Cameroun : cinq mesures pour aligner les dépenses publiques sur la Vision 2035

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Le Cameroun aspire à rejoindre, d’ici 2035, le groupe des nations industrialisées à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, avec de faibles taux de pauvreté, une croissance économique soutenue et une démocratie consolidée. Élaboré par le gouvernement dans ce but, le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi table sur un taux annuel de croissance du PIB de 5,5 % et la création de milliers d’emplois formels chaque année. Fort d’une économie relativement plus diversifiée que ses voisins de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, plus dépendants du pétrole, le Cameroun semblait, du moins jusqu’au milieu de cette décennie, en bonne position pour concrétiser ses objectifs. Mais une conjoncture extérieure moins favorable et des contraintes internes menacent les ambitions de développement du pays, où le taux de pauvreté reste élevé, à 37,5 % en 2014.

Avec les effets durables du choc pétrolier de 2014 et la détérioration de la situation intérieure, l’économie camerounaise a marqué le pas. Les flambées de violence dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord, conjuguées à un mouvement séparatiste dans les régions anglophones, ont porté un coup d’arrêt à l’activité. En réaction, les dépenses de sécurité ont monté en flèche, aggravant le déficit budgétaire qui est ressorti à 6,1 % du PIB en 2016, le taux de croissance atteignant en 2017 son niveau plancher depuis sept ans, à 3,5 %. L’insuffisance et l’inefficacité des dépenses en faveur de la santé maternelle et infantile ainsi que le coût trop élevé des manuels scolaires ont également rejailli sur les performances en matière de santé et d’éducation. En parallèle, une hausse sensible des emprunts en vue de financer de lourds projets d’infrastructures ont fait grimper la dette publique à 35,7 % du PIB en 2017, contre 15,9 % en 2006.

Le pays dispose néanmoins d’atouts pour renverser la situation : la récente revue des dépenses publiques réalisée par la Banque mondiale et intitulée Aligner les dépenses publiques aux objectifs de la Vision 2035 identifie cinq leviers pour y parvenir.

1. Rectifier l’assise macroéconomique. Les pouvoirs publics doivent afficher leur volonté de respecter une discipline macroéconomique et budgétaire. Cela passe par la rationalisation des dépenses publiques, la recherche de nouvelles sources de revenu et la maîtrise de la dette publique. L’une des conclusions du rapport est sans appel : seuls un redéploiement des dépenses publiques et des réformes structurelles parviendront à améliorer l’efficacité des dépenses publiques sans menacer la stabilité budgétaire. La réduction de la part des dépenses de l’administration générale et financière dans le total des dépenses —en particulier les frais de représentation, de missions, de cérémonies, de carburant, de voyages et de services externes — pourrait entraîner de substantielles économies budgétaires. Les économies réalisées sur ces frais, de même que les gains liés à la réduction des dépenses fiscales et la diminution des transferts et des subventions, permettraient de dégager une véritable marge de manœuvre en faveur des secteurs sociaux (et autres secteurs prioritaires).

2. Réduire la dette et mieux gérer les investissements publics. Pour maîtriser son endettement, le gouvernement doit optimiser la gestion des entreprises d’État et des investissements publics. Il doit pouvoir identifier et adopter les mesures à prendre pour éviter l’accumulation de pertes financières chaque année. Louable, la volonté du pays de réduire son déficit d’infrastructures ne doit pas empêcher d’approfondir et d’accélérer les efforts consentis pour rendre les investissements publics plus efficaces. Le ministère des Finances et le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire doivent hiérarchiser les projets existants et renforcer le cycle des projets d’investissement public. Pour ce faire, le gouvernement doit fixer des critères précis pour déterminer le degré de maturité des projets et procéder à des évaluations à chaque étape. Au lieu de recourir à de coûteux emprunts commerciaux qui aggravent le risque de surendettement, il doit privilégier les financements concessionnels et les partenariats public-privé.

3. Améliorer l’efficacité dans le secteur de l’éducation. L’efficacité accrue des dépenses passe par une allocation directe des fonds aux établissements scolaires, via un mécanisme de financement tenant compte de leurs besoins spécifiques et intégrant des incitations à la performance. Le transfert direct des fonds devrait renforcer sensiblement la responsabilité des établissements et augmenter le montant des dépenses par élève. Par ailleurs, l’introduction de mécanismes de financement basé sur la performance à l’échelle des écoles devrait accentuer les incitations à obtenir de meilleurs résultats. La révision des politiques de recrutement, de rémunération et d’affectation des enseignants pourrait favoriser une répartition plus équitable des ressources éducatives. Alors que plus de 80 % du budget de l’éducation sont consacrés à la rémunération des enseignants, le nombre d’enseignants dans les zones qui en ont le plus besoin, les ZEP (zones d’éducation prioritaire), est en recul constant.

4. Augmenter et optimiser les dépenses de santé. L’État doit allouer davantage de ressources à la santé et mieux les gérer. Un rééquilibrage de la distribution des ressources entre l’administration centrale et les lieux de prestation des services à l’échelon local contribuerait à améliorer l’efficacité et l’équité des dépenses de santé, sachant que les établissements de soins primaires au niveau des districts tendent à offrir les interventions les plus rentables tout en desservant les ménages les plus pauvres et les plus vulnérables. Dans le cadre de l’extension du programme de financement basé sur la performance, le gouvernement devrait introduire un système de budgétisation équitable reposant sur une formule de calcul transparente dans le but d’affecter des moyens aux régions qui en ont le plus besoin. Plusieurs pays ont adopté des formules de ce type, où l’allocation des ressources est fonction des spécificités de chaque centre de soins et des besoins de la population desservie.

5. Renforcer le système de protection sociale et les filets sociaux. Le gouvernement a également beaucoup à faire pour améliorer le dispositif de protection sociale du pays. Il doit pour cela modifier sensiblement la composition des dépenses en faveur de l’aide sociale, d’un meilleur ciblage et d’une couverture complète des risques. Plus de 90 % des dépenses sociales actuelles subventionnent le régime de pensions de la fonction publique et les subventions aux carburants — deux types de dépenses qui ne couvrent ni les pauvres, ni les principaux risques encourus tout au long de la vie.

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Auteurs

Francisco G. Carneiro

Responsable du pôle mondial d’expertise en Macroéconomie, Commerce et Investissement (MTI en anglais) pour l’Afrique

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