Publié par Johannes Zutt le 28/10/2010
On me demande souvent si la nouvelle Constitution kenyane, approuvée par référendum en août 2010, va véritablement améliorer la gouvernance du pays. Nombreux sont ceux qui en doutent. Le quotidien Daily Nation (Nairobi) a rapporté récemment les propos d’un célèbre journaliste pour qui la Constitution ne serait qu’un bout de papier, et « un bout de papier ne peut pas transformer la société ». Je ne suis pas d’accord avec lui.
Cette nouvelle Constitution constitue une immense avancée par rapport à la précédente. Elle contrebalance le pouvoir présidentiel et renforce le contrôle de l’exécutif par le Parlement. Elle crée 47 comtés, avec des gouvernements locaux élus, dotant pour la première fois le Kenya d’une réelle décentralisation. Elle protège les droits des citoyens, en particulier ceux des femmes et des groupes les plus vulnérables, grâce à une ambitieuse déclaration des droits. Elle exige que tous les juges en exercice soient soumis à un examen approfondi visant à approuver la poursuite de leur mission.
Il est difficile d’imaginer que ces changements constitutionnels puissent n’avoir aucun impact – positif – sur l’avenir du Kenya.
Bien sûr, cette Constitution n’est pas parfaite : elle laisse en l’état de nombreuses lacunes, qu’il reviendra au gouvernement de combler, sachant que les responsables politiques qui devront s’acquitter de cette tâche sont, pour beaucoup d’entre eux, ceux-là mêmes qui ont contribué à exposer le Kenya aux difficultés de gouvernance qu’il connaît aujourd’hui. L’adoption d’une nouvelle Constitution n’élimine pas, en soi, la fraude et la corruption.
Les plus pessimistes diront que les dirigeants politiques qui se sont opposés – ouvertement ou en coulisses – à cette nouvelle Constitution feront tout ce qui est en leur pouvoir pour s’assurer que les changements législatifs nécessaires à son application saperont au bout du compte les réformes qu’elle promet.
Il reste cependant que la nouvelle Constitution a été approuvée par les deux-tiers des électeurs kenyans, et que l’on comptait de nombreux responsables gouvernementaux parmi ses partisans. Les Kenyans qui aspirent à la réforme ne ménagent pas leurs efforts pour renforcer le poids des réformateurs, à l’intérieur comme en dehors du gouvernement, et faire en sorte que la mise en œuvre de la Constitution soit conforme à son esprit. Le nouveau texte fondamental a assurément renforcé le camp des réformateurs, et il ne sera pas possible d’ignorer ses principales dispositions. Je suis convaincu qu’au fil du temps, la décentralisation et le meilleur équilibre des pouvoirs vont agir profondément sur la vie des Kenyans, en permettant de rapprocher davantage les gouvernants du peuple, d impliquer de plus en plus l’ensemble des citoyens (y compris les femmes) dans le processus de prise de décision et de faire progresser la transparence et la responsabilité dans toutes les sphères de l’action publique.
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