WASH : il est temps d'accroître les investissements dans l'eau potable et l'assainissement et d'obtenir des résultats à grande échelle

Communal automated water kiosk in Lilongwe City Communal automated water kiosk in Lilongwe City

Publié initialement dans East African, le 14 novembre 2023

 

L'eau, c'est la vie. C'est aussi simple que ça.  Mais la réalité est loin d'être aussi simple : l'accès à l'eau potable et à l'assainissement en Afrique subsaharienne a reculé au cours des vingt dernières années, contrairement aux progrès observés dans le reste du monde. Par rapport à l'année 2000, en 2020, 37 millions d'Africains de plus ne disposaient pas d'un accès basique à l'eau et 247 millions de plus étaient privés d'un assainissement minimal.  

Alors que les pays sont aux prises avec les besoins sans cesse croissants de leurs populations, on ne saurait trop insister sur l'urgence d'accélérer les investissements pour réaliser l'accès universel à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène (WASH, selon l'acronyme anglais) en Afrique de l'Est et australe. Cette région perd chaque année 5 % de son PIB à cause des problèmes liés à l'eau, notamment un accès insuffisant, des contaminations et de mauvaises conditions d'assainissement. En termes monétaires, cela coûte environ 170 milliards de dollars par an. L'investissement dans l'eau, l'assainissement et l'hygiène est la digue qui pourrait stopper cette perte, en particulier en période de restrictions budgétaires.   

L’absence d'accès à l'eau potable, à l'assainissement et à l'hygiène pèse également lourdement sur le capital humain de la région et affecte principalement les femmes et les filles. Elle est à l'origine de la déscolarisation des adolescentes et perpétue la peur constante que les femmes et les filles éprouvent lorsqu'elles vont chercher de l'eau dans des puits éloignés ou qu'elles doivent faire la lessive loin de chez elles. L'absence d'installations sanitaires dans les foyers oblige les femmes et les filles à s'aventurer à l'extérieur à des heures indues et les expose à des risques accrus de violence. Ces obstacles peuvent être surmontés, comme l’ont démontré des projets financés par la Banque mondiale en Éthiopie et en Tanzanie qui se sont attachés à garantir l'accès à des toilettes sûres et propres pour les filles dans les écoles, avec à la clé une hausse notable et durable de l'assiduité scolaire.

En outre, il ne faut pas sous-estimer l'importance d'une eau propre et abondante dans la fabrication des aliments. Investir dans l'eau, l'assainissement et l'hygiène au profit de tous les segments de la société peut être aussi un investissement dans la promotion de l'égalité des sexes, la création d'emplois et la génération de revenus. 

Les mesures à prendre dans ce domaine doivent figurer en tête des priorités des décideurs politiques et faire partie intégrante de leurs objectifs de développement. Alors que les principaux ministres de la région se réunissent cette semaine à Addis-Abeba pour un sommet de haut niveau (a) sur l'eau, l'assainissement et l'hygiène, nous avons une occasion unique de promouvoir ce secteur et de stimuler les investissements. 

Actuellement, les budgets nationaux moyens alloués au secteur de l'eau, assainissement et hygiène dans la région se situent entre 0,17 et 0,77 % du PIB, soit bien en deçà du niveau souhaité d'environ 4 % du PIB et, dans certains cas, ce montant est en baisse. Les ressources financières sont souvent utilisées de manière inefficace, une grande partie des fonds publics étant consacrée à des subventions qui profitent largement aux riches, tandis que les pauvres sont laissés pour compte. 

Par ailleurs, la pérennité des équipements est encore souvent négligée. Dans certains pays, jusqu'à 40 % des nouvelles bornes à eau créées dans les zones rurales tombent en panne dans les deux ans qui suivent leur installation. Il est donc nécessaire de mettre davantage l'accent sur leur viabilité et leur entretien à long terme. En outre, les conditions nécessaires pour attirer des financements privés laissent aussi à désirer, car seule la moitié des pays de la région disposent d'une autorité de régulation de l'eau, et un seul pays sur quatre a mis en place un cadre réglementaire pour l'assainissement.

Toutes ces statistiques sont sombres, mais elles montrent également que le secteur WASH est à un tournant. Il est temps de changer de paradigme en s'engageant à respecter cinq principes déterminants pour accélérer les progrès en matière d'eau, d'assainissement et d'hygiène en Afrique de l'Est et australe :

  1. Mettre en place des structures autour des plans d'investissement nationaux, incluant toutes les parties concernées ainsi que les partenariats pertinents du secteur WASH pour ancrer non seulement les financements, mais aussi la planification, l'harmonisation du soutien à l'investissement et les processus de suivi. 
  2. S'attaquer aux goulets d'étranglement de la gouvernance du secteur, qui l'empêchent d'attirer des financements à grande échelle
  3. Réajuster les incitations pour améliorer l'efficacité des services publics, avec des approches différenciées dans les zones urbaines et rurales.
  4. Mobiliser davantage de fonds, en particulier auprès du secteur privé et de la finance climatique.
  5. Concevoir des systèmes WASH résilients face au changement climatique et à l'augmentation de la demande en eau.

Cette stratégie, associée à un leadership et à une volonté sans faille, peut permettre aux pays de provoquer des changements à la hauteur des défis qu'ils rencontrent.

Les programmes qui ont mis en œuvre certains de ces principes produisent déjà des résultats transformateurs (a). Le projet d'approvisionnement en eau et d'assainissement de Lilongwe, la capitale du Malawi, financé depuis 2017 par 100 millions de dollars de l'Association internationale de développement (IDA) sous forme de dons et de crédits à faible taux d'intérêt, a permis d'améliorer l'alimentation en eau d'environ 350 000 personnes. Il s'agissait notamment de renforcer les capacités institutionnelles, d'installer de nouvelles canalisations et de mettre en place des dispositifs opérationnels innovants, tels que des bornes communales gérées par des femmes, les clients utilisant des cartes à puce pour acheter de l'eau. En Tanzanie, le programme d'approvisionnement en eau et d'assainissement durables en milieu rural, d'un montant de 350 millions de dollars et lui aussi financé par l'IDA, a permis de mettre en place des cadres incitatifs pour les institutions locales afin qu'elles fournissent des services de meilleure qualité. Depuis 2019, 4,67 millions de personnes ont ainsi eu accès à un assainissement amélioré, excédant ainsi les objectifs du programme. 

Ce modèle de transformation peut être reproduit dans l'ensemble de la région. Aujourd'hui, réaffirmons notre engagement à faire du rêve de l'accès universel à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène une réalité en Afrique de l'Est et en Afrique australe.  L'horloge tourne, et il est temps d'agir.


Auteurs

Victoria Kwakwa

Vice-présidente, Afrique de l’Est et australe, Afrique

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000