Le bien-être des ménages mauriciens pendant la pandémie de COVID-19 : principaux enseignements tirés de trois enquêtes récentes

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Le COVID-19 a changé notre façon de vivre. Il a provoqué des souffrances et des victimes et a eu des répercussions considérables sur l’économie mondiale. Au 11 novembre 2020, environ 51 millions de cas ont été confirmés dans le monde entier, avec plus d’un million de décès.

En plus de mettre sous tension les systèmes de santé dans de nombreux pays à travers le monde, la pandémie de COVID-19 a des effets socio-économiques négatifs sans précédent sur la vie de millions de personnes, en particulier sur les populations les plus défavorisées et vulnérables. Les conséquences négatives immédiates du coronavirus (COVID-19) vont du manque d’accès à la nourriture, à la santé et à l’éducation, en passant par la destruction d’emplois, la perte de revenus et dans certains pays la détérioration d’une partie des progrès réalisés en termes de niveau de vie au cours des dernières décennies.

Suite à l’apparition du COVID-19 et aux mesures de confinement introduites par le gouvernement de l’île Maurice dès le 20 mars 2020, l’Institut national de la statistique, Statistics Mauritius, a suspendu toutes ses activités relatives à la collecte de données par entretien en face à face. Afin de suivre les effets socio-économiques de la pandémie sur les ménages pendant cette période, Statistics Mauritius et la Banque Mondiale ont lancé une série de trois enquêtes téléphoniques à haute fréquence auprès des ménages mauriciens entre mai et juillet 2020. Le financement de la collecte de données et de l’assistance technique à l’appui des enquêtes a été assuré par la Banque Mondiale.

Les trois cycles d’enquêtes, représentatifs au niveau national, capturent des informations clés sur l’activité économique des personnes âgées de 16 à 64 ans non scolarisées, l’accès aux biens et services de base, l’insécurité alimentaire, l’évolution du revenu des ménages, et les stratégies d’adaptation mises en œuvre par les personnes interrogées. Le nombre de ménages contactés en mai, juin et juillet était respectivement de 924, 907 et 803, avec un taux de réponse moyen d’environ 74 %. La répartition des personnes interrogées par genre était proche de la parité.

Environ 1 ménage sur 3 a continué à subir des pertes de revenus après la levée du confinement en raison d’une perte d’emploi ou de la baisse du revenu. 

La pandémie a eu un impact négatif sur le revenu des ménages mauriciens (graphique 1). En mai, environ 36 % des ménages ont déclaré que leur niveau de revenu avait diminué depuis le début du confinement et que, pour la moitié d’entre eux, leur revenu avait diminué de plus de 50 %. En juin, pratiquement le même pourcentage de ménages (37,7 %) a déclaré une réduction de leur revenu par rapport à mai. Pour environ 16 % d’entre eux, le revenu a plus que diminué de moitié entre mai et juin. En juillet, dernier mois pour lequel des données sont actuellement disponibles, la proportion de ménages déclarant une baisse de revenu par rapport à juin est tombée à 31 %. Si la part des ménages déclarant une baisse de revenu a diminué en juillet, elle reste importante puisque pour près d’un ménage sur trois le revenu a diminué par rapport à juin. 

 

Graphique 1. Variation du revenu des ménages en mai par rapport à avant le confinement et variation en juin et juillet par rapport au mois précédent

Variation du revenu des ménages en mai par rapport à avant le confinement et variation en juin et juillet par rapport au mois précédent

Pourquoi les niveaux de revenu ont-ils diminué en juin et juillet pour près d’un ménage sur trois ? Les données sur l’activité économique recueillies au niveau individuel tout au long de la pandémie nous aident à répondre à cette question. Trois facteurs clés ont été identifiés :

  • La perte d’emploi. Bien que l’emploi global soit progressivement en train de rebondir au niveau observé au premier trimestre 2020, la reprise de l’emploi salarié, entendu comme tous les travailleurs employés par quelqu’un d’autre en échange d’un salaire, est plus lente. En juillet, l’emploi salarié était inférieur d’environ 8 % par rapport au niveau estimé pour le premier trimestre. Cependant, ce sont les emplois salariés du secteur informel qui ont été le plus touchés : environ 21 000 emplois salariés informels ont été détruits entre le premier trimestre et juillet 2020, ce qui correspond à une diminution de 25%
  • La réduction des salaires. Les travailleurs salariés qui sont restés en activité pendant le confinement ou qui ont repris le travail après celui-ci ne gagnent pas autant d’argent qu’avant. En juillet, environ 13 % des employés du secteur privé ont déclaré travailler un moins grand nombre d’heures par rapport au premier trimestre (graphique 2-A). Parmi eux, plus d’un sur deux n’a reçu en juillet qu’une partie de son salaire habituel, en hausse par rapport au mois de mai ou moins d’un employé sur trois n’avait reçu qu’une partie de son salaire (graphique 2-B). 

 

Graphique 2. Évolution du revenu chez les employés du secteur privé
a. Part des employés du secteur privé travaillant le nombre habituel d’heures pour chaque enquête
b. Répartition des employés du secteur privé travaillant à temps partiel selon la part du salaire reçu pour chaque enquête
Part des employés du secteur privé travaillant le nombre habituel d’heures pour chaque enquête Répartition des employés du secteur privé travaillant à temps partiel selon la part du salaire reçu pour chaque enquête

 

  • La réduction des revenus des travailleurs indépendants. Bien qu’en juillet, le travail indépendant soit revenu presque au niveau observé au premier trimestre (environ 99 600 contre 100 600), la proportion de travailleurs indépendants ayant déclaré une baisse du revenu de leur entreprise est passée de 75 % en mai à 84 % en juillet (graphique 3- A). Avec la fin du confinement, la plupart des travailleurs indépendants ont pu rouvrir leur entreprise. Cependant, plus de 9 sur 10 gagnent moins d’argent en juillet qu’auparavant en raison du manque de clients (graphique 3-B).

 

Graphique 3. Évolution du revenu chez les travailleurs indépendants
a. Répartition des travailleurs indépendants selon le type de variation du revenu de leur entreprise pour chaque enquête
b. Distribution of self-employed by reasons for reporting a decline in business income by survey round
Répartition des travailleurs indépendants selon le type de variation du revenu de leur entreprise pour chaque enquête Répartition des travailleurs indépendants selon les motifs de la baisse du revenu de leur entreprise pour chaque enquête

 

Les trois principales stratégies adoptées par les ménages depuis le début de la pandémie sont les suivantes : (i) réduction de la consommation alimentaire, (ii) recours à l’épargne, et (iii) réduction de la consommation non-alimentaire (graphique 4). La part des ménages qui a réduit sa consommation alimentaire est passé de 27 % en mai à près de 40 % en juillet. Le pourcentage des ménages qui a eu recours à l’épargne est passé de 26 % en mai à 13 % en Juillet, tout comme la part de ceux qui ont réduit la consommation non alimentaire (de 11 % en mai à 9 % en Juillet). Une part considérable des ménages n’a adopté aucune stratégie pour atténuer l’effet négatif de la crise sanitaire, leur part est passée de 20 % en mai à 25 % en Juillet.

 

Graphique 4. Principales stratégies adoptées par les ménages pour faire face à la crise pour chaque enquête

Principales stratégies adoptées par les ménages pour faire face à la crise pour chaque enquête


Auteurs

Marco Ranzani

Économiste au sein de l’équipe Afrique du pôle Réduction de la pauvreté et des inégalités

Li Fa Cheung Kai Suet

Director and Chief Executive Officer of Statistics Mauritius

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