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« Nous vaincrons Ebola ! » : voix et visages de la riposte contre l’épidémie d’Ebola en RDC

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Ces images ont fait le tour du monde et sont désormais synonyme d’Ebola. Des professionnels de santé en tenues de protection, désinfectant des périmètres sécurisés par des filets orangés, emmaillotant des cadavres dans des sacs mortuaires ou soignant des patients dans des Chambre d'urgence biosécurisée pour épidémies (CUBE). Mais qui sont ces inconnus qui risquent quotidiennement leur vie dans l’espoir d’éradiquer le virus et de sauver des vies ? Qui se cache derrière ces visages souvent masqués ?
 
Portraits de cinq héros très discrets à travers des témoignages glanés au Centre de traitement Ebola (CTE) mis en place par l’ONG médicale ALIMA à Beni, ville du Nord-Kivu, épicentre de l’épidémie en RDC.
 
Dr Junior Ikomo, 33 ans, médecin
 
© Vincent Tremeau/Banque mondiale
© Vincent Tremeau/Banque mondiale
 
« Je fais partie de la première équipe d’ALIMA qui est descendue à Beni le 8 août 2018, dès le début de la dixième épidémie d’Ebola en RDC. Le personnel du CTE est vacciné contre le virus Ebola parce que le risque de contracter la maladie est trop élevé, et le respect des règles de biosécurité est de rigueur. Chacun de nos personnels sait quel comportement adopter dès l’entrée au centre et quelle tenue porter selon qu’on est en zone à bas risque ou en zone à haut risque. Le personnel a été formé à cet effet, et nous avons des sessions hebdomadaires de rappel pour interpeller la conscience de chacun sur la nécessité de respecter ces principes de biosécurité. Ce dont je suis fier, c’est que, malgré les défis et les difficultés, nous n’avons jamais baissé les bras. Nous avons toujours été disponibles pour recevoir nos patients et les soigner parce que tel est notre devoir et notre responsabilité. »
 
Louange Katehero, 23 ans, psychothérapeute
 
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© Vincent Tremeau/Banque mondiale
 
Son prénom la prédisposait peut-être à susciter l’admiration de ses pairs. À 23 ans, Louange, originaire de Butembo, ville du Nord Kivu située à une cinquantaine de kilomètres de Beni et touchée elle aussi par l’épidémie d’Ebola, a été embauchée comme psychothérapeute au Centre de traitement Ebola. Sa mission ? Expliquer aux patients contaminés ainsi qu’à leur famille qu’Ebola est une maladie comme les autres, leur décrire le traitement, les aider à surmonter leur détresse, lutter contre la stigmatisation des victimes. Bref, les préparer psychologiquement à la vie, pendant, avant et après-Ebola. Mais Louange a dû également faire preuve de psychologie pour convaincre son entourage.  « Ils croyaient que j’allais ramener Ebola dans le quartier », confie-t-elle.
 
Avant de rejoindre le CTE, Louange a suivi une formation spéciale mais pendant trois jours seulement. « Dans des situations d’urgence, il faut être prêt à aider ceux qui sont dans le besoin, » assure-t-elle. Lorsqu’on lui demande si elle a hésité avant de rejoindre le centre, elle s’empresse de répondre que non. « En tant que psychologue, avoir peur n’est pas une option, affirme-t-elle. Sinon, comment serais-je en mesure d’aider les patients ou leurs proches » ? 
 
Rodrigue Mumbere Kasyenene, 24 ans, sprayeur.
 
© Vincent Tremeau/Banque mondiale
© Vincent Tremeau/Banque mondiale
 
« Je suis chargé de désinfecter les semelles des chaussures des personnes qui entrent et sortent de la crèche où sont recueillis les enfants des femmes traitées au Centre de traitement Ebola de Beni. Ce geste est important parce qu’il protège les autres et me protège. Je travaille depuis deux mois au CTE. Nous sommes quatre agents à nous relayer quotidiennement à ce poste. Je suis payé 10 dollars par jour. Avant, j’étais informaticien et j’ignorais tout d’Ebola. C’est quand je me suis engagé au CTE que j’ai compris la gravité de la situation. Ça m’a fait peur mais ça m’a donné aussi le courage de sensibiliser les autres afin qu’ils comprennent que la maladie existe et qu’il faut se protéger. Je suis convaincu que l’épidémie va s’arrêter parce qu’il y déjà des améliorations. Il y a de moins en moins de cas qui arrivent au CTE parce que les gens ont pris conscience. Et quand Ebola finira, sans problème, je me remettrai à plein temps à mon informatique. »
 
Ruth Kayindo Kamavu, 19 ans, agent de promotion de la santé
 
© Vincent Tremeau/Banque mondiale
© Vincent Tremeau/Banque mondiale

« Je travaille au CTE depuis le 1 er décembre 2018. Je n’ai jamais eu peur parce que je m’étais déjà fait volontairement vaccinée et je considère Ebola comme une maladie comme une autre. Au CTE, je sensibilise les malades, je leur distribue leur nourriture, leurs vêtements, je les aide à se laver, j’essaie de répondre à tous leurs besoins. Depuis mon arrivée, j’ai vu beaucoup de malades et à Beni tout le monde est sensibilisé. Les gens sont de plus en plus convaincus de l’efficacité de notre travail parce qu’ils voient les malades sortir guéris. Bien sûr, les malheureux ne manquent pas. Quand l’épidémie finira, je chercherai un autre travail et Dieu fera grâce ! »
 
Ghislain Nzanzu Kasirikani, 28 ans, chargé du déshabillage
 
© Vincent Tremeau/Banque mondiale
© Vincent Tremeau/Banque mondiale

« Je suis agronome de formation, mais l’insécurité dans la province ne me permettait pas d’exercer mon travail à cause des kidnappings dans la brousse. J’ai donc commencé à travailler au CTE le 16 novembre 2018, d’abord comme journalier en tant que « sprayeur » *, puis comme chargé de déshabillage du personnel soignant. Au début, les gens au quartier nous pointaient du doigt et avaient peur de la maladie. Mais ils ont changé d’avis lorsqu’ils ont commencé à voir des personnes mourir dans les familles. Aujourd’hui, il y a de moins en moins de résistances communautaires dans la ville de Beni. Si la tendance continue, c’est sûr que bientôt nous vaincrons Ebola ! ».
 
 
* Agent chargé de la désinfection des semelles des chaussures des personnes entrant et sortant du Centre de traitement Ebola.

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