Publié sur Opinions

Un nouveau foyer pour les réfugiés en Ouganda

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© Photo : Roberto Maldeno, Flickr

Notre avion se pose sur une piste rudimentaire qui se dessine vaguement au milieu du bush, dans le nord de l’Ouganda. Le district d’Adjumani, limitrophe du Soudan du Sud au nord-ouest, accueille quelque 227 000 réfugiés, soit près de 60 % de la population totale. Après avoir atterri, nous suivons une route en terre bordée de maïs de haute taille, de bananiers et de manguiers : une mer de végétation, que creusent çà et là des chemins qui mènent à des huttes. En approchant du centre du district, j’essaie d’apercevoir les signes habituels qui trahissent la présence d’un camp de réfugiés, en vain : ni barrières ni démarcations d’aucune sorte.

Je constate, agréablement surpris, l’absence de zone clôturée pour les réfugiés. Ces derniers vivent aux côtés de la population locale, ici comme ailleurs dans le pays. De fait, l’Ouganda a été salué pour sa politique d’accueil et d’intégration des réfugiés, considérée comme la plus solidaire du monde. Dans ce pays, l’accueil n’est pas un vain mot : on fournit aux réfugiés des vivres et des terrains, et on encourage leur intégration. En parcourant ces routes en terre, impossible de savoir où s’arrêtent les maisons des populations locales et où commencent les installations des nouveaux arrivants. Ils partagent aussi les services publics locaux : hôpitaux, centres de santé, écoles, services énergétiques, ou encore approvisionnement en eau.

Les autorités ougandaises vont même jusqu’à refuser d’employer le mot « camp », et parlent avec fierté de settlement (« installation »).

En tant que représentant spécial du Groupe de la Banque mondiale auprès des Nations Unies, je me suis rendu en Ouganda le mois dernier pour prendre part au Sommet de la solidarité pour les réfugiés (a). Cette manifestation, organisée sur l’initiative du secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, et du président ougandais Yoweri Museveni, visait à réunir la communauté internationale et attirer l’attention sur la situation dans ce pays.

L’Ouganda, en effet, compte actuellement plus de 1,3 million de réfugiés, soit davantage que tous les autres pays du continent africain. Quelque 75 % de ces réfugiés viennent du Soudan du Sud : la plupart fuient les violences, certains la famine qui menace. Depuis juillet 2016, ce sont en moyenne 2 000 personnes qui arrivent chaque jour et qui mettent les services publics du pays et les ressources locales à rude épreuve. Les autorités et les populations locales ont fort à faire pour tenir le rythme.

Le profil des réfugiés, par ailleurs, est frappant : près de 60 % d’entre eux sont des enfants. J’ai aperçu peu d’hommes. La plupart sont très pauvres et manquent de tout : ils n’ont presque pas d’argent ou de qualifications. Par comparaison, les réfugiés qui arrivent en Europe, dont seulement 15 % sont des enfants, ont bien souvent un niveau d’études élevé et exerçaient un métier dans leur pays d’origine. À court terme, sans aide pour accéder à l’éducation et pour acquérir des compétences, la contribution des réfugiés au développement de l’Ouganda sera forcément limitée. 

Pour maintenir ce niveau de solidarité national, les habitants doivent sentir qu’ils bénéficient eux aussi de leur générosité à l’égard des réfugiés. Il s’agit de promouvoir des efforts de développement à plus long terme qui profitent globalement à chaque district concerné (infrastructures, investissements dans des entreprises, etc.). De cette manière, les populations locales accepteront plus facilement les nouveaux arrivants. Il s’avère en effet — c’est du moins le cas en Ouganda — que les zones dans lesquelles s’installent les réfugiés sont aussi les plus défavorisées. Ainsi, en 2012/2013, 43 % des habitants du nord-est du pays vivaient avec moins d’un dollar par jour. C’est là que les interventions en faveur du développement sont le plus nécessaire, en particulier si l’on veut mettre fin à l’extrême pauvreté et promouvoir une prospérité partagée.

Lors de la journée d’appel à contributions, coprésidée par António Guterres et Yoweri Museveni, le sommet a permis d’engranger des promesses de dons à hauteur de 358 millions de dollars — loin de l’objectif de 2 milliards, mais tout de même une somme importante. Le Secrétaire général a qualifié ce sommet de « bon point de départ » et a appelé la communauté internationale à poursuivre son soutien aux réfugiés et à la population ougandaise.

La contribution de la Banque mondiale comprend quant à elle déjà un crédit de 50 millions de dollars (a) qui doit servir à accroître l’accès aux services de base, à développer les opportunités économiques et à améliorer la gestion de l’environnement pour les populations locales qui accueillent des réfugiés. La Banque apportera également une aide supplémentaire à l’Ouganda par le biais d’un nouveau dispositif de financement à des conditions très favorables créé dans le cadre de la 18 constitution des ressources de l’IDA (IDA-18) et destiné à soutenir des investissements de moyen et long terme au profit des réfugiés et des communautés locales.

Par ailleurs, le Groupe de la Banque mondiale renforce actuellement sa collaboration avec les Nations Unies et d’autres organisations humanitaires pour aider de manière complémentaire les réfugiés et les populations qui les accueillent, et mieux gérer la transition entre une aide d’urgence et des solutions de développement à long terme. À cet égard, la stratégie ReHoPE (a) ( Refugee and Host Population Empowerment), une initiative conjointe de l’Ouganda, des Nations Unies et du Groupe de la Banque mondiale, est essentielle pour combler le fossé entre les interventions humanitaires et les actions destinées à favoriser le développement et à transformer le pays en profondeur. Cette stratégie part du postulat suivant : pour consolider et élargir le droit d’asile, il faut que les populations locales comprennent que les réfugiés contribuent au développement durable de leur district. Dès lors, il faut s’assurer que les investissements concernent aussi bien les réfugiés que ceux qui les accueillent : un engagement difficile à mettre en œuvre et à contrôler, mais indispensable.

C’est un parfait exemple du rôle que le Groupe de la Banque mondiale peut jouer pour lier aide humanitaire et développement. Il faut se féliciter de la solide collaboration qui s’est instaurée, sur le terrain, entre le Groupe de la Banque mondiale et les Nations Unies, ainsi que d’autres acteurs humanitaires, et qui s’accompagne, au niveau institutionnel, d’autres initiatives encourageantes, telles que la récente signature d’un cadre réunissant la Banque mondiale et les Nations Unies pour renforcer la résilience et maintenir la paix dans les zones de conflit (a).
 

Auteurs

Björn Gillsäter

Directeur du Centre de données sur les déplacements forcés de populations

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