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Sahel : une nouvelle génération d'entrepreneurs favorise un développement plus durable et inclusif

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Pour la première fois au Sahel, les entrepreneurs, du Sénégal au Tchad, se sont retrouvés à Niamey au Niger pour le forum SahelInnov, afin de présenter leurs entreprises et d’échanger leurs idées. Du bétail aux drones, tous les secteurs étaient représentés, alors qu’une nouvelle génération d'entrepreneurs et de start-ups émergent avec des solutions audacieuses et innovantes pour relever les défis auxquels sont confrontés leurs pays et leurs communautés. De plus en plus, le soutien aux PME et entrepreneurs apparait comme une voie stratégique pour favoriser la croissance économique, et a un impact majeur sur le développement suscitant un intérêt croissant des gouvernements du Sahel. 
 CIPMEN
Michaëlle Jean, secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie, Son Excellence Mahamadou Issoufou, président de la République du Niger, et Almoktar Allahoury, directeur général du CIPMEN. Crédit : CIPMEN

L'événement a été organisé par le Centre Incubateur des PME au Niger (CIPMEN) dont le directeur général, Almoktar Allahoury, a salué l'initiative. « C'est la première fois que toutes les parties prenantes se réunissent : entrepreneurs, fonctionnaires, investisseurs, universitaires et partenaires techniques et financiers, au même endroit, pour discuter des nombreuses opportunités et des obstacles qui subsistent pour le secteur privé – c’est exactement ce dont nous avions besoin pour que la région passe à la vitesse supérieure. »

En effet, l’entrepreneuriat pourrait s’avérer être particulièrement important pour cette région extrêmement pauvre, où la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le Burkina Faso et le Niger, par exemple, comptent parmi les économies qui connaissent la croissance la plus rapide dans le monde, mais leur PIB par habitant est de seulement 395 dollars et 652 dollars respectivement, contre une moyenne de 1 647 dollars en Afrique subsaharienne. Un écosystème entrepreneurial dynamique et actif contribuerait donc non seulement à diversifier l'économie et à améliorer la productivité, mais il pourrait également constituer le levier essentiel pour relever deux des principaux défis du Sahel : le chômage des jeunes et le changement climatique.

La combinaison dévastatrice du changement climatique, de la migration de masse, des trafics et de la montée de l'extrémisme violent, a entraîné des crises humanitaires récurrentes et une insécurité alimentaire massive, affectant plus de 20 millions de personnes à travers le Sahel en 2015. Des taux de natalité élevés, en outre, exigeront la création de millions d'emplois pour répondre aux besoins d'une population en croissance rapide et de plus en plus jeune. Les institutions n’atteignent pas tout le monde et un état d'insécurité prolongée a pris racine sur de vastes portions de territoire.
Malgré ce contexte difficile, cependant, certains acteurs économiques sont capables de fonctionner dans des régions coupées des services gouvernementaux en raison de contraintes de sécurité ou de capacité. C'est une aubaine, particulièrement pour le Sahel, où les entrepreneurs locaux sont particulièrement bien placés pour comprendre et répondre aux besoins des populations locales, en fournissant des solutions abordables aux populations les plus vulnérables et à faible revenu.

 Abdoulaye Diakite
Diakite Robotics est une entreprise de mécatronique basée à Bamako qui fournit des solutions d'automatisation innovantes et des services d'intégration de systèmes tels que l’impression 3D de pièces détachées. Crédit : Abdoulaye Diakite

Le développement économique dans la région a été historiquement alimenté par l'agriculture et les industries extractives, mais cela ne suffira pas dans le contexte d'un Sahel qui s’urbanise alors que les prix internationaux des matières premières sont en berne. En améliorant l’environnement des affaires et en encourageant une classe d’hommes et de femmes d’affaires ascendante ; les solutions basées sur le marché peuvent aider à résoudre les problèmes du chômage, de la croissance économique et de services publics chancelants, en particulier dans les zones rurales et parmi les groupes marginalisés. Cela inclut les femmes, dont les taux de participation au marché du travail dans certains pays sahéliens sont parmi les plus bas au monde. Fournir des solutions alternatives viables pour réduire la pauvreté et les inégalités qui prévalent renforcera la résilience sur le long terme et constituera un moyen essentiel pour ramener la stabilité dans la région.

Pour appuyer ces écosystèmes entrepreneuriaux au fur et à mesure qu'ils émergent, SahelInnov relie le CIPMEN et les incubateurs de six autres pays via une plate-forme régionale qui facilitera l'accès au crédit et aux marchés, en plus de permettre aux entreprises de bénéficier de l'expérience des autres à travers l'apprentissage entre pairs et le mentorat. « Cela ne pourrait pas venir à un meilleur moment », déclare Christian Jekinnou, coordinateur du programme d'Afrique Innovation. « Il y a trois ans, il n'y avait qu'un seul incubateur dans toute la région et maintenant il y en a au moins un pour chaque pays représenté. Le temps est venu de mutualiser les efforts et de les soutenir. »

C'est là que les bailleurs peuvent intervenir. S'appuyant sur l'élan de SahelInnov, le  Groupe de la Banque mondiale promeut le développement du secteur privé dans la région et accompagne les jeunes entrepreneurs dans leur démarche. Jambar Tech Lab du CTIC Dakar est une initiative régionale innovante soutenue par infoDev qui vise à fournir aux entrepreneurs en herbe les éléments de base nécessaires à leurs activités digitales. L'élargissement de ces initiatives et, surtout, l'adoption d'une perspective régionale constituent une approche unique pour résoudre les obstacles communs et trouver des solutions collectives aux problèmes du Sahel. Les entrepreneurs en herbe bénéficieront de programmes d'incubation à mesure qu'ils navigueront sur des marchés complexes et non structurés dans le but d'accroître leurs activités. Les formations intensives et les compétitions permettront d'identifier et de structurer des start-ups prometteuses, d'apporter une expertise et de construire à la fois les compétences spécialisées et les compétences non techniques nécessaires pour surmonter leur environnement difficile.
 CIPMEN
Lauréats de la compétition de plans d'affaires et du concours de la meilleure application mobile pendant SahelInnov. Crédit : CIPMEN
Le soutien des écosystèmes à mesure qu'ils auront atteint leur maturité nécessitera de répondre aux besoins de financement. « Le financement par prise de participation commence à être à la portée des PME / start-ups », explique Olivier Furdelle, directeur général de Teranga Capital, basé à Dakar, « mais les bailleurs de fonds peuvent jouer un rôle important pour accélérer le processus de démocratisation de l'accès au capital d’amorçage pour les entreprises innovantes. »

Il n'y a peut-être pas de solution miracle pour les défis à multiples facettes auxquels le Sahel est confronté, mais fournir à la prochaine génération d'entrepreneurs les ressources nécessaires à la croissance de leurs entreprises est un bon point de départ. La création d'emplois inclusifs, en particulier dans des contextes fragiles, sera essentielle pour favoriser un développement économique et humain plus large dans la région à mesure qu'elle sort de la crise. Un Sahel prospère sera celui où le secteur privé et l'esprit d'entreprise joueront un rôle beaucoup plus important que par le passé.

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Auteurs

Alexandre Laure

Senior Private Sector Specialist

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