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Qui sont les « solar sisters » et comment peuvent-elles aider les communautés forestières ?

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Crédit photo. Lisa Brunzell / Vi Agroforestry
 
Elles ont entre 40 et 50 ans et ne sont pas allées à l’école. Aujourd’hui, ces grand-mères massaï ont la mission d’installer et entretenir des systèmes d’éclairage solaire dans leurs villages. Elles sont la preuve que l’on peut, avec des actions simples, transformer la société, et l’illustration vivante que les femmes sont capables de faire tomber les barrières de l’inégalité des sexes si on leur en donne les moyens.
 
Les cinq « sœurs aux pieds nus » (a), comme on les appelle chez elles, sont responsables au total de 60 habitations situées dans l’aire protégée de Mara Naboisho (a), dans le sud-ouest du Kenya. Grâce à la formation dont elles ont bénéficié, elles contribuent à la protection environnementale et à la sécurité économique des villages, mais elles font aussi évoluer la perception du rôle des femmes dans les communautés concernées (à Koiyaki, dans le Mara, et dans le district de Narok Sud).

Leur exemple montre comment une innovation somme toute modeste peut aboutir à une véritable transformation et responsabilisation socioéconomiques.

Il peut également être une source d’inspiration dans d’autres secteurs, tels que l’exploitation des ressources forestières. En effet, les femmes jouent depuis toujours un rôle important dans la gestion durable des forêts : elles pratiquent l’agroforesterie, ramassent du bois combustible, utilisent des produits forestiers non ligneux pour faire la cuisine, pour soigner des maladies ou pour réaliser des constructions... Les initiatives de développement forestier telles que celles destinées à réduire les émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts (REDD+) (a) peuvent tirer les leçons des expériences menées à ce jour pour associer les femmes à l’élaboration et à la mise en œuvre de programmes, au moyen de méthodes répondant aux besoins des communautés forestières.

Les fonds de financement climatique du Groupe de la Banque mondiale pour les forêts et les paysages reposent sur une approche socialement inclusive, dans laquelle des catégories de population vulnérables ou généralement exclues, comme les femmes, les populations autochtones et autres habitants des forêts, prennent part à la planification et à la mise en œuvre du financement. Le Fonds de partenariat pour la réduction des émissions dues à la déforestation (FCPF) (a), le Fonds BioCarbon (a) et le Programme d’investissement forestier* (FIP) (a) apportent une aide technique et financière aux pays désireux de mettre en place des initiatives visant à protéger les forêts et à lutter contre le changement climatique, et ils sont particulièrement bien positionnés pour soutenir l’inclusion des femmes à travers le monde. 

Ces programmes, qui s’adressent aux usagers et aux producteurs du secteur forestier, promeuvent le partage des avantages résultant de l’utilisation des ressources forestières et l’accès des femmes à la gouvernance forestière locale, à la sécurité foncière et aux moyens de subsistance issus des forêts.

Au Panama, l’adoption de mesures concrètes destinées à faire pleinement participer les femmes et les hommes au niveau communautaire, via une série d’ateliers et diverses activités locales, a permis aux indiens Guna de mieux comprendre que les programmes forestiers peuvent réduire les émissions de gaz à effet de serre et bénéficier à l’ensemble de la communauté. C’est une organisation locale, la Fundación para la Promoción del Conocimiento Indígena (FPCI) (a), qui a mis en œuvre (en 2013-2014) ce projet à petite échelle, financé par des dons du programme de renforcement des capacités du FCPF pour les populations tributaires des forêts et les organisations de la société civile du Sud. L’objectif est de renforcer la capacité des chefs, des femmes et des jeunes de l’ethnie Guna à prendre part au programme de réduction des émissions.

Au Kenya, les femmes qui participent à un projet soutenu par le Fonds BioCarbon dans la province de Nyanza (a) et dans la province de l’Ouest supervisent aujourd’hui la collecte d’informations auprès des exploitations et forment leur communauté à la gestion durable des terres agricoles. Si la tradition locale veut que les femmes ne possèdent pas la terre qu’elles travaillent, on sait qu’elles recourent à des pratiques agricoles plus diverses et qu’elles obtiennent de meilleurs rendements dans la culture du maïs. Elles prennent une part active à ce projet qui crée les conditions propices à une plus grande inclusion féminine dans les futures initiatives qui seront lancées au Kenya. En outre, cette opération a été la première à émettre des crédits carbone et à élaborer une méthode de comptabilisation du carbone pour la gestion des terres agricoles. 

Non seulement les programmes forestiers font participer les femmes des communautés autochtones, mais ils suscitent aussi un soutien institutionnel qui donne la priorité à la parité hommes-femmes. C’est notamment le cas au Ghana. En novembre 2011, ce pays a incorporé une feuille de route pour l’égalité des sexes dans son projet de stratégie REDD+ (a). L’idée est d’intégrer, grâce à un agent dédié, cette dimension à tous les aspects des opérations : mécanismes de partage des avantages, structures de règlement des différends, dispositifs de mise en œuvre, suivi et évaluation, système de reporting et de vérification. De plus, le personnel local et régional de la Commission forestière du Ghana, ainsi que les équipes du Secrétariat REDD+, recevront une formation à la problématique hommes-femmes dans le cadre de leurs activités courantes.

Le Mécanisme spécial de dons au titre du Programme d'investissement forestier comporte lui aussi des caractéristiques spécifiques assurant la participation des femmes à la planification, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des activités, et plus généralement à la prise de décisions. Dans l’Amazonie péruvienne, il aide les populations autochtones à gérer les forêts plus durablement, grâce à des initiatives portant sur l’établissement des droits fonciers et la gestion collective des forêts. Étant donné le rôle important que jouent les femmes de ces communautés dans la gestion des forêts, des fonds ont été réservés pour des projets de moindre ampleur proposés ou gérés par des femmes ; ces petits projets concernent, entre autres, la sécurité alimentaire, l’agroforesterie et l’exploitation du bois d’œuvre.

Les programmes de réduction des émissions étant de plus en plus axés sur la mise en œuvre, ils peuvent d’emblée intégrer la dimension relative à l’égalité des sexes. De même, la récente stratégie du Groupe de la Banque mondiale en matière de genre et d’égalité des sexes (2016-2023) et la session qui sera consacrée, la semaine prochaine, à l’égalité hommes-femmes lors de la réunion du Comité des participants du FCPF, mettent l’accent sur l’intégration des femmes dans les stratégies de développement, en vue de mettre fin aux inégalités entre les sexes et d’obtenir des résultats concrets. Il est crucial de déployer concrètement ces stratégies sur le terrain pour que les pays puissent piloter eux-mêmes des interventions spécifiques.

Parce que les femmes gèrent leur ménage, cultivent la terre et consomment, elles ont une influence considérable sur l’élaboration et le recours à des solutions durables destinées à faire face au changement climatique et à préserver les forêts. En les faisant participer à la conception, à la planification et à la mise en œuvre des initiatives portant sur l’utilisation des ressources forestières et des terres, on peut promouvoir à la fois l’égalité des sexes et un développement intelligent.


* Le Programme d’investissement forestier est une composante des Fonds d’investissement climatiques (a)

    Auteurs

    Ellysar Baroudy

    Lead Carbon Finance Specialist, World Bank

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