Dans le sillage de la pandémie de COVID-19, il est apparu que les plans d'épargne volontaire flexibles pouvaient offrir une réponse adéquate aux besoins en matière de protection sociale pour une majorité d’Africains, issus des ménages dits Non Pauvres Informels (NPI). Ce type de plans d’épargne sont utilisables tant pour les besoins immédiats (chômage, soins de santé, logement, etc.) que pour l’épargne vieillesse de long terme. Mais la mise en place d'un plan d'épargne volontaire peut susciter de nombreuses questions chez les décideurs et les praticiens, questions auxquelles seule une évaluation approfondie de la viabilité peut répondre.
Évaluation de la viabilité des régimes d'épargne volontaire : un exercice de modélisation
L'évaluation de la viabilité d'un plan d'épargne volontaire n'est pas différente d'un exercice de développement d’un business plan, mis à part que, s’agissant d'épargne vieillesse, les projections sont effectuées sur une période de 40 ans au moins. L'évaluation doit permettre aux différentes parties prenantes de décider en toute connaissance de cause si le lancement du plan présente un intérêt financier et le soutien budgétaire nécessaire avant que le plan devienne auto-financé.
L'évaluation doit projeter à la fois les coûts (coûts fixes et coûts variables) et les prestations futures. En définitive, les questions clés auxquelles il faut répondre sont de savoir quand et comment le plan d'épargne atteindra la masse critique de participants, c'est-à-dire un nombre de cotisants actifs suffisamment important pour que les coûts fixes du plan soient complètement financés par ses revenus.
Déterminer “quand” ce point est atteint revient à établir le point d’équilibre budgétaire. Avant de l’atteindre, un sponsor, généralement le gouvernement, doit couvrir les coûts de fonctionnement du plan. Quant à la question du “comment”, cela dépend à la fois de leviers actionnables et de paramètres exogènes : la communication et les programmes de sensibilisation, les incitations comportementales ou monétaires influenceront les taux d'adhésion, mais avec un certain coût.
Comme d'habitude, il existe une relation inverse entre le “quand” et le “comment” : les incitations peuvent accélérer la croissance de la couverture et de l'épargne et ainsi accélérer l’atteinte du point d’équilibre budgétaire mais en augmentant dans le même temps le coût global de gestion du plan. Seule une solide évaluation de la viabilité permettra de trouver le bon équilibre.
Le rendement réel net de l'épargne est essentiel pour la viabilité sociale et financière
Il est important de maximiser le rendement réel net de l'épargne des participants pour susciter confiance et intérêt vis-à-vis du plan. Mais le rendement de l’épargne joue également un rôle central dans la détermination de la viabilité financière de ce plan, car les coûts de fonctionnement sont généralement couverts par une partie du rendement des actifs investis. En tant que tel, il représente une source de revenus pour les participants comme pour le plan lui-même.
La tentation est donc grande de rendre cette hypothèse centrale aussi attrayante que possible, afin d'attirer de nouveaux participants et de raccourcir à nouveau l’horizon d’atteinte du point d’équilibre budgétaire. Ceci dit, il n'y a pas de rendement sans risque et une attention particulière doit être portée au choix de ce paramètre, qui ne doit être guidé que par des considérations financières.
La Banque mondiale a développé un outil d'évaluation de la viabilité des régimes à cotisations définies
L’équipe Protection sociale et Emploi de la Banque mondiale, en collaboration avec le département des Retraites de la Banque Mondiale, a mis au point un outil d'évaluation de la viabilité de plans d’épargne volontaires (Scheme Viability Assessment Tool ou SVAT) pour aider les régimes à cotisations définies volontaires, nouveaux ou préexistants, à effectuer une évaluation de leur viabilité. Cet outil a été développé en réponse à la demande des gouvernements de la région Afrique qui ont mis en place de tels plans ou qui envisagent de le faire. Le modèle projette les dépenses et les revenus potentiels sur une période de 40 ans. Le SVAT utilise les données de base du régime (s'il existe) ou des données d'enquête (si un nouveau régime est en cours de conception) pour étayer ses hypothèses de couverture et d’épargne.
Le modèle peut être adapté à toute sorte de plan à cotisations définies et comprend un module de test de scénario. Il a déjà été utilisé à deux occasions, d'abord pour un nouveau plan au Bénin, puis pour un plan existant (Ejo Heza LTSS) au Rwanda, tous deux pour le secteur informel. Dans les deux cas, les hypothèses de base ont été déterminées par une approche collaborative entre l'équipe de la Banque mondiale et les architectes du plan dans le pays, non seulement pour prendre en compte avec précision le contexte du pays mais aussi pour s'assurer que le modèle est suffisamment compris par les personnels impliqués dans la gestion du plan. Ce processus s'est avéré essentiel pour l'appropriation des résultats du SVAT.
Le modèle SVAT, un outil de suivi
Le modèle SVAT, ou tout autre modèle de ce type, doit être autant que possible, ancré dans la réalité du pays. L'ensemble des hypothèses, ainsi que les résultats, doivent décrire un univers crédible, reflétant la population ciblée, l'environnement macro-économique, le contexte financier, etc.
Cependant comme aucun modèle ne s'est jamais avéré capable d'estimer les résultats avec une absolue précision, il s'agit également d'un outil prescriptif qui définit une stratégie, mais qui demande à être constamment adapté, au fur et à mesure que l'expérience s’accumule. Au-delà de l'évaluation de la viabilité d'un programme de protection sociale donné, le SVAT est un outil de suivi qui aide les administrateurs du régime à comparer les résultats réels aux résultats escomptés et à corriger le tir si nécessaire.
Ce blog est le dernier d'une série consacrée aux différents chapitres du rapport "Social Protection for the Informal Economy: Operational Lessons for Developing Countries in Africa and Beyond."
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