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Susan Ogwengo vit à Kibera, l’un des quartiers défavorisés de Nairobi, au Kenya. Voici deux ans, elle a ouvert une garderie pour enfants, qui a connu un tel succès qu’elle a dû embaucher. Désormais, les parents peuvent partir au travail l’esprit tranquille, sachant que l’on s’occupera bien de leurs enfants.Seule, elle n’aurait pas pu mener à bien ce projet.
C’est l’organisation Kenya Youth Business Trust (KYBT), membre du réseau sans but lucratif d’aide à la jeunesse Youth Business International (YBI), qui l’a formée pour l’aider à faire aboutir son idée et lui inculquer les connaissances de base. Ensuite, KYBT lui a accordé un petit prêt de démarrage. Depuis, elle a tissé des liens avec d’autres entrepreneurs locaux, afin de poursuivre son apprentissage et développer son activité. Surtout, elle a bénéficié du soutien d’un tuteur, en l’occurrence Esther, qui l’a aidée à prendre les bonnes décisions.
Susan serait peut-être parvenue seule à créer son entreprise et même à en faire une activité rentable. Mais tout le soutien qu’elle a reçu lui a donné de bien meilleures chances de réussir. Et en travaillant avec de multiples partenaires, elle a obtenu nettement plus.
À mon sens, ce modèle s’applique aussi à ceux qui cherchent à soutenir les jeunes créateurs d’entreprise — un secteur qui, depuis cinq ans, suscite un intérêt croissant. Il existe un nombre infini d’initiatives pour permettre aux jeunes de faire de leurs rêves une réalité, que ce soit des programmes de formation, des concours de plans d’affaires ou des programmes d’incubation. Le développement de l’esprit d’entreprise dans la jeunesse fait partie des priorités politiques — à juste titre.
Ce ne sont là que des bonnes nouvelles. Mais les défis sont colossaux.
La croissance dans le monde au cours des 20 prochaines années sera assurée par la jeunesse, alors que l’on sait que la prochaine génération aura le plus grand mal à trouver du travail. D’ici 2019, l’économie mondiale doit créer quelque 280 millions d’emplois pour compenser tous ceux qui ont disparu pendant la dernière récession et occuper la jeunesse du monde entier. Il s’agit bien d’une crise, qui évolue certes lentement mais qui n’en reste pas moins critique.
Le plus frustrant, c’est que les programmes de soutien à la création d’entreprise — dont le nombre explose — ne jouent pas leur rôle pour surmonter cette crise, parce qu’ils entrent en concurrence pour trouver des fonds et des participants et ne partagent ni leurs expériences ni leurs bonnes pratiques.
Cela doit changer si nous voulons offrir un véritable soutien à tous ces jeunes. Nous n’avons pas d’autre choix que d’agir ensemble. Bien sûr, en travaillant dur chacun de notre côté, nous avons le sentiment d’apporter notre pierre à l’édifice. Mais c’est le meilleur moyen de rater l’occasion de faire véritablement bouger les lignes. Et, comme bon nombre d’autres acteurs du secteur, cela m’inquiète. La question est donc de savoir comment réagir.
C’est là où l’alliance Solutions pour l’emploi des jeunes (S4YE) trouve sa justification : reposant sur un concept révolutionnaire, elle entend proposer un appui catalytique à l’emploi et au travail productif pour 150 millions de jeunes d’ici 2030. La stratégie adoptée vient d’être dévoilée, marquant un grand coup à l’occasion de la Journée internationale de la jeunesse.
Le travail en collaboration est vital parce que, faute d’unir nos efforts pour passer à l’échelle supérieure, nous échouerons.
Comme le reconnaît la stratégie S4YE, il n’y a pas de solution toute faite au chômage et si nous voulons inventer des solutions efficaces et transposables, nous devons agir ensemble. Donc tisser des partenariats. Convaincu que l’investissement dans l’emploi des jeunes sera l’une des clés pour mettre fin à la pauvreté et promouvoir une prospérité partagée, le Groupe de la Banque mondiale est l’un des membres fondateurs de cette alliance.
Mais attention à l’effet de mode. Si l’une des finalités des objectifs de développement durable est bien évidemment de « revitaliser le partenariat mondial pour le développement durable », la notion même de partenariat peut se révéler assez floue. De quoi s’agit-il dans le cas qui nous occupe ?
D’après notre expérience, un partenariat peut intervenir à trois niveaux : premier niveau, des ONG fournissent aux jeunes, grâce à leur collaboration, des services de meilleure qualité. Ainsi au Pérou, Colectivo Integral de Desarrollo, membre de YBI, a noué des partenariats avec des universités et des établissements secondaires pour former les jeunes à la création d’entreprise.
Deuxième niveau, des partenariats intersectoriels augmentent les ressources disponibles pour aider les jeunes au chômage ou sous-employés. Les liens spécifiques que Plan International et YBI ont tissés avec Accenture relèvent de ce type de partenariat, qui peut effectivement permettre de mobiliser un volume conséquent d’investissements et d’expertises.
Troisième niveau, celui du partage des bonnes pratiques et, plus généralement, des résultats, ce qui permet au secteur de s’améliorer en permanence. Cela peut paraître évident, mais ça ne l’est pas — parce que bon nombre d’organisations d’appui aux entrepreneurs ont le sentiment d’être des concurrents. Cela peut entretenir un malaise, surtout lorsqu’il s’agit de publier les évaluations des programmes de sorte que, souvent, les enseignements qui pourraient en être retirés sont dilués dans des considérations promotionnelles.
Nous devons faire évoluer les mentalités et je suis convaincu que des alliances telles que S4YE sont une solution intéressante pour y parvenir.
Pour que la philosophie chère à S4YE — unir, apprendre et profiter de l’effet de levier — porte ses fruits, nous devons viser des partenariats ouverts et transparents, condition sine qua non pour faire la différence pour la prochaine génération.
Comme le savent pertinemment les chefs d’entreprise comme Susan Ogwengo, nous travaillons mieux quand nous travaillons ensemble.
Andrew Devenport est directeur général de Youth Business International (YBI) et, à ce titre, dirige les efforts du réseau mondial pour aider davantage de jeunes à créer leur entreprise. Expert de ces questions, il travaille en étroite concertation avec les membres de YBI sur les questions de mobilisation de ressources, de gouvernance et de fonctionnement opérationnel. Ses priorités vont au développement stratégique du réseau et à la création et la gestion de relations multipartenaires. Avant de rejoindre YBI, Andrew Devenport a travaillé pendant 18 ans dans des banques d’investissement, l’un de ses derniers postes étant celui de directeur général chez Goldman Sachs. Suivre Andrew Devenport sur Twitter : @andrewdevenport
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