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Le printemps arabe : opportunité d'inclusion financière ?

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Par Mayada El-Zoghbi, Michael Tarazi et Nadine Chehade.

Crédit photo : Yavuz SaryildizLa fin de l’année 2011 a été incontestablement une époque cruciale dans le monde arabe avec les premiers soulèvements enregistrés en Tunisie et en Égypte, qui se sont ensuite étendus à la Libye, au Yémen et à la Syrie. L'année 2012 a suscité de grandes attentes dans le sillage du renversement des anciens régimes et de leur remplacement par de nouveaux gouvernements apportant avec eux l'espoir de sociétés plus équitables et d'opportunités accrues pour tous, notamment pour le grand nombre de jeunes de la région.

Les nouveaux gouvernements s'emploient, non sans mal, à entreprendre des réformes, face aux attentes d'une rue désormais revendicatrice et agitée, tout en essayant de faire naître des démocraties dans une région qui a encore beaucoup à découvrir de la vie démocratique. Le moins que l'on puisse dire est que l'année 2012 a été riche en rebondissements. Mais peu à peu, des progrès apparaissent sur de nombreux fronts – politique, économique et judiciaire. Au premier plan de ces réformes figure la nécessaire émergence de mécanismes et de résultats profitant à tous, l'élargissement de l'accès aux services financiers étant de plus en plus considéré comme l'un des éléments qui permettra d'y parvenir.

Malgré la lenteur regrettable de l'évolution de nombreux cadres réglementaires dans la région, l’année 2012 a marqué le début d'un changement de cap aux niveaux régional et national. En mai dernier, lors du Forum sur l'inclusion financière dans le monde arabe, les participants ont jugé que l'existence de cadres juridiques et réglementaires peu favorables était le principal obstacle et ont souligné la nécessité d'une meilleure sensibilisation et d'un engagement de haut niveau de la part des pouvoirs publics.

Comme en réponse à ces préoccupations, le Fonds monétaire arabe (FMA) a présenté en octobre sa nouvelle action de promotion de l'inclusion financière dans le monde arabe, un mandat exposé dans une note de synthèse rédigée en partenariat avec le CGAP. Le nombre de pays de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), membres de l'Alliance pour l'inclusion financière (AFI) est passé à sept : Égypte, Jordanie, Maroc, Palestine, Yémen, Soudan et Syrie. Au niveau national, l’année 2012 a été marquée par la création en Tunisie du premier organisme national de contrôle du secteur de la microfinance.

Le Maroc quant à lui a fait connaître sa nouvelle stratégie dans ce domaine. Elle vise à tripler la taille du secteur de la microfinance pour toucher 3,2 millions de consommateurs actifs de produits de crédit et d'assurance d'ici à 2020. Ce pays a également adopté un projet de loi autorisant les entreprises privées à fournir des services financiers, première étape d'un processus qui permettra aux ONG de devenir des organismes à but lucratif.

L'année 2012 a été en outre le théâtre d'autres avancées remarquables dans la région.

  1. Signe de l’attention croissante qu’elle porte à la finance responsable, la Banque centrale de Jordanie (CBJ) a publié ses Directives de protection des consommateurs. Après celles de l'Autorité monétaire palestinienne (PMA), les directives de la CBJ constituent l'ensemble de règles les plus abouties applicables aux banques dans la région MENA (et s'appliqueront à terme aux institutions de microfinance si la CBJ doit devenir leur autorité de tutelle). Ces directives couvrent un large éventail de sujets importants tels que la transparence de l'information financière (et des taux d'intérêt annualisés), l'équité de traitement, l'instruction des plaintes et, pour essayer de prévenir le surendettement dès la phase d'évaluation des prêts, la bonne évaluation des capacités de remboursement des emprunteurs.
  2. Témoignant de la force des réseaux postaux qui offrent des services financiers, la croissance d’Al Barid Bank (propriété de la poste marocaine) s'est maintenue. La banque compte aujourd'hui 5 millions de clients actifs desservis par un réseau de 1 800 agences. La réussite de cette banque a suscité un intérêt accru pour les banques postales dans la région, notamment en Tunisie, en Égypte, en Jordanie et au Yémen – même si les mesures concrètes et fructueuses inspirées du modèle marocain sont encore rares à ce jour.
  3. L'inclusion financière a connu une vague sans précédent d'innovations dans la région MENA : micro-assurance maladie en Jordanie, épargne assurance en Égypte et expérimentation de différents services et produits financiers conformes à la charia dans la région, avec notamment des recherches sur des modèles commercialisables de micro-participations. La Jordanie est le premier pays arabe en développement à avoir autorisé l'émission de monnaie électronique par des institutions autres que les banques et le Maroc serait sur le point de lui emboîter le pas.

Les sujets d'inquiétude n'ont pas disparu. Les premiers signes d'emprunts de sources multiples apparaissent sur certains marchés (Liban et potentiellement la Jordanie) et des réformes réglementaires plus que nécessaires se font encore attendre en Égypte, pays dans lequel la transition politique et institutionnelle freine le progrès. Le secteur du microcrédit ne s'est pas encore totalement redressé au Maroc, en Égypte et au Yémen, où le nombre de prêts non productifs d'institutions de premier plan est encore supérieur à celui des niveaux de référence.

Essayant de relever les défis nés du printemps arabe, les donateurs affluent, proposant de nouveaux programmes et projets qui créent des incitations en tout genre susceptibles de nuire aux progrès déjà accomplis, en l'absence d'une bonne coordination ou de toute structure.

On attend beaucoup de 2013. Il est tout à fait possible de mettre en place un environnement propice à la banque mobile, notamment dans les pays où l'implantation des banques est particulièrement faible, comme au Yémen et au Soudan. Il est également possible de transposer à plus grande échelle les résultats et de tirer des enseignements à caractère mondial des innovations actuelles concernant les services financiers et les nouveaux produits pour les jeunes. Et, lentement mais surement, on enregistre des progrès sur le front des politiques publiques et des cadres réglementaires.

Les auteurs font partie de l'équipe du CGAP (a) pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord et participeront en direct à une discussion en ligne sur ce sujet le 16 janvier 2013. Cliquez ici pour plus d'informations (a).


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