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Rendre le commerce mondial plus inclusif

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 Arne Hoel, Groupe de la Banque mondiale
Crédits photo. : Arne Hoel, Groupe de la Banque mondiale

Cette semaine, dans le cadre du Forum public de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui se tiendra à Genève (Suisse), je participerai à une table ronde rassemblant plusieurs personnalités féminines œuvrant dans le domaine des échanges internationaux. Avec Lilianne Ploumen, ministre du Commerce des Pays-Bas, Yuejiao Zhang, membre de la Commission chinoise d'arbitrage pour l'économie et le commerce international (CIETAC), Susan Schwab, ancienne représentante américaine au commerce, et Amina Mohamed, secrétaire du cabinet des Affaires étrangères du Kenya, nous discuterons de la marche à suivre pour que le commerce mondial fonctionne de manière plus inclusive. En ce qui me concerne, il s’agira plus particulièrement de trouver comment rendre le commerce plus inclusif pour les pauvres qui vivent dans les pays en développement.
 
Lorsqu'on se penche sur l'intégration des pays en développement dans le commerce international, il apparaît clairement que celui-ci a considérablement contribué à faire reculer la pauvreté et qu'il a apporté d'immenses bénéfices à l'économie mondiale. Un certain nombre d'exemples illustrent cela.

 
La part de la Chine dans le commerce mondial a été multipliée par trois (a) depuis son adhésion à l'OMC en 2001, ce qui l'a aidée à faire tomber son taux d'extrême pauvreté de 36 % à la fin des années 1990 à 6 % en 2011. En Éthiopie, il a suffi qu’une entreprise exporte des coupées exportées (a) vers l'Union européenne pour ouvrir la voie au développement d'une industrie d'exportation qui emploie à présent 50 000 personnes. Cela a également créé des emplois salariés plus sûrs et permis aux familles de ces travailleurs de sortir de la pauvreté.
 
Depuis l'année 2000, la part des pays en développement dans le commerce mondial a grimpé de 33 à 48 %. De plus, le commerce Sud-Sud entre les pays en développement est passé de 8 % du commerce mondial à environ 25 % aujourd'hui. Il est bien clair que, sans le commerce international, nous ne serions jamais parvenus à atteindre l'objectif consistant à diviser par deux la pauvreté dans le monde depuis 1990.
 
Toutefois, il reste beaucoup à faire. Près d'un milliard de personnes vivent toujours dans l'extrême pauvreté, tandis que les coûts élevés des échanges commerciaux continuent d'isoler nombre de pays et régions en développement du système commercial international. Dans l'agriculture et l'industrie manufacturière, les pays à faible revenu sont confrontés à des coûts commerciaux environ trois fois plus élevés que les économies avancées. Cela constitue des obstacles au commerce très difficiles à surmonter dans ces pays.
En plus d'intensifier nos efforts pour inclure les pays en développement dans le système commercial international, nous devons aussi davantage aider les populations elles-mêmes à accéder à tous les bienfaits potentiels du commerce, particulièrement ceux qui sont touchés par l'extrême pauvreté et les femmes.
Les femmes continuent en effet d'être confrontées à une inégalité des chances flagrante, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du foyer, ce qui les empêche de profiter pleinement des opportunités que présentent les échanges commerciaux. Par exemple, pas moins de 85 % des petits commerces (a) qu'on trouve aux passages frontaliers de la région des Grands Lacs (Afrique) sont tenus par des femmes, mais la majorité des douaniers sont des hommes, et les problèmes de corruption et de harcèlement sont légion.
 
D'autres types d'inégalités (a) sont susceptibles d'affecter les bénéfices que les femmes retirent du commerce. Prenons par exemple le rôle que les femmes jouent dans les chaînes de valeur mondiales. Dans un rapport de la Banque mondiale (a) basé sur un certain nombre d'études de cas, nous avons découvert que les femmes qui travaillent dans le secteur de l'horticulture au Honduras ne sont que très rarement propriétaires de la terre. En Égypte, bien des femmes travaillent dans des centres d'appels, mais elles occupent très rarement des postes à responsabilité. Au Kenya, les femmes qui travaillent dans le secteur du tourisme vont par exemple nettoyer les chambres d'hôtel, mais elles n’exerceront que très rarement l'activité bien plus lucrative de guide pour safari.
 
Il y a deux semaines, la Banque mondiale a publié la dernière édition de son rapport intitulé Les femmes, l’entreprise et le droit, qui dresse l'inventaire de toutes les contraintes juridiques qui limitent la capacité des femmes à pratiquer une activité économique. Ce rapport a déjà suscité un certain nombre de réformes : au cours des deux dernières années, 94 réformes juridiques au profit des femmes ont été adoptées dans 65 pays.
 
Pour parvenir à résoudre ces difficultés, il est impératif d'adopter une approche exhaustive qui tienne compte du fait que les retombées des échanges commerciaux diffèrent selon que l’on est un homme ou une femme. Le Groupe de la Banque mondiale vient tout juste d'approuver un projet de facilitation du commerce dans la région des Grands Lacs qui s'efforcera de lutter contre les problèmes de discrimination aux passages frontaliers, notamment en renforçant la transparence, en formant et en surveillant plus étroitement les fonctionnaires, et en collaborant avec les associations de commerçants pour améliorer les conditions dans lesquelles les femmes peuvent faire respecter leurs droits.
 
Nos savons qu'en mettant en œuvre des partenariats et des interventions qui prennent en compte l’obstacle du genre, nous parviendrons à faire en sorte que le commerce apporte de réels bénéfices aux femmes sur le plan de l'emploi mais aussi de l'autonomisation. Nous le savons car c'est déjà le cas.
 
Au Cambodge, le secteur de l'habillement, largement tourné vers l'exportation, est l'un des principales sources d'emplois salariés. Près de 85 % (a) de l'ensemble des employés de ce secteur sont des femmes. De plus, ces femmes sont mieux payées que dans les autres secteurs.
 
En République démocratique populaire lao, nous fournissons une assistance pour améliorer les conditions de travail (a) dans les usines d'habillement, l'objectif étant que ces améliorations vérifiées par une entité tierce aident le secteur à attirer des acheteurs haut de gamme. Nous proposons aussi des prêts aux femmes qui veulent créer leur entreprise. Bien que ces travaux n'en soient qu'à leurs débuts, nous avons déjà constaté de nombreux signes encourageants. Par exemple, l'une des sociétés d'habillement avec lesquelles nous travaillons a gagné en productivité et amélioré ses systèmes de gestion des ressources humaines, ce qui lui a permis de créer 600 nouveaux emplois.

En soutenant les femmes, nous serons mieux armés pour relever l'immense défi auquel est confronté le commerce international mais aussi tous les secteurs du développement : mettre fin à la pauvreté et susciter la création d'emplois nouveaux et de meilleure qualité pour celles et ceux qui vivent dans les pays en développement. Pour atteindre cet objectif, nous devons travailler main dans la main avec des organisations comme l'OMC, le COMESA et nos nombreux autres partenaires au niveau mondial, régional et national, afin de faire baisser les coûts des échanges commerciaux, faciliter les flux de marchandises intrafrontaliers et transfrontaliers, et veiller à ce que les pays en développement (et les hommes et les femmes qui y vivent) soient en mesure de tirer le maximum des opportunités commerciales qui s'offrent à eux. 


Auteurs

Anabel Gonzalez

Consultante Commerce et investissement, Banque mondiale

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