Un mal attaqué à la racine finit par être éradiqué

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Assoumanou Nihade, lauréate du concours Blog4Dev auTogo Assoumanou Nihade, lauréate du concours Blog4Dev auTogo

Elle : « Nana, raconte-moi encore une fois comment le Togo est venu à bout des mariages précoces ; je ne me lasse jamais de t’en entendre parler. »

Moi : « Mais cela fera la mille et unième fois ! Changeons les rôles : tu me racontes et je saurai alors si tu m’écoutais attentivement toutes les autres fois. »

Elle : « D’accord Nana, ouvre grand tes oreilles surtout. »

Je me contenterais de lui sourire…

Elle : « Pendant très longtemps, on a lutté contre les mariages précoces et leurs conséquences négatives, mais alors que la solution définitive semblait avoir été trouvée, les chiffres révélaient que le combat était loin d’être terminé. On a donc compris qu’il fallait s’attaquer à la racine du mal pour en finir.  Et sais-tu ce qui a été fait ? »

Moi (faisant mine de ne pas savoir) : « Non, mais j’attends que tu me le dises. »

Elle : « eh bien, tu sais, ici au pays le problème était beaucoup plus récurrent dans les communautés musulmanes et faisait partie des us et coutumes. L’action première a donc été d’impliquer les chefs traditionnels et religieux dans le combat, en organisant des discussions ouvertes en français mais aussi dans les langues locales ; des dialogues pour expliquer les raisons de la lutte contre le mariage précoce et les inviter à s’y joindre. Cela n’a pas été évident mais c’était important de les rallier à la cause. Après cette étape, des efforts de sensibilisations ont commencé dans les villages. Ils se déroulaient en langues locales et expliquaient les conséquences de ces mariages sur la santé et l’avenir des jeunes filles qui en étaient victimes. Il y avait aussi des séances de discussions entre les hommes et un animateur pour transmettre les valeurs des  ‘vrais hommes’ : ceux qui ne détruisent pas l’avenir de leurs petites sœurs ou filles mais aident à le construire. Et puisque les chefs religieux s’impliquaient aussi, il n’était pas rare de voir des imams prêcher des messages de sensibilisation sur ce sujet pendant la prière, pour expliquer que la mauvaise interprétation des textes religieux était aussi à la base de cette pratique. La nouveauté qui fascinait encore plus ? C’est que dans les différentes communautés, les chefs de quartier ou de village désignaient des personnes qui étaient censées être leurs yeux et oreilles, des jeunes qui étaient à l’affût des nouvelles et qui devaient rapporter l’information au chef dès qu’ils apprenaient que le mariage d’une mineure était en cours de préparation. Grâce à ces informateurs, plusieurs jeunes filles furent sauvées et les parents et futurs maris, une fois interpelés par les autorités locales, devaient accomplir des travaux d’intérêt général comme sanction. Dans le même temps, l’éducation et l’accès des jeunes filles à la santé reproductive ont été développés dans tout le pays pour éviter les grossesses précoces qui étaient souvent une des raisons pour lesquelles une fille entrait en ménage trop tôt. Et puis comme les jeunes adolescentes font souvent physiquement plus vieille que leur âge ; une nouvelle loi a rendu obligatoire la présentation des actes de naissance des deux futurs auprès des autorités pour être sûr qu’ils ne soient pas trop jeunes, aussi bien pour les mariages traditionnels que religieux. Du coup, les systèmes d’enregistrement des naissance ont été améliorés.

Moi : « Tu sais, Nana cela ne s’est pas fait en un claquement de doigts, ce fut une lutte de longue haleine qui a également puisé sa force dans les différents programmes de lutte contre la pauvreté et la faim exécutés parallèlement. »

Voilà la discussion que j’espère avoir avec ma petite fille en 2050 et je ne désespère pas car quand on coupe les racines d’un arbre, il tombe et ne repousse plus.

 


Auteurs

Assoumanou Nihade

Lauréate du concours Blog4Dev auTogo

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