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Il faut tout un village... La place centrale des femmes dans la résilience climatique

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Women at a community meeting discussing the reconstruction of the village hit by volcanic eruption. Yogyakarta, Indonesia. Women at a community meeting discussing the reconstruction of the village hit by volcanic eruption. Yogyakarta, Indonesia.

Renforcer la résilience aux catastrophes et aux chocs climatiques est un effort collectif. Chacun doit apporter sa pierre à l’édifice. Or, de nombreux obstacles empêchent les femmes d’y contribuer pleinement.   Il en résulte non seulement une perte pour les femmes, mais aussi pour les ménages et les communautés qui sont moins à même de se protéger et de surmonter les effets du changement climatique. 

Les femmes sont fortement touchées par les catastrophes naturelles et doivent jouer un rôle crucial dans la résilience et la reconstruction.   Elles sont pourtant souvent désavantagées par les inégalités et les normes de genre. Par exemple, les femmes ont généralement plus de responsabilités familiales, ce qui les rend plus susceptibles que les hommes de s’absenter du travail à la suite d’un choc. Cette absence peut entraîner non seulement une perte de revenu — ce qui peut affecter leur capacité à subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille — mais aussi une insécurité alimentaire et un manque de ressources pour reconstruire leurs maisons ou leurs commerces. À la suite des inondations à Dar es-Salaam (a), 60 % des personnes ayant déclaré avoir manqué le travail étaient des femmes, et celles-ci sont également restées à la maison plus longtemps que les hommes en moyenne. 

« Les femmes sont fortement touchées par les catastrophes naturelles et doivent jouer un rôle crucial dans la résilience et la reconstruction. Elles sont pourtant souvent désavantagées par les inégalités et les normes de genre. »

Comment donner aux femmes les moyens de jouer un rôle plus important dans le renforcement de la résilience ? La conférence organisée conjointement par l’Association économique internationale (IEA), la Banque mondiale et le Programme des Nations Unies pour le développement, sur le thème « Comprendre les liens entre genre et climat », a clairement mis en évidence le levier majeur que représentent la prise en compte et l’officialisation du rôle des femmes dans la préparation aux catastrophes et la reconstruction. En plus d’améliorer la résilience des communautés et des populations, cette reconnaissance aurait des retombées positives sur l’égalité des sexes en général, comme l’ont montré les travaux de la Banque mondiale.

Que ce soit de manière officielle ou informelle, les femmes jouent toujours un rôle important dans les efforts de préparation, d’intervention et de relèvement en cas de catastrophe.  Lorsqu’elles sont officiellement impliquées, les résultats ont tendance à être meilleurs et leurs actions peuvent avoir un effet transformateur sur leurs communautés. L’engagement des femmes profite non seulement à elles-mêmes, mais aussi aux personnes qui dépendent d’elles. C’est pourquoi la Banque mondiale s’emploie activement à combler les inégalités entre les sexes en ce qui concerne l’accès aux systèmes d’alerte précoce et la capacité à y répondre. En Haïti (a) et au Bangladesh (a), la Banque a associé les femmes aux campagnes d’information et à la gestion des abris anti-tempête dans le but de lever leur réticence à utiliser ces refuges par crainte pour leur sécurité. Cette approche a eu un effet positif sur la sensibilisation des femmes aux catastrophes et sur l’utilisation de ces abris.

La reconstruction après une catastrophe offre souvent des opportunités aux personnes sinistrées. Toutefois, étant donné que les hommes en sont généralement les grands bénéficiaires, il est crucial de soutenir la reprise économique des femmes.   S’il est essentiel de fixer des objectifs pour que les femmes bénéficient d’un appui aux moyens de subsistance, il est tout aussi important de s’attaquer aux obstacles qui entravent leur accès à ces aides. Grâce à une meilleure compréhension des dynamiques de genre et à leur intégration dans la conception des projets, on peut obtenir de meilleurs résultats non seulement au profit des femmes, mais aussi au bénéfice de tous. Le cas de la Dominique, après l’ouragan Maria, illustre comment un projet de rétablissement des moyens de subsistance (a) axé sur l’agriculture s'est employé à soutenir les femmes, celles-ci ayant subi le plus de pertes agricoles selon une évaluation des besoins post-catastrophe. Le projet ne s’est pas contenté de cibler les femmes : il s'est appuyé sur des associations féminines pour les associer aux activités. Il a prévu des formations distinctes pour les agricultrices, accompagnées de services de garde d’enfants, et a couvert des sujets présentant un intérêt particulier pour les femmes. 

Les femmes ont un rôle essentiel à jouer dans le renforcement de la résilience climatique, et la prise en compte du genre dans la conception des programmes peut rendre ces derniers plus efficaces.   Ce faisant, il convient toutefois de veiller à ne pas conforter involontairement les rôles assignés à chaque sexe. Par exemple, le fait de fournir des services de garde d’enfants uniquement aux employées peut rendre un projet plus efficace, mais aussi renforcer les stéréotypes et les inégalités de genre, en perpétuant l’idée selon laquelle cette tâche revient principalement aux femmes. 

« Les femmes ont un rôle essentiel à jouer dans le renforcement de la résilience climatique, et la prise en compte du genre dans la conception des programmes peut rendre ces derniers plus efficaces. »

Les projets peuvent au contraire être conçus de manière à avoir des effets durables et transformateurs sur l’égalité hommes-femmes. C’est notamment le cas d’un projet (a) de la Banque mondiale qui a soutenu les efforts de reconstruction des Comores après le cyclone Kenneth en 2019. En effet, en plus de s’attaquer aux effets genrés de la catastrophe, le projet a tiré parti de ce contexte pour opérer des changements porteurs de transformations. Il a œuvré auprès des autorités pour mettre en avant des problématiques ayant trait à l’égalité des sexes dans de nombreux domaines, notamment le droit des femmes à la propriété foncière, leur participation à la prise de décision et leur participation au marché du travail. Le projet a veillé à ce que les ménages dirigés par des femmes et bénéficiant de la reconstruction des logements reçoivent également une aide pour obtenir des titres fonciers qui permettent à celles-ci d’en être légalement propriétaires. Et, en ce qui concerne le volet portant sur la reconstruction des infrastructures collectives, le projet s’est attaché à promouvoir les moyens d’expression et d’action des femmes ainsi que leur participation aux travaux. Il a ainsi veillé à ce que les avis et les préoccupations des femmes soient pris en compte dans la prise de décision concernant les investissements, tout en prévoyant des activités de formation et de sensibilisation ciblées pour favoriser leurs perspectives d’emploi dans la reconstruction des infrastructures.

Il existe des preuves irréfutables que la prise en compte du genre lors de la conception, de la mise en œuvre et du suivi des interventions de développement peut conduire à de meilleurs résultats en la matière, à court et à long terme. Cependant, il nous reste encore beaucoup à apprendre, et les données sur ce sujet sont rares et difficiles à collecter. Sans données fiables, il est difficile de comprendre et de répondre aux besoins et aux défis spécifiques auxquels sont confrontés les femmes et les hommes dans différents contextes. Par conséquent, il est essentiel que nous continuions à investir dans la création d’une base de données probantes ainsi que dans la collecte systématique et l’analyse de données pertinentes ventilées par sexe. Cette démarche est indispensable pour pouvoir élaborer des politiques et des programmes efficaces. 


Auteurs

Anna Fruttero

Économiste senior, Pauvreté et équité Europe et Asie centrale, Banque mondiale

Stéphane Hallegatte

Conseiller senior sur le changement climatique, Banque mondiale

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