Au Nigéria, il faut attaquer le problème du mariage des enfants à la racine

Défini comme une union contractée avant l'âge de 18 ans, le mariage des enfants est un problème aux dimensions et aux conséquences multiples.  

Au Nigéria, on estime que 44 % des filles sont mariées avant leur 18e anniversaire et le pays enregistre le 11e taux le plus élevé de mariages précoces (UNICEF 2013). Outre ses conséquences microéconomiques sur la fécondité, la santé et le bien-être, ce phénomène a des conséquences macroéconomiques et durables de grande envergure pour le pays. En effet, les mariages d'enfants entraînent une augmentation des naissances et l'explosion démographique mine la capacité du gouvernement à planifier et mobiliser efficacement des ressources pour un développement durable. 

Toutefois, pour mettre fin au mariage des enfants au Nigéria, il faudrait attaquer le problème à la racine. Pour cela, il est nécessaire d'harmoniser l'arsenal législatif et de s'appuyer sur les efforts de la communauté et la bonne réputation des responsables des institutions socioculturelles du Nigéria. Il s'agit d'éliminer les facteurs endémiques et certains aspects nuisibles des diverses traditions culturelles du pays, qui véhiculent et encouragent des normes discriminatoires à l'égard des femmes. 

En conséquence, je propose les mesures suivantes.

Premièrement, il faudrait mettre en perspective la responsabilité morale du gouvernement nigérian et son accès à des aides au développement accordées par des institutions telles que la Banque mondiale, et son engagement à faire appliquer les lois nationales existantes qui visent à prévenir le mariage des enfants. Le pays dispose déjà d'un certain nombre de lois à différents niveaux destinées à lutter contre ce problème, mais elles ne sont pas appliquées pour des raisons politiques. Conditionner l'accès à l'aide ou à l'assistance internationale obligerait le gouvernement à se mobiliser et à appliquer ces lois. 

Deuxièmement, il faut impliquer les chefs socioculturels/religieux dans la lutte contre le mariage des enfants. Dans tout le nord du Nigéria, où ce phénomène est le plus répandu, l'émir de Kano, Muhammed Sanusi Lamido Sanusi, a été le seul à se prononcer publiquement en faveur de la lutte contre le mariage des enfants. Il n'existe actuellement aucune statistique permettant d'estimer l'impact de son action dans son émirat, mais la perception de la population à l'encontre de cette pratique a considérablement évolué depuis son accession à cette fonction au cours des cinq dernières années. Vous pouvez donc imaginer ce qui se passerait si l'ensemble des acteurs de l'émirat haoussa-fulani suivait la même ligne que l'émir de Kano. À quelle vitesse la pratique évoluerait-elle si des chefs religieux influents faisaient eux aussi entendre leur voix ? 

Troisièmement, il convient de sensibiliser la population aux conséquences du problème en défendant continuellement les droits des filles, ainsi que les programmes d'autonomisation des filles et d'éducation des parents. L'éducation des parents, surtout, est capitale. Beaucoup d'entre eux ont, par ignorance, poussé leurs filles au mariage en raison de la pauvreté ou dans le but de s'attirer les faveurs de protecteurs supposés. Par conséquent, améliorer l'éducation des parents sur ce sujet contribuerait à mettre fin au problème politico-économique qui découle de leur ignorance. 

Enfin, le suivi rigoureux de chacune des mesures suggérées ici permettrait de réduire considérablement la prévalence des mariages précoces au Nigéria. Les études mentionnées plus haut suggèrent qu'ils sont favorisés par des conditions d'inégalité entre les sexes et d’exclusion des femmes. Pour résoudre le problème du mariage des enfants, il faudrait donc mettre en pratique des idées comme celles proposées ci-dessus et qui réduiraient le fossé des inégalités entre les hommes et les femmes au Nigéria.