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La population de l’Afrique subsaharienne augmente rapidement. Très rapidement. Aujourd’hui, l’Afrique abrite plus de 1,2 milliard d’individus et devrait compter 1 milliard d’habitants supplémentaires à l’horizon 2050 . L’instabilité économique et politique, le changement climatique et le déclin généralisé de l’emploi dans le secteur agricole ont accéléré l’exode rural. En 2016, près de 40 % des habitants de la région vivent en ville, contre 31 % en 2000.
Sur la même période, la croissance économique s’est accélérée, avec une hausse du PIB par habitant de plus de 40 % entre 2000 et 2015, passant de 1 176 dollars à 1 660 dollars.
D’où une hausse des besoins en eau pour la consommation humaine mais également pour produire toujours plus de denrées alimentaires et d’énergie. Or, les services des eaux en Afrique ne sont pas prêts. Tandis que l’accès à l’eau courante a augmenté en valeur absolue entre 2000 et 2015, puisque 124 millions de citadins sont désormais alimentés en eau potable contre 82 millions auparavant, sur la même période, la part de la population urbaine raccordée à l’eau courante à domicile a reculé, de 40 à 33 %. [1]
Dans l’ensemble, le nombre d’habitants ayant accès à l’eau potable a augmenté et de nombreux pays de la région sont parvenus à atteindre leurs objectifs du Millénaire pour le développement, mais l’essentiel de cette progression est à imputer à une augmentation de l’accès à une source d’eau extérieure et à l’auto-approvisionnement.
Pour les installations sanitaires, la situation est bien pire : 30 % seulement des Africains ont accès à des services améliorés pour les eaux usées et plus de 23 % pratiquent la défécation en plein air (ibid.). Sans compter que, dans leur grande majorité, les compagnies des eaux africaines ne s’occupent pas des eaux usées. Quant à celles qui offraient des services de collecte entre 2000 et 2006, certaines ont arrêté de le faire, découragées par les coûts et les obstacles techniques.
En toute probabilité, ces tendances démographiques et économiques vont se maintenir à moyen terme. Que faire, dans ces conditions ? Comment ces compagnies de service public vont-elles rattraper les retards accumulés et, dans le même temps, se préparer à alimenter en eau toujours plus de particuliers et d’entreprises ?
Nous avons donc cherché à comprendre pourquoi ces opérateurs ne parviennent pas à fournir suffisamment d’eau et d’énergie et, ce faisant, à mettre en évidence les solutions qui permettraient de mettre en place des organismes performants, à même de proposer des services d’eau et d’assainissement de qualité à tous les citadins et à un prix abordable.
Nous avons analysé les performances des services des eaux africains sur la base de données et d’informations collectées par l’International Benchmarking Network of Water Utilities (IBNET, http://www.ib-net.org), en utilisant des données de panel couvrant environ 120 compagnies des eaux dans 14 pays à revenu faible et intermédiaire d’Afrique, qui représentent ensemble près de 53 % du total de la population urbaine raccordée à l’eau courante.
La performance d’ensemble des services des eaux en Afrique est médiocre, même s’il y a quelques exceptions . La situation s’est quelque peu améliorée entre 2010 et 2013. Si les opérateurs présents dans l’échantillon sont parvenus à étendre lentement la couverture des services d’eau, celle-ci ressort toujours à 60 % seulement et semble en recul. L’accès aux services d’assainissement est encore embryonnaire en Afrique, car peu d’entreprises proposent ce type de services. En faisant appel à plusieurs mesures de la performance des entreprises de services publics (financière, opérationnelle et relations avec la clientèle), nous avons constaté que, globalement, leur fonctionnement n’est pas à la hauteur des critères internationaux.
Pour autant, les écarts de performance au sein d’un pays et entre pays sont considérables, une situation qui tient, en grande partie, à l’impact de l’emplacement du site de l’opérateur sur les services d’eau et d’assainissement. Les facteurs purement géographiques peuvent fortement varier d’un fournisseur à l’autre, comme notamment la distance par rapport à la source et ses effets sur le coût du stockage et du transport de l’eau ou la qualité de l’eau pompée et l’obligation ou non de la traiter.
Les performances sont également liées au coût : comme pratiquement partout, les tarifs de l’eau sont souvent tributaires des coûts d’exploitation et d’entretien des sources. Pour cette raison, il faut améliorer l’efficacité opérationnelle des services d’eau. Dans le secteur, les frais fixes sont considérables et le coût des investissements peut singulièrement alourdir les coûts d’exploitation et d’entretien.
Plus généralement, les politiques macroéconomiques et structurelles du pays (subventions énergétiques, droit et réglementation du travail, normes de qualité pour l’eau et l’environnement notamment) pèsent également sur les coûts d’exploitation et d’entretien, même si cela échappe au contrôle direct des compagnies des eaux. Entre 2010 et 2013, leurs coûts d’exploitation et d’entretien sont allés de pair avec une hausse de l’accessibilité financière des services fournis. Le citadin africain moyen étant plus aisé qu’il y a 15 ans, il existe dans certains pays une marge pour augmenter les tarifs appliqués aux usagers actuels, ce qui permettrait de consacrer l’argent public à l’extension du service à tous ceux qui ne sont pas encore raccordés, au lieu de subventionner la consommation de ceux qui ont déjà accès à l’eau courante. C’est là un point d’autant plus important que, d’une manière générale, seule la moitié environ des opérateurs de l’échantillon parvenaient à couvrir leurs dépenses avec leurs recettes (données de 2013).
La forte dépendance aux subventions a des effets importants : en plus de dissuader les investissements dans le secteur, elle entraîne de sérieux problèmes en termes d’équité puisque les ménages raccordés à l’eau courante font en général partie des catégories plus aisées. Les études de cas réalisées montrent que rares sont les compagnies des eaux parvenant à fonctionner correctement et à couvrir plus que les seuls coûts d’exploitation et d’entretien. Pourtant, même les fournisseurs qui fonctionnent bien sur le plan opérationnel et financier montrent des faiblesses au niveau de la qualité des services à la clientèle (mesurée par le type de niveau de services, la fiabilité et la consommation), surtout par rapport aux critères internationaux.
L’amélioration des performances des services des eaux en Afrique exige d’intervenir à plusieurs niveaux : au plan national certes, mais aussi à l’échelle du secteur et au niveau des entreprises elles-mêmes. L’objectif est d’introduire des incitations qui aideront les entreprises de services publics à améliorer leur fonctionnement. Pour la Banque mondiale, cela signifiera d’accorder plus d’attention à l’efficacité des investissements dans le secteur de l’eau et aux structures d’incitations existantes susceptibles de nuire aux performances des opérateurs. Alors que les investissements bloquent les coûts d’exploitation et d’entretien pour des décennies, il importe de vérifier leur intérêt technique et économique et de suivre soigneusement les résultats obtenus. Telles sont quelques-unes des conclusions présentées dans la publication intitulée Performance des services d’eau en Afrique.
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