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Une vision en profondeur du financement de l'action climatique, par Ari Huhtala

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ImageQu’entend-on vraiment par « financement de l'action climatique » ? S'agit-il de fonds dédiés mobilisés par les donateurs sur les marchés du carbone, ou plutôt des fonds effectivement affectés aux activités d'atténuation et d'adaptation ? Face à la multitude de définitions et de publications, le réseau Climate Policy Initiative (CPI) a pris le taureau par les cornes, et lancé deux initiatives visant à faire la lumière sur la question. La semaine dernière, la directrice du bureau du CPI de Venise, Mme Barbara Buchner, est intervenue en tant que conférencière invitée au siège de la Banque mondiale, à Washington DC.

 

Il existe pléthore de rapports sur le financement de l'action climatique qui émanent d’institutions spécialisées des Nations Unies, d’institutions financières internationales et de groupes de réflexion, mais le plus complet de tous est sans doute celui qu’a publié le CPI en octobre dernier, sous le titre The landscape of climate finance. Cet ouvrage décrit les flux de financement, en particulier les sources, les intermédiaires, les instruments, les modalités d'acheminement et les utilisateurs finals. Après une présentation des estimations des flux actuels, fondées sur les données disponibles, avec une description de la méthodologie et un examen des sources de données, le document formule des recommandations sur les moyens d'améliorer les efforts futurs de collecte de données.

D'après les recherches du CPI, un volume d'au moins 97 milliards de dollars est affecté au financement d’activités visant à promouvoir un développement moins polluant et à même de résister aux chocs climatiques, dont 55 milliards de dollars sont apportés par le secteur privé, tandis qu'au moins 21 milliards de dollars proviennent de budgets publics. La plupart des flux peuvent être classés dans la catégorie des « investissements » ou se rapportent, de manière plus générale, à des prises de participation.

Les intermédiaires tels que les institutions financières bilatérales et multilatérales jouent un rôle clé dans la distribution des financements en faveur de l'action climatique, 40 % de ces fonds transitant par leur intermédiaire. Les fonds climatiques dédiés traitent une proportion faible, mais croissante des financements (qui est à l'heure actuelle de l'ordre de 1,1 à 3,2 milliards de dollars). Une part relativement faible, de moins de 3 milliards de dollars, provient des marchés du carbone et de contributions volontaires/philanthropiques.

Un optimiste conclurait que l'on est proche des 100 milliards de dollars promis par les pays développés dans l’Accord de Copenhague, mais les choses ne sont pas si simples. Se posent aussi d’épineuses questions politiques telles que la notion d'additionalité, la part des fonds privés dans le volume total, etc.

Un autre constat intéressant — et alarmant — est la très petite part consacrée à l'adaptation (5%) sur l’ensemble des financements en faveur de l'action climatique. Les activités d'atténuation tendent à attirer davantage de contributions privées, car elles s'accompagnent de mesures d'incitation plus attractives dans le cadre des modèles commerciaux établis. A contrario, l'adaptation est souvent un bien public, et doit être financé sur le budget des États. Le suivi de l'adaptation est complexe, car le financement de ces activités fait souvent partie intégrante de celui du développement, mais le rapport du CPI met en évidence un incontestable déséquilibre qui doit encore être corrigé.

Une coopération commence à s'instaurer entre des institutions telles que l’OCDE-CAD, les banques multilatérales de développement, la CCNUCC, etc. afin d'harmoniser les méthodes de suivi, et la Banque mondiale prend désormais une part active à cet important travail. À compter de juillet 2012, la mise en service du système de suivi des avantages climatiques connexes de d'adaptation et de l'atténuation dans son portefeuille de projets s'avérera particulièrement utile. Ce système permettra de produire des données transparentes sur les tendances des engagements financiers à l'égard de l'action climatique, et on peut également en espérer une méthodologie que d'autres institutions sauront mettre à profit.

Barbara Buchner a également présenté le Groupe de San Giorgio, un nouveau groupe de travail réunissant les intermédiaires et institutions financières clés qui interviennent dans le domaine des financements pour un développement vert et sobre en carbone, et qui est animé par le CPI et le Groupe de la Banque mondiale. Étant donné la rareté des informations systématiquement recueillies sur le terrain, le Groupe analyse, à partir d'études de cas, le rôle de la finance publique dans l'appui à l’accroissement du financement de l'action climatique. Les études de cas qu’il passe en revue couvrent toute une gamme de projets réalisés, tels que l'installation de chauffe-eau solaires en Tunisie, l'énergie éolienne offshore au Danemark, les prêts aux politiques climatiques, les actions d'adaptation, les obligations environnementales, l'énergie solaire concentrée, etc. Tout ce processus a pour objectif ultime de s'assurer que le financement d'un développement vert et sobre en carbone ne demeure pas un phénomène marginal.

Les pays en développement attendent que les engagements pris à Copenhague, à Cancun et à Durban soient honorés, et les pays développés s'efforcent de s'acquitter de leurs promesses. Un manque de confiance apparent semble entourer les chiffres actuellement disponibles. Le tableau du financement de l'action climatique demeure parcellaire, et le manque d'informations complètes sur l'ensemble des éléments de ce financement constitue un obstacle à la négociation, à l'analyse et à l'amélioration des instruments financiers. Voilà cependant un bon début dont on espère qu'il contribuera à améliorer la confiance et la transparence.


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