Publié sur Opinions

Une année d’incertitudes et de vulnérabilités en perspective, par Andrew Burns

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Une nouvelle année vient de s’ouvrir. Une année pleine d’incertitudes à la suite de la chute de l’économie amorcée en août 2011. L’aggravation de la crise de la dette européenne et la rétrogradation de la note souveraine des États-Unis ont provoqué la dégringolade des marchés financiers à travers la planète. 

En cinq mois seulement, les places boursières ont essuyé 6 500 milliards de dollars (9,5 % du PIB mondial) de perte de richesse. Celles des pays en développement se sont dévalorisées de 8,5 % entre fin juillet 2011 et début janvier 2012.

Sous l’effet des craintes des investisseurs, les flux bruts de capitaux vers les pays en développement ont également plongé à 170 milliards de dollars au second semestre 2011, ce qui ne représente que 55 % des 309 milliards de dollars reçus pendant la même période en 2010.

Les rendements de la dette souveraine des pays en développement ont augmenté, en moyenne, de 117 points de base (de fin juillet à début janvier). Une tendance analogue a été observée dans la quasi-totalité des pays de la zone euro, notamment en France (86 points) et en Allemagne (36 points), mais aussi hors de cette zone, par exemple au Royaume-Uni (18 points).

De surcroît, les conditions économiques mondiales sont aujourd’hui beaucoup moins favorables : l’Europe apparaît déjà en récession tandis que plusieurs grands pays en développement ont subi un ralentissement de leur croissance (Brésil, Inde et, dans une moindre mesure, Russie, Afrique du Sud et Turquie), dû en grande partie aux mesures de resserrement mises en place fin 2010 et début 2011 pour contrer la montée des tensions inflationnistes. En conséquence, et malgré la relative solidité de l’activité aux États-Unis et au Japon, la production industrielle et le commerce se sont nettement tassés à l’échelle du globe : sur les trois mois allant d’août à octobre 2011, les volumes d’échanges ont reculé à un rythme annualisé de 8 %, pour une grande part du fait d’un déclin des importations européennes de 17 % en taux annualisé.

Témoignant de cette nouvelle donne, l’édition 2012 des Perspectives pour l’économie mondiale, qui vient d’être publiée en ce mois de janvier, a révisé significativement à la baisse ses prévisions :

  • L’économie mondiale devrait enregistrer une expansion de 2,5 % en 2012 et de 3,1 % en 2013 (soit, respectivement, de 3,4 et 4 % en parités de pouvoir d’achat), contre une projection de 3,6 %, en juin, pour ces deux années.
  • La croissance des pays à revenu élevé devrait ressortir à 1,4 % en 2012 (– 0,3 % dans la zone euro et 2,1 % dans les autres pays) et à 2 % en 2013, alors qu’on tablait en juin sur, respectivement, 2,7 et 2,6 % pour 2012 et 2013. • La croissance des pays en développement a également été revue en baisse, à 5,4 et 6,0 %, par rapport aux 6,2 et 6,3 % anticipés en juin.
  • Du fait de ce ralentissement de la croissance, les échanges commerciaux mondiaux, dont l’essor en 2011 est estimé à 6,6 %, ne progresseront que de 4,7 % en 2012, avant de remonter à 6,8 % en 2013.

Mais toutes revues à la baisse qu’elles soient, même ces prévisions pourraient être difficiles à atteindre. Le repli conjoncturel en Europe et le ralentissement de la croissance dans le monde en développement risquent de se renforcer mutuellement davantage que ne l’anticipe le scénario de référence ci-dessus. Les performances seraient alors encore plus médiocres.

Certes, les pays en développement sont en bien meilleure santé que nombre des pays à revenu élevé, mais ils restent vulnérables. Si le contexte mondial venait à se détériorer gravement, les pays à revenu faible ou intermédiaire, qui ont sorti l’économie du marasme de 2008/09, seraient eux aussi touchés. En effet, par comparaison avec 2008/09, ils disposent d’une latitude budgétaire beaucoup plus réduite pour faire face à une nouvelle crise. Dans cet environnement très incertain, les pays en développement doivent évaluer leurs vulnérabilités et se préparer aux aléas tant qu’il en est encore temps. Il faudrait qu’ils préfinancent leurs déficits budgétaires pour éviter des coupes brutales dans les dépenses de l’État et du secteur privé, qu’ils donnent une place prioritaire aux filets de protection sociale et aux dépenses d’infrastructure afin de protéger les populations pauvres et d’assurer leur propre croissance à long terme, et qu’ils soumettent leurs banques à des tests de résistance de façon à éviter la survenue de crises bancaires nationales. C’est ainsi que les pays en développement pourront commencer à atténuer les effets de la deuxième vague de la crise née en 2008.


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