Continuons de construire des écoles, parce qu’une fille instruite ne se soumettra pas à cette pratique inhumaine

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Joann Orphée NDOMBA YANGA YANGA, lauréat du concours Blog4Dev au Gabon Joann Orphée NDOMBA YANGA YANGA, lauréat du concours Blog4Dev au Gabon

Je m’appelle Sara, une jeune gabonaise qui s’est battue pour récupérer son destin volé.  Dans les lignes qui suivent, je vais vous raconter ma triste histoire. Lisez-la s’il vous plaît, car vous sauverez des vies. 

Décrocher un diplôme, obtenir un emploi et me marier par amour étaient des rêves importants que j’aurais voulu réaliser, car ils symbolisent le chemin d’une vie heureuse pour chaque être humain. 

En observant mes parents, j’ai toujours eu en tête que le mariage est une chose sacrée, il évoque le début d’une autre vie. C’est une union bénie de Dieu dans laquelle un homme et une femme décident d’un commun accord et dans le respect de chacun de former un couple pour la vie. 

Le mariage devrait se faire lorsque les personnes concernées sont majeures. Malheureusement, de nos jours il existe encore un nombre incroyable de mariages précoces. J’en ai moi-même été victime. Ces mariages sont causés par la pauvreté, par des pratiques traditionnelles, par le non-respect des lois qui le prohibent et par l’absence d’actes de naissance qui pourrait prouver que les futures mariées sont bien trop jeunes. 

Quand j’avais seize ans, j’ai été déscolarisée en classe de seconde. Après avoir obtenu mon brevet d’études du premier cycle à Mékambo, j’ai été orientée vers un lycée de Makokou et j’ai dû aller vivre chez mon oncle qui habitait là-bas. Cela a été le début des années les plus malheureuses et surréalistes de mon existence. 

Cinq mois après mon arrivée, mon oncle me faisait des avances, je refusais et voulu rentrer chez moi, mais mes parents vinrent m’expliquer qu’il fallait que je devienne l’épouse de mon oncle, sous prétexte qu’il vieillissait et qu’il devait absolument avoir une progéniture, que cela ne poserait aucun problème, car nos us et coutumes l’autorisaient. Si je refusais, j’allais être rejetée par ma famille. 

Mon droit à l’éducation m’a été retiré du jour au lendemain et mon avenir d’élève et d’étudiante s’est éloigné comme une bouteille jetée à la mer. J’étais vulnérable, j’avais peur des rapports sexuels forcés et des grossesses précoces. 

Au bout d’un an, mon oncle tomba gravement malade et décéda. Après six mois de petits boulots je parvins à gagner assez d’argent pour m’extirper de cette vie que je n’avais pas choisie et aller à Libreville, la capitale. Quand je suis arrivée, j’ai eu la chance d’être accueillie par une association qui s’occupe de la réinsertion professionnelle des jeunes filles, puis j’ai suivi une formation en secrétariat bureautique. Aujourd’hui, je travaille dans une entreprise et je gagne bien ma vie. 

Parallèlement, je suis co-fondatrice de l’association Non aux mariages précoces (NMP). Nous nous battons continuellement pour éradiquer cette pratique qui brise le destin de milliers de filles dans mon pays. 

Les solutions que nous avons trouvées pour lutter contre ce phénomène sont simples : informer et sensibiliser les parents et les jeunes filles qui résident dans les localités rurales du pays. Le but est de leur montrer toutes les conséquences négatives de cette pratique sur la vie des jeunes filles. 

De plus, nous militions pour l’adoption d’une loi qui ramènerait l’âge légal du mariage à 20 au lieu de 18 ans et qui prévoirait des sanctions drastiques pour punir ceux qui seraient tentés d’enfreindre cette règle. 

Pour finir, nous sommes convaincues que miser sur l’éducation et la formation des jeunes filles est la solution la plus efficace. Une fille instruite et formée ne se soumettra pas à cette pratique inhumaine. 

Alors continuons de construire des écoles, des universités et des centres de formations, car cela reste le moyen le plus efficace pour lutter contre les mariages précoces. 

Sara n’existe pas, elle est le fruit de mon imagination et incarne toutes les jeunes filles que j’ai vues être mariées trop tôt, sans leur consentement dans ma région rurale du Gabon où le mariage précoce est encore une triste réalité. Sara symbolise la persévérance que ces jeunes filles peuvent avoir pour se créer un nouveau départ, elle illustre aussi la stratégie que mon pays devrait adopter pour éradiquer ce fléau. 

 


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