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Quel est le coût d’un emploi créé ?

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Un investissement de 10 millions de dollars permet de créer à peine quelques centaines d’emplois directs. / Photo : Nugroho Nurdikiawan Sunjoyo / Banque mondiale (Yogyakarta, Indonésie)


La création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité est au cœur des activités de la Banque mondiale, et c’est aussi l’objectif de la quasi-totalité des pays, qu’ils soient développés ou en développement. Mais bien souvent, le débat se focalise sur le coût et l’efficacité des programmes et projets de création d’emplois.
 
J’ai récemment participé à une discussion portant sur un projet de développement visant à créer des emplois. L’un des intervenants était opposé à ce projet, jugeant trop élevé le coût par emploi créé : « plus de 20 000 dollars par emploi », un chiffre qu’il comparait aux coûts nettement plus faibles (de 500 à 3 000 dollars) qui sont généralement associés aux programmes actifs du marché du travail (formation, aide à la recherche d’emploi, subventions salariales ou grands travaux publics).
 
Mais quelle réalité se cache derrière ces chiffres ?

Contrairement à un programme actif du marché du travail, qui met en relation les travailleurs avec des emplois existants, ou à des grands travaux publics qui créent des emplois peu productifs, rémunérés en dessous du salaire minimum, le projet en question encourageait les investissements privés afin de créer de nouveaux emplois dans le secteur formel.

La création de nouveaux emplois a un coût

On a tendance à associer le coût d’un emploi au salaire et aux avantages sociaux que reçoit le travailleur. Or, pour que ce dernier puisse travailler, il doit avoir l’équipement nécessaire ainsi qu’un endroit où travailler. L’entreprise qui l’embauche devra très probablement souscrire une assurance et acquérir différents types d’autorisations, mais aussi acheter des services essentiels tels que l’eau et l’électricité. À la limite, la création d’un nouvel emploi ne pourrait coûter « que » le salaire, un bureau et un ordinateur, mais on oublie qu’il a fallu créer auparavant une entreprise, et réaliser les dépenses d'investissement et de fonctionnement requises. 
 
Prenons l’exemple d’un café aux États-Unis. Selon Crimson Cup Coffee, ouvrir un café où l’on peut s’assoir coûte entre 80 000 et 250 000 dollars (a).Ce chiffre comprend le loyer, les provisions pour les salaires et avantages sociaux, les honoraires des architectes et des juristes, les équipements, les matières premières, les impôts et taxes, etc. Sachant qu’un café emploie généralement de trois à sept personnes, chaque emploi coûte donc entre 25 000 et 35 000 dollars.
 
Combien d’emplois peut-on créer avec 10 millions de dollars ?  
 
Mon collègue Mohamed Marouani, économiste et maître de conférences à l'université de la Sorbonne, et moi-même avons estimé, pour un échantillon de pays et à l’aide de modèles d'équilibre général, le nombre d’emplois qu’un investissement de 10 millions de dollars est susceptible de créer dans différents secteurs.
 
Les résultats nous ont d’abord surpris : à peine quelques centaines d’emplois directs.
 
Ainsi, en Tunisie, un investissement de 10 millions de dollars permettrait de créer 300 emplois  dans des secteurs tels que le commerce, le bois ou la construction, mais moins d’une centaine dans le secteur de l’électricité ou des transports (graphique). On obtient, là encore, un coût d’environ 30 000 dollars par emploi. Si l’on tient compte des emplois indirects, sous l’effet de l’augmentation de la demande de facteurs de production, de biens et de services qui accompagne l’expansion d’un secteur donné, on peut multiplier par deux le nombre d’emplois créés. Mais ces emplois indirects nécessitent eux aussi des investissements, et le coût par emploi n’est donc pas très différent.

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Les pays désireux de créer des emplois doivent surtout réfléchir à la façon d’utiliser des ressources limitées
 
Faut-il les allouer à des programmes actifs du marché du travail, ou bien les utiliser pour promouvoir la création d’entreprises nouvelles ou l’expansion d’entreprises existantes ?
 
La réponse dépend, bien entendu, de la nature du problème. Dans une économie dynamique qui crée suffisamment d’emplois et qui cherche simplement à réduire le chômage frictionnel en aidant les demandeurs d’emploi à trouver du travail, le gouvernement pourrait se contenter d’opter pour des programmes actifs du marché du travail bien conçus, qui sont moins onéreux. Mais lorsque le problème est structurel, lorsqu’il n’y a pas suffisamment d’emplois, du moins pas suffisamment d’emplois de qualité, le gouvernement risque d’être contraint de stimuler les investissements et la création d’emplois. En général, cela passe par la stimulation de la demande globale ou par des investissements ciblant certains secteurs.
 
Par conséquent, le coût par emploi n’est peut-être pas l’indicateur qui convient pour mesurer les politiques de création d’emplois  . Il serait plus judicieux d’utiliser le taux de rendement social d’une intervention.
 
Nous consacrerons un prochain billet à la façon de calculer ce taux de rendement (qui prend en compte les externalités sociales de la création d’emplois) en nous appuyant sur notre note d’orientation consacrée à l’analyse coûts-avantages des projets d’investissement dans la création d’emplois (a).
 
Suivez les activités de la Banque mondiale dans le domaine de l’emploi sur Twitter @wbg_jobs.
 


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