Changer les normes et les valeurs sociales pour mettre fin à la violence généralisée contre les femmes et les filles en RDC

Cette page en:
Farmer Field School Master Trainer Aster Bashige trains Heal Africa Project Officers in North Kivu @Photo Rose Vive Lobo/Fonds Social RDC Farmer Field School Master Trainer Aster Bashige trains Heal Africa Project Officers in North Kivu @Photo Rose Vive Lobo/Fonds Social RDC

Lorsque j'ai pris mes fonctions comme Directeur des opérations de la Banque mondiale en République Démocratique du Congo (RDC) il y a quelques mois, les données sur la prévalence de la violence basée sur le genre (VBG) étaient parmi celles qui m'ont le plus frappé. La RDC se classe 151ième sur 179 dans l'Indice d'inégalité de genre (IIG) 2021, une mesure composite de l'inégalité de genre utilisant la santé reproductive, l'autonomisation et le marché du travail comme dimensions principales, avec seulement 14,3% de femmes occupant des sièges parlementaires. Une femme sur deux déclare avoir subi des violences physiques ou sexuelles au moins une fois dans sa vie (EDS 2014), tandis que 3 femmes sur 4 et près de 3 hommes sur 5 estiment que le fait de battre sa femme est justifié pour au moins une raison précise. Plus inquiétant, l'acceptabilité de la violence entre partenaires intimes (VPI) est plus répandue dans les groupes d'âge plus jeunes, tant chez les hommes que chez les femmes.

Percentage of women and men who agree that wife beating is justified for at least one specified reason (DHS, 2014)
Pourcentage de femmes et d'hommes qui conviennent que battre sa femme est justifié pour au moins une raison précise (EDS, 2014)

La RDC porte en elle l'héritage dévastateur de la violence et des conflits, y compris des taux élevés de violence sexuelle liée aux conflits, en particulier dans l'est de la RDC. Cependant, nous savons que la violence à l'égard des femmes et des filles n'est pas liée uniquement aux conflits et, en fait, les recherches indiquent que les violences sexuelles liées aux conflits reflètent des opinions sociétales discriminatoires et violentes préexistantes à l'égard des femmes plutôt qu'un nouveau phénomène provoqué par la guerre. En effet, la prévalence de la VPI est plus élevée dans l'ancienne province du Kasaï Occidental (71 %) que dans la province du Nord-Kivu (34 %), pourtant touchée davantage par le conflit. Ces données soulignent le fait que la VBG est un problème de société, ancré dans des normes enracinées qui normalisent le pouvoir des hommes sur les femmes et, de manière générale, l’inégalité des sexes.

Par conséquent, pour lutter contre la VBG et réduire la violence à l'égard des femmes et des filles, la RDC doit investir davantage dans des programmes de prévention pour changer les normes et comportements sociaux néfastes qui sous-tendent la violence et perpétuent plus largement l'inégalité entre les sexes, ainsi que dans des programmes qui renforcent l'autonomie des femmes et amplifient leur voix, tout en sensibilisant à l'épineuse question de l'impunité. Ces programmes doivent être complétés par des services d'intervention de qualité pour garantir que les survivants qui sont encouragés à se manifester aient accès aux soins de qualité, centrés sur les survivants, dont ils ont besoin.

7 millions de bénéficiaires atteints grâce à des programmes améliorés de prévention et de réponse à la VBG

S'appuyant sur les enseignements tirés de ses interventions précédentes, la Banque mondiale a investi 100 millions de dollars dans le cadre du Projet de prévention et de réponse à la VBG en RDC (P166763). Le projet, qui se concentre sur quatre provinces de l'est de la RDC, est mis en œuvre par cinq ministères en partenariat avec des ONG locales, des acteurs de la société civile et deux centres d'excellence, dont l'hôpital de Panzi du lauréat du prix Nobel de la paix, le Dr Denis Mukwege, Heal Africa, et leurs centres satellites « guichet unique ».

S'appuyant sur les bonnes pratiques mondiales et sur des approches ayant donné de bons résultats, ce projet combine des interventions ciblant les individus, les ménages et les communautés, telles que des campagnes de sensibilisation par le biais des médias sociaux et de la radio et la mise en œuvre de programmes de prévention dans le but primordial de changer les attitudes, les perceptions et les comportements des femmes et des hommes en matière d'égalité des sexes et de violence.

Je suis fier de constater que nous avons obtenu des résultats importants dans les provinces ciblées. Les interventions de prévention et de réponse à la VBG ont atteint 7 millions de bénéficiaires – soit 10 fois l'objectif prévu par le projet – dont 55 000 survivants ayant accès à des services holistiques (psychologiques, médicaux, juridiques, gestion de cas) ; plus de 80 % de ces survivants accèdent aux soins par le biais de points d'entrée communautaires. En outre, les centres d'excellence ont fourni un hébergement dans des maisons de transit aux survivantes accédant aux services, ainsi que près de 4 000 interventions chirurgicales pour la fistule, le prolapsus et d'autres problèmes gynécologiques majeurs.

Les services de soutien économique soutenus par le projet jouent un rôle clé à la fois dans la prévention et la réponse à la VBG, en s'attaquant aux principales vulnérabilités qui augmentent l'exposition des femmes à la violence et en fournissant un soutien à moyen et long terme au relèvement et à la réintégration. En mai 2022, plus de 8 500 bénéficiaires participaient aux services de soutien économique au niveau communautaire dans le Nord Kivu et le Sud-Kivu, soit plus du double (225 %) de l'objectif du projet.

Suivant une approche axée sur la demande en matière de moyens de subsistance, le projet a soutenu le renforcement des capacités des partenaires afin de fournir des formations dans des domaines tels que l'agriculture, l'élevage et la fabrication de pain. Nous attendons également les premiers résultats d'une enquête qui devrait nous permettre de savoir si le projet a réussi à changer les perceptions de la communauté et à réduire l'acceptabilité de la violence.

Opportunités pour mettre fin à la VBG généralisée

Désigné Champion de la « masculinité positive » par l'Union africaine, le président Félix Tshisekedi de la RDC a démontré son engagement à lutter contre toutes les formes de VBG, en adoptant une politique de tolérance zéro et en nommant une Conseillère spéciale du Président sur les questions de VBG. Alors que la Banque se prépare à de nouveaux investissements dans la prévention et la réponse à la VBG, je pense que c'est l'occasion de continuer à travailler en étroite collaboration avec les autorités de la RDC et les autres parties prenantes pour soutenir la mise en œuvre de ces engagements politiques à l'échelle nationale. Sur la base des enseignements tirés du projet en cours, il est temps de travailler sur certains domaines qui accusent encore du retard, notamment en assurant la disponibilité généralisée de services holistiques pour les survivants dans tout le pays, en améliorant l'accès à la justice et en continuant à travailler sur l'évolution des normes sociales.

Comme le montrent de nombreux exemples, la VBG peut être évitée, et les attitudes et comportements concernant l'acceptabilité de la violence peuvent changer. Il reste encore un long chemin à parcourir compte tenu de la prévalence actuelle de la VBG en RDC, mais le progrès est possible. Nous continuerons à travailler pour aider la RDC à mettre fin à la VBG généralisée et supprimer cet obstacle à la participation égale des femmes et des hommes dans les sphères sociales, économiques et politiques.


Auteurs

Albert Zeufack

Le directeur pays de la Banque mondiale pour l'Angola, le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et Sao Tomé-et-Principe

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000