Innovations visant à répondre aux besoins de protection sociale dans l’économie informelle — perspective opérationnelle

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Innovations to address the social protection needs of the informal economy -- An operational perspective Innovations to address the social protection needs of the informal economy -- An operational perspective

Que vous soyez un responsable de l’action publique ou un praticien de la protection sociale dans un pays en développement, vous avez probablement cherché tous les moyens possibles de soutenir l’économie informelle, qui a été la plus durement touchée lorsque la pandémie de COVID-19 s’est propagée au sein des populations urbaines et rurales. L’ingéniosité des solutions adoptées, face aux mesures de restriction des déplacements et de distanciation sociale, est à la fois admirable et révélatrice. Il importe toutefois, à l’évidence, de mieux se préparer à de futurs chocs en adoptant de nouvelles approches de la protection sociale. Un récent rapport de la Banque mondiale, intitulé Social Protection for the Informal Economy: Operational Lessons for Developing Countries in Africa and Beyond, qui traite de la protection sociale dans l’économie informelle et des leçons concrètes qui peuvent être tirées au profit des pays africains en développement  et au-delà, vise à répondre à certaines des questions auxquelles sont confrontées les responsables de l’action publique qui entreprennent de créer la prochaine génération de programmes de protection sociale, en se fondant sur l’expérience acquise dans le cadre de la pandémie.


Ni pauvres ni employés dans le secteur formel : qui sont ce « segment manquant » de la protection sociale ?
Il est essentiel de comprendre les caractéristiques que présentent les ménages opérant dans le cadre de l’économie informelle, maintenant que la pandémie amène les administrations publiques à revoir leurs politiques de protection sociale. Il peut être bon, à cet égard, de commencer par procéder à des enquêtes auprès des ménages pour regrouper ces derniers en fonction de leur capacité à surmonter des chocs. Les ménages non pauvres du secteur informel (NPI) se situent entre les ménages qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, à un extrême de la gamme des revenus, et les ménages du secteur formel à l’autre extrême. Ils ne sont couverts ni par les filets sociaux parce qu’ils ne sont pas suffisamment pauvres, ni par les régimes d’assurance sociale du secteur formel. Ils sont le « segment manquant » de la protection sociale. Les ménages NPI échappent pour l’essentiel à l’attention des autorités, de sorte qu’il est difficile de leur apporter un appui en cas de choc majeur. Ils constituent entre 32 % et 74 % de tous les ménages dans les six pays d’Afrique (Bénin, Kenya, Ouganda, Rwanda, Togo et Zambie) couverts par l’analyse effectuée à titre d’exemple pour le rapport. Ils ont des caractéristiques très diverses ; certains sont résilients et peuvent épargner tandis que d’autres sont plus vulnérables et peuvent avoir besoin d’incitations budgétaires pour mettre de l’argent de côté, ce qui est une importante considération pour les programmes de protection sociale.

 

Quels sont les instruments de protection sociale qui sont adaptés à l’économie informelle ?
La manière dont les pays progressent en direction de l’objectif consistant à assurer une protection sociale universelle, notamment en couvrant une vaste économie informelle, varie selon leurs circonstances particulières. Il leur faut, à cette fin, avoir une trousse d’instruments, car les travailleurs du secteur informel courent des risques variables. Non seulement Il leur faudrait, déployer des efforts pour élargir la couverture des filets sociaux , mais aussi établir des programmes d’inclusion économique et prendre des mesures pour accroître la productivité dans le cadre de l’action menée pour lutter contre la pauvreté et améliorer la rentabilité du travail, en particulier pour les femmes, les filles et les jeunes. Il est peu probable que l’élargissement de la couverture des filets sociaux puisse, à lui seul, permettre d’apporter un soutien à tous les travailleurs du secteur informel  en particulier dans les zones urbaines où nombre d’entre eux sont un peu plus résilients. Il importe donc constituer une panoplie novatrice d’instruments permettant de répondre aux besoins divers du « segment manquant » compte tenu des problèmes d’ordre budgétaire et administratif.

 

De quelle manière les plateformes numériques de protection sociale peuvent-elles aider les pays à combler l’absence de couverture au niveau opérationnel ?
Il est possible, sur le plan opérationnel, d’étendre rapidement la couverture de protection sociale du « segment manquant » de manière efficace par rapport aux coûts en exploitant les technologies numériques. Trois plateformes numériques — registres sociaux, systèmes de paiement et systèmes d’identification — facilitent la création d’un système intégré capable de fournir une assistance sociale de manière efficace. Grâce aux plateformes numériques, les autorités pourraient avoir recours à un système d’assurance sociale assurant le suivi de comptes d’épargne individuels, établissant l’admissibilité à bénéficier de subventions budgétaires, affectant les produits des investissements en temps réel, gérant les retraits, etc., pour proposer des mécanismes destinés au « segment manquant ». Il est essentiel d’établir des liens avec les registres sociaux de manière à pouvoir déterminer l’éligibilité à bénéficier d’incitations budgétaires dans le cadre des régimes d’assurance sociale-épargne du fait de l’impermanence de la pauvreté et de la vulnérabilité qui existe dans l’économie informelle. Cela permettrait également de préparer les bénéficiaires à être reclassés parmi ceux qui n’ont plus besoin de filets sociaux.

 

Graphique : économie informelle : plateforme intégrée de protection sociale
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De quelle manière les pays peuvent-ils mettre en œuvre des mécanismes de protection sociale pour l’économie informelle ?
Un mécanisme de protection sociale axé sur l’économie informelle doit prendre en compte l’irrégularité des revenus. Il peut fournir des incitations financières, notamment des contributions de contrepartie pour avoir une ampleur suffisante. Cela est particulièrement important pour les ménages NPI non résilients qui sont généralement moins en moins en mesure d’épargner. Le mécanisme doit être facile à comprendre. Le régime le plus intuitif s’est révélé être un régime par capitalisation conçu sur le modèle des comptes d’épargne bancaire. Un régime de cette nature doit inclure à la fois des comptes à court terme et des comptes à long terme, ou se caractériser par la souplesse des options de retrait et de contributions. L’inclusion d’un compte à court terme accroît la pertinence du mécanisme pour l’économie informelle étant donné les besoins de liquidité à court terme qui la caractérisent. L’offre conjointe d’une assurance médicale, d’une assurance climatique ou d’une assurance vie pourrait inciter les travailleurs à contribuer à un tel régime. Le Pôle d’expertise de la Protection sociale et de l’emploi de la Banque mondiale a mis au point un outil d’évaluation de la viabilité des régimes (Scheme Viability Assessment Tool (SVAT), car la réalisation d’évaluations de ce type, dans la mesure du possible, faciliterait grandement le processus de prise de décision. Il sera en outre extrêmement important de mettre un tel régime à l’essai dans le cadre d’une opération pilote pour déterminer les goulots d’étranglement, car la capacité à offrir ce type de régime, la culture d’épargne et la confiance dans ce type de système diffèrent vraisemblablement d’un pays à un autre. Une fois le régime en place, il sera essentiel de procéder à son suivi et à son évaluation pendant quelques années.
 

Ce blog est le premier d’une nouvelle série mensuelle consacrée aux différents chapitres du rapport sur la protection sociale dans l’économie informelle intitulé, Social Protection for the Informal Economy: Operational Lessons for Developing Countries in Africa and Beyond.


Auteurs

Himanshi Jain

Social Protection Specialist

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