Disponible en : English
L'auteur de ce billet est Tazeen Fasih (a).
Alors que nous quittons Juba en empruntant des routes à moitié goudronnées, je me demande avec un certain pessimisme comment ce pays d'un an à peine, qui a été si durement touché par les conflits, pourra prospérer et se développer avec un taux d'alphabétisation de seulement 27 %. Lorsque nous arrivons à destination, une minuscule école à la périphérie de la capitale qui accueille des enfants pauvres, orphelins ou délaissés par leur famille, nous sommes salués par une chanson de bienvenue. Une vingtaine d'enfants chantent dans une case à la décoration multicolore sous la direction d'une jeune enseignante, qui se balance en rythme, son bébé dormant tranquillement sur son dos.
L'atmosphère qui règne dans cette case me donne de l'énergie et je commence à comprendre à quoi tient la résilience de cette nation. Certains faits rapportés dans dans un récent rapport sur l'enseignement au Soudan du Sud prennent soudain corps devant moi. Ce pays a parcouru un long chemin en très peu de temps, mais il lui reste encore beaucoup à faire pour rattraper son retard sur les autres pays africains. Certains de ces enfants font partie des plus de 700 000 enfants à qui l'on a permis de s'inscrire à l'école entre 2005 et 2009.
Ce rapport fait état de problèmes considérables. C'est incontestable. Si les inscriptions ont augmenté, nombre d'enfants ne sont pas scolarisés, la majorité de ceux qui sont scolarisés ne terminent pas le cycle primaire et la qualité de l'enseignement est médiocre. Malgré des progrès récents, environ 60 % des enseignants du primaire n'ont pas reçu de formation, et il manque des supports pédagogiques. Deux élèves sur trois n'ont même pas de papier pour écrire.
Ces enfants incarnent néanmoins l'espoir et le progrès. Ils ont de bonnes connaissances en géographie, en compétences pratiques élémentaires, en santé et en hygiène. Nous leur posons quelques questions de base, du niveau de la troisième année d'école élémentaire, en mathématiques, en lecture et en compréhension, et ils montrent qu'ils maîtrisent bien les concepts. Leur jeune enseignante, qui appartient à la communauté, fait partie des nombreux enseignants « bénévoles » que compte le système éducatif. En effet, le rapport indique qu'en 2009, seuls 60 % des 51 000 personnes travaillant dans l'éducation étaient rémunérées par l'État, les autres étant des bénévoles.
Une enfant de 11 ans nous arrête alors que nous partions. La maîtresse traduit sa question : « Quelles sont les chances pour des orphelins comme nous d'aller jusqu'à la fin du primaire et d'accéder au secondaire ? Est-ce que l'État nous donnera une bourse ? » La question est posée avec calme et dignité. Cette petite fille a des aspirations et veut savoir si elle peut obtenir l'aide dont elle a besoin. Sa question renvoie à un autre constat du rapport : le besoin urgent de réduire l'écart qui existe au Soudan du Sud (a) dans l'éducation entre zones rurales et urbaines et entre garçons et filles, en particulier après le primaire.
J'effectue deux autres visites ce jour-là : la première à un « club » pour adolescentes qui prépare les jeunes filles à la vie pratique et leur donne une formation, et la seconde à un programme d'alphabétisation des adultes, où je fais la connaissance d'un homme de 70 ans animé par la seule soif d'apprendre.
Mon scepticisme est à présent derrière moi, et je ressens une certaine euphorie. Pour remédier à l'analphabétisme, ce pays dispose d'un système d'enseignement parallèle bien développé et flexible qui accueille plus de 200 000 élèves. Il s'agit d'une première étape vitale, et le Soudan du Sud a besoin d'être soutenu pour développer son système et s'assurer qu'il fonctionne bien.
Je constate maintenant que cette nation d'un an à peine possède une gaîté intrinsèque, des citoyens ambitieux, déterminés et qui ne baissent pas les bras. Je suis convaincue qu'avec un peu d'aide, le Soudan du Sud rattrapera rapidement les pays d'Afrique qui affichent de meilleurs indicateurs du développement humain.
(a) indique une page en anglais.
Prenez part au débat