À l’occasion de la Journée internationale des personnes âgées, le 1er octobre, nous nous sommes récemment penchées sur le soutien apporté à nos aînés, et plus particulièrement aux femmes. Dans le cadre du programme de la Banque mondiale « Les Femmes, l’Entreprise et le Droit » (WBL), nous avons la chance exceptionnelle de pouvoir collecter et analyser des données mondiales sur les opportunités économiques offertes aux femmes dans 190 pays, et notamment sur leur capacité à intégrer le marché du travail et à épargner pour leurs vieux jours. Cette mine de données nous fournit des informations précieuses et nous permet de poser des questions on ne peut plus d'actualité : soutenons-nous réellement toutes les personnes âgées, ou tendons-nous à négliger la moitié de la population mondiale, à savoir les femmes ?
Les insuffisances des régimes de retraite non différenciés
En raison de leurs responsabilités familiales, des interruptions de carrière et du fait qu’elles travaillent souvent davantage dans le secteur informel, les femmes ont des parcours professionnels différents des hommes et sont de ce fait pénalisées par des régimes de retraite applicables à tous sans distinction. Ces systèmes, hérités d’une ère industrielle où prédominaient les situations de travail rémunéré et sans discontinuité, ne tiennent pas compte de la plus faible participation des femmes à la vie active, d’un écart de rémunération persistant entre les sexes et d’une plus grande espérance de vie. Résultat : les femmes se retrouvent financièrement désavantagées à la retraite. Les écarts de pension entre les sexes sont encore aggravés par des caractéristiques d’emploi et des normes sociales qui limitent les possibilités de travail des femmes dans le secteur formel et qui réduisent leur capacité à épargner, ce qui souligne la nécessité d’une réforme des régimes de retraite qui prend en compte cette diversité de situations.
L’impact des charges familiales sur les prestations retraite
Selon les données du rapport WBL 2024, 81 économies sur les 190 étudiées ne prennent pas en compte dans le calcul des droits à la retraite les périodes d'interruption de travail dédiées aux enfants (congé de maternité, paternité ou parental, par exemple). Or, des mécanismes de compensation sont essentiels pour protéger le revenu des femmes retraitées. Des travaux empiriques (a) indiquent que sans ces dispositifs correcteurs, les femmes subissent des pertes de revenu importantes à la retraite, avec des réductions des taux de remplacement allant de 3 à 7 points de pourcentage en moyenne.
Des disparités dans l’âge légal de la retraite
Les disparités dans l’âge de la retraite peuvent également avoir une incidence sur la capacité des femmes retraitées à préserver leurs moyens de subsistance. Les départs anticipés peuvent réduire la vie active des femmes et avoir un impact sur leurs cotisations, ce qui se traduit par des prestations de retraite moins élevées. Pourtant, dans 62 économies, les hommes et les femmes ne peuvent pas prendre leur retraite et bénéficier de prestations de pension à taux plein au même âge, ces dernières partant souvent à la retraite plus tôt. Cet écart d’âge varie considérablement d’une région du monde à l’autre. Il est par exemple de 10 ans en Chine et de 7 mois seulement en Lituanie (voir figure 1).
Figure 1. Variations régionales dans les écarts d'âge de départ à la retraite entre femmes et hommes
Source : Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2024.
Note : LAC = Amérique latine et Caraïbes ; ECA = Europe et Asie centrale ; SSA = Afrique subsaharienne ; MENA = Moyen-Orient et Afrique du Nord ; SAR = Asie du Sud ; EAP = Asie de l’Est et Pacifique.
Des incitations pour augmenter les prestations retraite des femmes
Le monde compte cependant 29 économies qui prévoient des mesures permettant d’augmenter les prestations retraite des femmes. Il peut s’agir de mesures incitatives telles que des allègements fiscaux pour encourager l’épargne volontaire, la possibilité de transférer des cotisations et le versement de subventions pour cotiser tôt à un régime de retraite, ou encore de la prise en compte des périodes d’études dans le calcul des droits. Par exemple, le Royaume-Uni offre des allègements fiscaux pour les plans d'épargne volontaire avec adhésion automatique afin d’augmenter les taux d’épargne-retraite des femmes. Le Chili et l’Espagne versent des primes pour les enfants et des compléments à la pension contributive afin de réduire les écarts de revenu de retraite entre les sexes. Le Bélarus, le Kazakhstan, la Pologne et le Tadjikistan prennent en compte les périodes d’études dans un établissement d’enseignement supérieur dans le calcul des prestations de retraite.
Des progrès dans la réduction des écarts de pension entre les femmes et les hommes
Il y a une bonne nouvelle : au cours des cinq dernières années, les pays ont accompli des progrès dans la résolution des problèmes qui contribuent aux inégalités entre les sexes face à la retraite. Dans ce domaine, ce sont les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) qui mènent la marche. Bahreïn, par exemple, a égalisé l’âge de départ à la retraite et prend désormais explicitement en compte les périodes d’interruption pour s’occuper des enfants, tandis que l’Arabie saoudite et le Qatar ont tous deux harmonisé l’âge de la retraite pour les hommes et les femmes. On observe aussi des avancées dans d’autres régions du monde. En 2024, la Sierra Leone a obtenu la note maximale pour l’indicateur Retraite du WBL en reconnaissant explicitement les périodes consacrées aux enfants dans le calcul des prestations de retraite.
La nécessité d’interventions publiques soucieuses des inégalités entre les sexes
Depuis vingt ans, les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler, et les disparités salariales entre les sexes se réduisent en moyenne de 0,24 % (a) chaque année. Ces progrès sont aujourd’hui compromis par les répercussions des crises sanitaires mondiales (a) et des conflits (a), et ce d’autant plus que les femmes sont surreprésentées dans des secteurs d'activité frappés de plein fouet (a), comme les services et les soins, et qu’elles occupent souvent des emplois à temps partiel qui sont plus exposés aux licenciements. Ces difficultés soulignent la nécessité urgente d'apporter des filets de protection sociale aux femmes âgées et de mener des interventions publiques soucieuses des inégalités entre les sexes. Ces politiques doivent tenir compte des facteurs particuliers qui influent sur la capacité des femmes à épargner pour leur retraite (voir figure 2).
Figure 2. Considérations juridiques et politiques pour protéger les prestations retraite des femmes.
Source : Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2024.
Concevoir des systèmes de retraite qui réduisent les inégalités entre les hommes et les femmes
Afin de déterminer les mesures juridiques et politiques qui peuvent être adoptées pour corriger les inégalités de retraite, il est essentiel de comprendre les besoins et les contraintes propres à chaque pays sur le plan de la viabilité des finances publiques, de l’accès au marché du travail et des constructions sociétales. L’utilisation de données et d’éléments factuels, comme ceux produits par le programme Les Femmes, l’Entreprise et le Droit, peut être un excellent point de départ pour concevoir des systèmes de retraite qui réduisent les inégalités entre les sexes et profitent non seulement aux femmes, mais à la société tout entière.
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