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La crise en Méditerranée a attisé le rejet des immigrés dans toute l’Europe, ajoutant à la complexité du débat autour des politiques d’immigration. La difficulté d’un consensus sur les questions migratoires saute également aux yeux de quiconque s’intéresse à la politique menée actuellement par les États-Unis en la matière : plutôt qu’un texte commun, le pays a 28 régimes différents, très éloignés les uns des autres en termes d’ouverture et de flexibilité.
En Europe, le problème est aggravé par le vieillissement rapide attendu de la population. Et même si l’immigration ne résoudra pas tous les déboires économiques de la région, des politiques plus ouvertes et plus souples permettraient d’instiller la flexibilité et le dynamisme nécessaires à des économies européennes grisonnantes.
Mais les obstacles ne manquent pas.
Certains des pays qui bénéficieraient le plus d’un rajeunissement de leur population active sont aussi largement les plus hostiles aux immigrants. En outre, partout, ce sont les autochtones âgés qui s’opposent le plus à l’immigration (figure 1) et ce, de manière disproportionnée et indépendamment du niveau de revenu et d’instruction et du statut professionnel.
C’est d’autant plus paradoxal que les personnes âgées auraient probablement beaucoup à gagner d’une augmentation des flux migratoires, pour les raisons suivantes :
- a priori à la retraite, elles ont moins de motifs d’inquiétude face au durcissement de la concurrence sur le marché du travail ;
- grâce à une épargne en général plus abondante, elles bénéficieront sans doute d’un taux de rendement supérieur quand cet afflux de main-d’œuvre dopera l’économie ;
- l’immigration devrait conforter la pérennité budgétaire des systèmes de retraite par répartition ;
- avec l’augmentation de la main-d’œuvre disponible, le tarif des services au troisième âge pourrait fortement diminuer.
Mais ce rejet des immigrants par les autochtones âgés pourrait également s’expliquer par des changements générationnels et pas uniquement des préférences qui évoluent avec l’âge. Une comparaison de l’attitude vis-à-vis des migrants au cours de la vie entre groupes d’individus nés la même année permet de constater que, dans la plupart des pays, leur ressenti est relativement stable quand il ne s’améliore pas en vieillissant — un résultat assez conforme aux théories économiques, qui postulent par exemple qu’avec l’âge, les autochtones devraient devenir moins hostiles aux immigrants.
Autrement dit, le durcissement de l’attitude des autochtones à l’encontre des immigrants est surtout dû à un changement générationnel. Tant que cette situation perdurera, les sociétés vieillissantes pourraient s’ouvrir davantage à l’immigration — et non l’inverse — à mesure que des générations plus jeunes et cosmopolites remplaceront la génération actuelle, qui représente une part grandissante de la population.
Ce billet de blog s’appuie sur un rapport de la Banque mondiale, qui vient de paraître, intitulé “Golden Aging: Prospects for Healthy, Active, and Prosperous Aging in Europe and Central Asia.”
Il a été publié le 22 juillet dernier dans une version différente sur le site de Brookings : http://www.brookings.edu/blogs/future-development/posts/2015/07/22-aging-migration-winkle
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