Le capital humain en Guinée : la ressource la plus stratégique à « miner » pour une croissance durable

Cette page en:
Le capital humain en Guinée : la ressource la plus stratégique à « miner » pour une croissance durable Le projet Simandou en Guinée promet une transformation économique, mais le succès à long terme du pays nécessite des investissements dans l'éducation et les compétences des jeunes. Crédit : Vincent Tremeau / Banque mondiale.

La Guinée est riche en ressources naturelles, mais peut-elle transformer son « boom minier » en prospérité à long terme ? En se lançant dans le projet transformateur de Simandou, le pays se trouve à un carrefour stratégique d'opportunités. L'initiative Simandou 2040 a le potentiel de stimuler une croissance économique significative et promouvoir le développement socio-économique. Cependant, la véritable mesure du succès dépendra de la manière dont la Guinée investira dans son atout le plus précieux : ses citoyens.

Investir dans une éducation et des compétences de qualité est essentiel pour le développement durable de la Guinée. Une population bien préparée peut favoriser la diversification économique et réduire la dépendance aux ressources naturelles. Sans cet investissement, le secteur minier pourrait monopoliser l’économie en attirant la main-d'œuvre et le capital des autres secteurs. Pour éviter cela, la Guinée doit doter sa jeunesse des compétences nécessaires pour augmenter la productivité et encourager la croissance dans tous les secteurs.

Préparer la jeunesse pour l'avenir : Compétences fondamentales, numériques et techniques

Pour construire une main-d'œuvre productive, la Guinée doit mettre l’accent sur un éventail large de compétences, allant des compétences de base en alphabétisation et en numératie aux capacités numériques et techniques à tous les niveaux, car ces compétences se développent de manière cumulative. Celles-ci sont essentielles non seulement pour l'emploi dans le secteur formel, mais aussi pour améliorer la productivité dans les secteurs informels. Les compétences interpersonnelles, telles que le travail d'équipe, l'adaptabilité et la persévérance, constituent un atout supplémentaire permettant aux jeunes de s’investir dans des activités productives.

Cependant, des obstacles importants subsistent pour atteindre cet objectif. Les adolescents guinéens, en particulier les jeunes femmes, rencontrent des difficultés d'accès considérables à l'éducation et à la formation. Cela se traduit par le taux élevé et préoccupant de 34 % de la jeunesse guinéenne de NEET (ni en éducation, ni en emploi, ni en formation), un chiffre qui représente au moins 611 000 personnes, dont 420 000 jeunes femmes.

Les zones rurales font face à des taux encore plus élevés de NEET, avec 50 % des jeunes femmes en milieu rural classées comme NEET, contre 31 % des jeunes hommes. Ces disparités perpétuent des cycles de pauvreté, aggravent les inégalités entre les sexes et limitent la productivité économique dans un pays où 62 % de la population vit en milieu rural.

Compétences pour toutes et tous

Les taux élevés de NEET et leurs écarts entre les sexes sont dus à une faible scolarisation à tous les niveaux d'éducation et sont aggravés par des facteurs socio-culturels tels que le mariage précoce et le taux élevé de grossesses précoces chez les adolescentes. En 2018, 34 % des enfants en âge de fréquenter l’école primaire, 42 % de ceux en âge de fréquenter le secondaire inférieur, et 62 % de ceux en âge de fréquenter le secondaire supérieur n’allaient pas à l'école. Il est alarmant de noter que 37 % des enfants en Guinée — 42 % des filles et 32 % des garçons — n'ont jamais fréquenté l'école.

Les filles font face à des barrières d’une acuité particulière. Le taux brut de scolarisation des filles au niveau secondaire inférieur est de seulement 33 %, contre 45 % pour les garçons. De plus, 41 % des filles sont mariées avant 18 ans, et dans les zones rurales, 42 % sont déjà mères à cet âge. Ces facteurs entravent considérablement leur capacité à poursuivre leurs études et à développer les compétences nécessaires pour leur emploi et participation économique futurs.

Apprentissage précoce et les fondations du succès

La Guinée rencontre des défis éducatifs dès le départ. Avec seulement 20 % des enfants en maternelle et 56 % des enfants de six ans en première année (2022), beaucoup commencent l'école mal préparés. Ce manque d'apprentissage précoce entraîne un taux de décrochage élevé, notamment chez les filles. L'éducation primaire souffre également d'enseignants mal formés et de ressources limitées — 19 % des enseignants manquent de compétences de base en mathématiques et plus de la moitié des diplômés de l'école primaire ne savent pas lire de manière compétente. Ces problèmes alimentent la pauvreté en apprentissage de la Guinée et signalent la nécessité de réformes urgentes.

La valeur perçue de l'éducation

La faible qualité de l'éducation — tant réelle que perçue — constitue un obstacle majeur à l'inscription à l'école, en particulier pour les filles. Les parents sont moins enclins à envoyer leurs enfants dans des écoles caractérisées par des enseignants non qualifiés, une infrastructure médiocre et des résultats d'apprentissage faibles. Ce manque de confiance dans le système éducatif pousse une proportion importante d'élèves vers des écoles privées, 36 % des élèves du primaire et 55 % des élèves du secondaire fréquentant des établissements privés. Les normes sociales persistantes en matière d’éducation participent également à la faible valorisation de la scolarisation par les parents de filles. Les voies alternatives vers l'âge adulte, telles que le mariage précoce, prennent souvent le pas sur l'école lorsque ces facteurs se croisent.

Le rôle des dépenses publiques en éducation

Les défis éducatifs en Guinée sont principalement dus à un investissement public insuffisant dans ce secteur. Ce faible niveau de financement a entraîné des inefficacités systémiques, telles qu'une répartition et une formation inégales des enseignants, des budgets d’écoles incohérents et un déficit important en matière d'infrastructures dédiés à l'enseignement secondaire, notamment en milieu rural. Les adolescents, tant filles que garçons en sont disproportionnellement affectés, ne possédant pas les compétences nécessaires pour participer activement au marché du travail et en bénéficier à court terme.

Pour débloquer le potentiel de la Guinée et soutenir une croissance économique équitable, le pays doit investir dans des systèmes de capital humain qui renforcent l'éducation et les compétences tout au long du cycle de vie. Ce faisant, la Guinée pourra préparer la jeunesse d'aujourd'hui et de demain à contribuer à une économie diversifiée et à un avenir durable.

Alors que le projet Simandou redessine l'économie de la Guinée, l'accent doit rester mis sur l'exploitation, non seulement des ressources naturelles du pays, mais aussi de son capital humain. Doter la prochaine génération des compétences nécessaires pour devenir des membres productifs de la société est l'investissement le plus durable et le plus équitable que le pays puisse faire — un investissement qui promet non seulement des rendements économiques, mais aussi des progrès sociaux.

Conscient de ces défis et opportunités, le gouvernement prévoit d'allouer une part significative des revenus de Simandou à l'éducation et au développement des compétences. Cela marque un tournant crucial : passer de miner les richesses naturelles, à « miner » le capital humain pour une productivité et une croissance durable.


Sayon Camara

Conseiller principal du ministre de l’Enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation de la République de Guinée

Mamadou Saliou Diallo

Spécialiste senior en éducation, Banque mondiale

Lauren Dahlin

Consultante, Banque mondiale

Justine Bailliart

Consultante, Banque mondiale

Juan D. Barón

Économiste principal, Banque mondiale

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000