Les pays d'Afrique subsaharienne sont confrontés au défi d'étendre l'accès à l'énergie tout en luttant contre le changement climatique. Alors que les initiatives se renforcent pour élargir l'accès à l'électricité à davantage de personnes dans la région, l'adoption précoce de mesures d'efficacité énergétique pourrait éviter de pérenniser une consommation énergétique inefficace.
Le Rwanda, un pays qui a remarquablement élargi l'accès à l'électricité d'à peine 6 % en 2009 à plus de 75 % en mars 2024, a mis l'accent sur l'efficacité énergétique à un moment crucial de son parcours vers la réalisation de l'objectif de développement durable n° 7 (ODD 7), qui consiste à fournir à tous un accès à une énergie abordable, fiable, durable et moderne.
En mettant l'accent sur l'efficacité énergétique dès le début le Rwanda peut bénéficier d'avantages économiques et environnementaux significatifs tout en assurant l'adoption de technologies et d'approches de développement efficaces. Dans notre récent rapport « Energy Efficiency Potential Assessment for Rwanda » , préparé en collaboration avec le Ministère de l'Infrastructure (MININFRA), les estimations montrent que le Rwanda pourrait potentiellement réduire la consommation d'électricité d'environ 22% en adoptant des mesures d'efficacité énergétique dans différents secteurs.
Les actions engagées représentent une opportunité d'investissement évaluée à plus de 91 millions de dollars et pourraient entraîner des économies annuelles de 25 millions de dollars en réduisant les coûts de production et d'achat d'électricité. Cela offre une période de récupération de l'investissement intéressante, un peu plus de trois ans et demi. C'est une occasion unique de réduire le soutien financier nécessaire au secteur de l'électricité et d'attirer des investissements dans le domaine de l'efficacité énergétique.
Potentiel d'économies d'énergie pour l'utilisateur final
Note : le potentiel d'économies annuelles d'électricité par secteur a été estimé sur la base de rapports d'audits énergétiques réalisés dans le monde entier. Une fourchette de potentiels d'économie minimum et maximum a été prise en compte pour chaque secteur. Le tableau ne présente que le potentiel d'économies d'électricité. Les autres formes d'énergie n'ont pas été prises en compte en raison du manque de données. Source : Energy Efficiency Potential Assessment for Rwanda 2022 (anglais).
Cependant, des lacunes importantes doivent être comblées dans le secteur pour tirer parti de ces investissements et réaliser des gains d'efficacité. Nous avons identifié les domaines d'amélioration suivants :
- Réglementations, incitations et mécanismes de financement : Bien qu'il existe certaines stratégies liées à l'efficacité énergétique - comme la stratégie nationale de refroidissement - l'absence de réglementations pour la gestion de la demande, d'incitations fiscales concrètes et de sources de financement public dédiées et stables crée des obstacles au lancement de mesures d'efficacité énergétique à grande échelle.
- Coordination des agences : Actuellement, le Rwanda ne dispose pas d'une agence dédiée à l'efficacité énergétique pour coordonner, évaluer et mettre en œuvre les activités liées à l'efficacité énergétique au niveau national. Il en résulte un manque de vision et d'action coordonnée.
- Capacité technique : S'engager efficacement sur le marché de l'efficacité énergétique nécessite une forte capacité technique. Le manque de sociétés de services énergétiques au Rwanda souligne le besoin de soutien gouvernemental pour la réalisation de projets pilotes impliquant de nouvelles technologies. Cela impliquerait également un renforcement des compétences techniques dans le secteur public, notamment au sein du MININFRA et du Rwanda Energy Group (REG).
- Données et informations sur la consommation d'énergie : La pénurie de données granulaires pour les différents sous-secteurs économiques entrave une planification efficace. Il est recommandé de mettre en place un système complet et fiable de données et d'informations sur l'énergie afin de surveiller la consommation finale d'énergie par les différents utilisateurs finaux dans le pays.
Pour combler les lacunes identifiées, le rapport propose une feuille de route complète pour la mise en œuvre de mesures d'efficacité énergétique au Rwanda par le biais d'interventions politiques, institutionnelles et financières :
- L'intégration des principes d'efficacité énergétique dans les cadres politiques et réglementaires en incorporant la stratégie nationale de refroidissement dans les codes de construction et en développant des réglementations spécifiques en matière d'efficacité énergétique, y compris des normes minimales de performance énergétique pour les produits importants, des audits énergétiques pour les bâtiments et les industries, des lignes directrices sur la gestion de la demande et des réglementations sur la mise en place de sociétés de services énergétiques.
- Renforcer la structure institutionnelle des programmes d'efficacité énergétique au Rwanda en établissant un organe statutaire indépendant au sein du MININFRA ou du REG pour le développement de la politique et de la stratégie d'efficacité énergétique, et la création d'une agence de mise en œuvre autonome dédiée à l'efficacité énergétique qui rende compte directement au MININFRA.
- Promouvoir le financement de l'efficacité énergétique (y compris les investissements du secteur privé) par l'introduction de fenêtres de financement de l'efficacité énergétique, l'établissement de fonds dédiés à l'efficacité énergétique, la mise en œuvre de projets pilotes, et l'établissement de données énergétiques fiables et de systèmes d'information.
La feuille de route pour l'efficacité énergétique au Rwanda sert de base à la Banque mondiale et aux autres partenaires de développement pour aider le gouvernement rwandais à intensifier les interventions en matière d'efficacité énergétique. La réussite de ces interventions contribuera à faire du Rwanda un exemple dans la région en matière d'intégration de mesures d'efficacité énergétique tout en développant rapidement la fourniture de services d'électricité.
L'évaluation a été financée par le ministère italien de l'environnement et de la sécurité énergétique par l'intermédiaire du fonds fiduciaire à donateur unique « AGREED », qui est administré par la Banque mondiale.
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