Au vu du sujet de ce billet, d'aucuns diraient sans hésiter que le mariage des enfants n'est pas un problème majeur en Eswatini. C'est pourtant une idée fausse résultant du manque de preuves et d'une mauvaise compréhension de ce qu'est un mariage précoce : cela ne se résume pas seulement au fait de se marier avec un enfant, mais cela implique surtout des relations sexuelles avec une mineure et donc des grossesses.
Avec ou sans certificat de mariage, les conséquences sont les mêmes sur la santé de la mineure et de son bébé, son éducation, le développement de ses compétences sociales et le statut économique de sa famille. Il est donc nécessaire d'engager une démarche globale pour traiter cette question dans notre pays.
Selon une étude de l'UNICEF (a), une fille sur trois subira une forme de violence sexuelle avant l'âge de 18 ans. Cette étude a été menée en 2007 et, depuis, deux lois ont été promulguées en Eswatini, qui pénalisent les relations sexuelles avec des mineurs de moins de 18 ans : la loi de 2012 sur la protection et le bien-être des enfants et la loi de 2018 sur les infractions sexuelles et la violence domestique. Toutefois, la promulgation de ces lois n'a pas dissuadé les auteurs de viols sur des mineures dans le pays.
C'est pourquoi il est indispensable que les services de police appliquent ces lois et que le pouvoir judiciaire poursuive tous les individus reconnus coupables, quel que soit leur statut.
Par ailleurs, les normes et croyances sociales et culturelles qui se sont transmises de génération en génération imposent une loi du silence sur les violences perpétrées contre les enfants.
Les voisins estiment qu'il n'est pas de leur devoir de signaler de quelconques activités illégales commises dans la communauté. En outre, les familles ont tendance à ne pas évoquer les violences sexuelles sur les enfants et à en faire des secrets de famille. Il est impératif de remettre en question ces normes et pratiques néfastes grâce à un engagement communautaire et à des interventions visant à modifier les comportements. Pour cela, il existe différents moyens tels que les réseaux sociaux, la collaboration avec les paroisses et les chefs traditionnels, qui peuvent être utilisés pour sensibiliser la population. Ils permettent d'atteindre un large public avec des ressources limitées, en incitant les familles à placer les besoins des enfants au premier plan.
Enfin, la plupart des adolescentes sont entraînées dans des relations sexuelles avec des hommes plus âgés en raison de la pauvreté. En Eswatini, la majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et le chômage est répandu parmi les jeunes. Les auteurs de crimes n'hésitent donc pas à contraindre les enfants à avoir des relations sexuelles afin de satisfaire leurs besoins élémentaires. Par conséquent, l'autonomisation économique des filles et de leurs familles est un levier important pour mettre fin à ce cycle de violence. Les projets destinés à améliorer les moyens de subsistance et à rapprocher les populations des marchés permettraient aux familles d'accroître les revenus du ménage et d'être autonomes, ce qui réduirait le risque d'exploitation sexuelle des enfants. En outre, la plupart des familles possèdent des terres arables qui pourraient être utilisées pour commercialiser une production agricole et, ainsi, améliorer la situation économique des ménages.
En conclusion, j'ai la conviction qu'il est nécessaire de faire respecter les lois, de remettre en cause les normes et les croyances et de donner aux familles vulnérables les moyens économiques de mettre fin au mariage des enfants en Eswatini.
Prenez part au débat