Pour mettre fin au mariage des enfants en Somalie, il faut développer l’accès à l’éducation et changer les mentalités.
J’ai grandi dans un quartier modeste de la capitale, Mogadiscio, où les unions précoces sont une pratique courante. C’est pourquoi je me sens la responsabilité morale de contribuer au débat sur cette question, de participer à la lutte contre le mariage des enfants et de proposer des solutions pour éradiquer ce phénomène pandémique.
Selon un rapport de l'UNICEF (a), le taux de prévalence des mariages précoces en Afrique subsaharienne est l’un des plus élevés au monde. La plupart des victimes sont des filles peu ou pas instruites, dont la famille a de trop faibles revenus pour scolariser ses enfants. En tant que témoin direct, je confirme ces informations : j’ai moi-même rencontré nombre de filles qui ont quitté l’école après avoir été mariées précocement. En outre, une personne qui m’est chère et à qui l’on tendait ce piège de toutes parts est parvenue à ne pas tomber dedans. Elle vient de terminer un master dans l’une des meilleures universités d’Afrique.
Par conséquent, il est très important que les pays d’Afrique subsaharienne ainsi que leurs partenaires de développement élaborent des politiques qui donnent la priorité à l’accès à l’éducation des enfants en général et des filles en particulier. Plus celles-ci resteront longtemps en milieu scolaire, moins elles risqueront d’être mariées et d’avoir elles-mêmes des enfants avant l’âge de 18 ans. Investir énergiquement dans l’éducation des filles, c’est investir dans l’avenir !
Outre l’éducation, il faut multiplier les possibilités d’emploi pour la jeunesse dans un pays où le chômage des jeunes est chronique et pousse de nombreuses adolescentes au mariage pour échapper à l’angoisse de rester sans emploi. En ouvrant des organismes de formation où adolescents et jeunes chômeurs pourraient acquérir des compétences professionnelles recherchées sur le marché du travail, on leur offrirait une chance de poursuivre une carrière et de gagner leur vie, au lieu de sombrer dans un mariage non souhaité.
Changer les mentalités
Le combat contre les unions précoces exige une collaboration des secteurs public et privé dans tous les domaines et à tous les niveaux, de l’institution éducative à l’individu. Évidemment, il faut aussi comprendre les facteurs complexes qui engendrent cette pratique selon le contexte et selon le pays, et ce, afin d’adapter nos actions. En Somalie par exemple, la norme culturelle favorise largement le mariage des jeunes filles. Hélas, une grande partie de notre société considère que la cuisine et autres tâches ménagères incombent à la femme, tandis que les études et la carrière professionnelle sont l’apanage des hommes. Cette mentalité doit changer.
Le gouvernement somalien, conjointement avec les responsables locaux, les autorités religieuses et les anciens, au sein des communautés traditionnelles, doit entreprendre des actions communes pour qu’ait lieu une prise de conscience nationale quant à l’importance d’éduquer les enfants — les filles en particulier —, et d’inciter celles-ci à vivre pleinement leur existence dans un esprit d’autonomie, avec l’aide du Tout-Puissant.
L’État doit en outre intégrer dans les nouveaux programmes scolaires du primaire des exemples de personnes ayant réussi par elles-mêmes et des conseils pour les imiter, afin d’inciter dès le plus jeune âge nos futurs dirigeants à avoir des rêves ambitieux et à viser les sommets.
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