Pays CEMAC : naviguer à travers les futures hausses des prix des matières premières pour promouvoir un développement durable

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Les pays d'Afrique subsaharienne (ASS), y compris ceux de la région de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), sont dotés de ressources naturelles abondantes qui présentent un potentiel de croissance économique important. Cependant, dans de nombreux cas, ces opportunités ont été manquées et les résultats décevants : les pays riches en ressources de l'ASS ont souvent enregistré une croissance économique plus faible et des inégalités plus élevées que ceux qui ne disposent pas de telles ressources, phénomène souvent qualifié de "malédiction des ressources". Un récent rapport de la Banque mondiale, qui développe les recherches menées par Cust et al. (2022)i, entreprend une étude comparative entre la région de la CEMAC et d'autres pays de l'ASS, dont voici les principales conclusions :

La plupart des pays d'Afrique subsaharienne riches en ressources, y compris ceux de la région de la CEMAC, ont manqué l'occasion de traduire les précédents essors des prix des matières premières en une prospérité durable, largement partagée et inclusive  :

1. La croissance économique dans les pays riches en ressources a augmenté au cours du dernier boom des prix des matières premières (sur la période 2004-2014), entrainée par les revenus de l'exportation de ressources. Cependant ces pays ont vu leur performance économique s'effondrer par la suite, car la volatilité des prix des matières premières a compromis les progrès en matière de développement réalisés pendant les périodes de forte hausse (Figures 1 et 2). La baisse de la croissance du PIB par habitant a été particulièrement marquée dans les pays de la CEMAC.

Figure 1. Moyenne des recettes budgétaires totales et des revenus liés aux ressources naturelles pour les pays d'Afrique subsaharienne riches en ressources (en pourcentage du PIB).

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Figure 1. Moyenne des recettes budgétaires totales et des revenus liés aux ressources naturelles pour les pays d'Afrique subsaharienne riches en ressources (en pourcentage du PIB).

Source : Ensemble de données sur les recettes gouvernementales de l'UNU-WIDER 2022.
Note : NR = Pays d'Afrique subsaharienne non riches en ressources ; RR = Pays d'Afrique subsaharienne riches en ressources ; Les pays riches en ressources sont ceux qui ont eu au moins 20 % des revenus/exportations de ressources dans les revenus gouvernementaux/exportations de marchandises totales entre 1998 et 2003 (selon Cust et al., 2022).

 

Figure 2. Croissance annuelle moyenne du PIB par habitant par groupe de pays (variation en pourcentage).

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Figure 2. Croissance annuelle moyenne du PIB par habitant par groupe de pays (variation en pourcentage).

Source : La base des Indicateurs du développement dans le monde (WDI), Banque mondiale.
Note : NR = Pays d'Afrique subsaharienne non riches en ressources ; RR = Pays d'Afrique subsaharienne riches en ressources ; la Guinée équatoriale est exclue de la moyenne d'avant le boom en raison de problèmes de valeurs aberrantes (taux de croissance jusqu'à 140 %).


2. Les pays de la CEMAC, tout comme de nombreux autres en Afrique subsaharienne, n'ont pas réussi à transformer les revenus des ressources naturelles en formes productives de capital, notamment le capital humain et physique, qui sont des composantes essentielles de la croissance économique. La croissance de la richesse totale par habitant était plus faible dans la région de la CEMAC, tant en comparaison avec d'autres pays d'Afrique subsaharienne riches en ressources qu'avec ceux qui n'ont pas de ressources naturelles importantes (Figure 3).

Figure 3. Croissance annuelle moyenne de la richesse totale par habitant (variation en pourcentage).

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Figure 3. Croissance annuelle moyenne de la richesse totale par habitant (variation en pourcentage).

Source : L’évolution des richesses des nations, Banque mondiale.
Note : NR = Pays d'Afrique subsaharienne non riches en ressources ; RR = Pays d'Afrique subsaharienne riches en ressources.

 

3. L'épargne nette ajustée de la CEMAC (en pourcentage du revenu national brut) était, en moyenne, négative, ce qui indique que les pays de la région épuisaient leurs ressources naturelles sans les convertir efficacement en d'autres formes de capital (Figure 4).

Figure 4. Épargne nette ajustée (en pourcentage du revenu national brut).

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Figure 4. Épargne nette ajustée (en pourcentage du revenu national brut).

Source : L’évolution des richesses des nations, Banque mondiale.
Note : RR: Pays riches en ressources d'Afrique subsaharienne. Les données de l'ANS pour la Guinée équatoriale ne sont pas disponibles.

 

4. Au terme de la dernière période d'envolée des prix des matières premières, les inégalités n'avaient pas diminué dans de nombreux pays riches en ressources, alors qu'elles avaient diminué dans la plupart des pays pauvres en ressources.ii De plus, le taux de pauvreté (fixé à 2,15 dollars) est resté durablement plus élevé dans les pays de la CEMAC par rapport aux pays riches en ressources d'Afrique subsaharienne et à leurs homologues pauvres en ressources. Les récentes projections de la Banque mondiale prévoient une réduction progressive du taux de pauvreté en Afrique subsaharienne jusqu'en 2030. Cependant, l'écart dans le taux de pauvreté entre les pays riches en ressources et les pays non riches en ressources d'Afrique subsaharienne devrait rester significatif, à environ 5 points de pourcentage (Figure 5).

Figure 5. Projections du taux de pauvreté (en pourcentage), 2020-2030.

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Figure 5. Projections du taux de pauvreté (en pourcentage), 2020-2030.

Source : Banque mondiale Richesse des nations ; Banque mondiale. "Pour mettre fin à l'extrême pauvreté, il ne suffit pas de revenir aux taux de réduction d'avant la COVID-19." 30 novembre 2022. https://blogs.worldbank.org/developmenttalk/end-extreme-poverty-getting-back-pre-covid-19-reduction-rates-not-enough.
Note : NR = Pays d'Afrique subsaharienne non riches en ressources ; RR: Pays d'Afrique subsaharienne riches en ressources.

 

Alors que le monde connaît une nouvelle période de prix élevés des matières premières, les pays de la CEMAC peuvent tirer de précieuses leçons des précédents booms des matières premières et mettre en œuvre des politiques appropriées pour éviter la malédiction des ressources et obtenir des résultats de développement plus favorables. 

  • Les pays riches en ressources de la CEMAC devraient se concentrer sur la transformation des ressources naturelles en d'autres formes de richesse, c'est-à-dire utiliser les ressources naturelles pour investir dans le capital physique, le capital humain et les institutions (ou le capital immatériel), dans le but d'obtenir un meilleur équilibre entre les ressources naturelles et les autres actifs.iii 
  • Des institutions efficaces sont essentielles pour aider les pays dépendants des ressources à échapper à la malédiction des ressources. Ainsi, le Botswana et le Chiliiv sont des exemples de réussite parmi les pays en développement grâce à des politiques économiques solides et une gestion économique prudente, y compris dans la gestion de la richesse en ressources et la rupture du cycle des politiques budgétaires procycliques.

Les réformes en cours dans le cadre du deuxième programme de réformes économiques et financières de la CEMAC (PREF-CEMAC II) sont une étape bienvenue. Les institutions de la CEMAC et les États membres ont progressé dans le programme de réformes, notamment dans la mise en œuvre de stratégies d'inclusion financière et la promotion de la diversification économique, mais il reste encore beaucoup à faire.  La mise en œuvre efficace et en temps opportun des politiques prévues dans le PREF-CEMAC II reste essentielle pour favoriser une trajectoire de croissance plus forte, durable, favorable aux pauvres et inclusive, et plus diversifiée en Afrique centrale.

 


i Cust, J., Rivera, B. A., and Zeufack, A. 2022. The Dog that Didn’t Bark: The Missed Opportunity of Africa’s Resource Boom. Policy Research Working Paper; 10120.
ii Cust et al. (2022).
iii Van Eeghen, M. W., Gill, I., Izvorski, I., and De Rosa, D. 2013. Diversified development: making the most of natural resources in Eurasia (English). Europe and Central Asia Studies Washington, D.C.: World Bank Group.
iv Izvorski, I., Coulibaly, S., and Doumbia, D. 2018. Reinvigorating Growth in Resource-Rich Sub-Saharan Africa; Reinvigorating Growth in Resource-Rich Sub-Saharan Africa. © World Bank, Washington, DC.


Auteurs

Djeneba Doumbia

Économiste pays au sein de la pratique globale Macroéconomie, commerce et investissement (MTI) de la Banque mondiale

Joana Monteiro da Mota

Economist, European Commission

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