisées et de son propre site web. Le nom de domaine wimex.mr, par exemple, est utilisé comme URL (adresse sur Internet) du site web de cette entreprise mauritanienne  (http://www.wimex.mr) et comme partie d’une adresse mail (info@wimex.mr).

En Mauritanie, la politique de gestion des noms de domaine est régie par la nouvelle Loi 2013-25, conduite par une Commission d’Orientation, présidée par le Président de l’ARE, et un Comité de Gestion, présidé par le Président de l’Université des Sciences, de Technologie et de Médecine (USTM) de Nouakchott, et mise en œuvre par une structure associative dénommée « NIC Mauritanie  ».

Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) – et notamment un usage croissant de l’Internet – permettent d’accélérer le développement économique durable et la création d’emplois, et il est donc particulièrement important de mettre en place un environnement favorable dès le départ. La Banque mondiale et ses partenaires accompagnent un grand nombre de pays à relever ce défi.

SouthSouthorangeAfin de présenter et discuter de meilleures pratiques internationales dans la gestion des noms de domaines, j’ai accompagné avec mon collègue Arthur Foch, les 23 et 24 avril dernier à Nouakchott, un groupe d’experts de l’autorité de régulation turque pour les technologies de l’information et de la communication (ICTA) et de l’instance nationale des télécommunications tunisiennes (INT) pour un atelier financé par un don pour les partages de connaissance sud sud (South South Knowledge Exchange) et réunissant l’ensemble des acteurs du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) mauritanien.

Il y a aujourd’hui une faible pénétration des noms de domaine en Mauritanie, avec environ 1.090 domaines enregistrés actuellement, à comparer aux 19.126 en Tunisie et aux 344.681 en Turquie. Les différences sont très importantes dans l’absolu, mais l’objectif essentiel des échanges de Nouakchott était surtout de comprendre par quelles politiques de gestion des noms de domaine la Turquie et Tunisie ont réussi à en faire croître significativement et continûment le nombre de noms de domaine en .tn et en .tr

Evolution du nombre de noms de domaine en Tunisie (Source: INT)

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Les deux pays ont adopté une politique de libéralisation des noms de domaines, dont les autorités de régulation sont les garantes, et qui comprend 5 dimensions clefs:

  1. La mise en place d’un marché ouvert et transparent des noms de domaine, distinguant entre les fonctions de type Office d’Enregistrement (“Registry”) et de type Bureau d’Enregistrement  (“Registrar”). La fonction Office d’Enregistrement est assurée par l’autorité de régulation. Des conventions sont établies entre l’Office d’Enregistrement (unique) et de multiples bureaux d’enregistrement auxquel va s’adresser le client intéressé par un nom de domaine. La Tunisie, où il y actuellement 18 bureaux d’enregistrement, a défini quatre conditions à remplir pour les entreprises intéressées par cette activité: réaliser au moins un audit de sécurité complet par une tierce partie par année calendaire ; assurer une disponibilé du service mensuelle de 99.7% et un maximum de 12 heures d’indisponibilité; disposer de compétences et de moyens techniques suffisants et raisonables; et avoir une assurance responsabilité suffisante et un capital minimum. Cette réforme est une des raisons principales de la croissance de la croissance de 52% en Tunisie entre 2010 et 2011. En Turquie,
  2. L’adoption d’une charte de nommage.  La charte de nommage est un document évolutif, fruit de la réflexion, des travaux et des accords de tous les acteurs du suivant le modèle multi acteur préconisé par l’ICANN[1]. Elle définit notamment les règles relatives au nom de domaine, dont les règles syntaxiques (par exemple, création de sous-domaines tels que .gov.mr pour l’Administration, ou bien .com.mr pour capitaliser sur la visibilité du .com, etc.), les règles d’attribution qui sont, en Turquie et en Tunisie, de type “premier arrivé, premier servi”, les dispositions pour l’utilisation de caractères en langue arabe, etc.  Cette réforme, introduite en Tunisie et en Turquie en 2010, a permis d’encourager l’adoption de noms de domaine en .tr et en .tn par rapport à des noms de domaines hébergés par exemple en .com.
  3. Une tarification incitative des noms de domaines, qui est aujourd’hui de l’ordre de 12 US$ par nom de domaine en Tunisie et en Turquie. Le prix des noms de domaine joue un rôle important, surtout dans la phase initiale de développement du marché des moms de domaine pusiqu’il doit être à la fois incitatif pour les entreprises clientes et pour les bureaux d’enregistrement. La croissance de 52% en Tunisie entre 2012 et 2013 s’explique essentiellement par la baisse du prix de 18$ à 12$.
  4. Un système efficace de résolution des litiges sur les noms de domaine. La Tunisie a récemment  adopté un mécanisme de  résolution des litiges qui fixe un délai maximum de 65 jours (30 jours pour la préparation des dossiers, 35 jours pour l’arbitrage lui-même). Cette approche facilite grandement l’entrée de nouveaux acteurs dans l’économie numérique.
  5. Une campagne de communication pour accompagner la mise en place de la politique de gestion des noms de domaine. En Tunisie, il y eu trois campagnes de communication qui ont précédé la mise en place des bureaux d’enregistrement. Il est également envisagé de mettre en place un programme spécifique pour promouvoir l’enregistrement en ligne des noms de domaine, une modalité qui devrait faire croitre rapidement le nombre de noms de domaines.
Les entreprises mauritaniennes ayant participé à cet échange sud sud ont été très intéressées par les opportunités d’activités nouvelles permises par la libéralisation des noms de domaine, notamment celles qui offrent des prestations d’hébergement ou de développement d’applications ou de sites web à destination des entreprises. Les accords de coopération signés entre les autorités de régulation mauritanienne, tunisienne et turque à l’issue de l’atelier devrait permettre de contribuer à mettre en place un tel environnement favorable au développement des noms de domaines.

 BM)
Signature d’accords de coopération entre les autorités de régulation turques, tunisiennes et mauritaniennes pour prolonger le partage d’expérience (source : Banque mondiale)
 
[1] ICANN = Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (Société pour l'attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet) est une une société de droit californien à but non lucratif ayant pour principales missions d'administrer les ressources numériques d'Internet, tels que l'adressage IP et les noms de domaines de premier niveau (TLD), et de coordonner les acteurs techniques.

Auteurs

Michel Rogy

Conseiller pour les politiques TIC

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