Ce blog a été publié pour la première fois le 15 septembre 2015 par Alexandre Marc, spécialiste en chef fragilité, conflit, et violence à la Banque mondiale et auteur d'un ouvrage récemment publié « The Challenge of Stability and Security in West Africa ». Le blog a été à nouveau posté afin de promouvoir le lancement du livre à l’Agence Française de Développement à Paris.
Tout en arpentant les rues de Bissau, la capitale de la Guinée-Bissau, voici quelques mois, je réfléchissais au passé récent de ce pays. Depuis 20 ans, il a connu un certain nombre de coups d’État et de guerres civiles, son économie n’a pas su se diversifier, et l’accès à l’eau et l’électricité est toujours très problématique. En outre, il y a un fossé entre Bissau, et son semblant de services, et le reste du territoire.
L’impression dominante était cependant celle d’un espoir incroyable, nourri par le sentiment qu’une page était en train de se tourner. Un sentiment général, partagé par les organismes de développement, les responsables d’ONG et de communautés et les membres du gouvernement, mais aussi les chauffeurs de taxi et les restaurateurs... bref par pratiquement tous ceux que je rencontrais.
La présence de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) était visible, et le palais présidentiel sous bonne garde ; la coalition au pouvoir n’avait jamais été aussi ouverte ni aussi large, prenant des décisions courageuses ; le cours de la noix de cajou était en hausse ; et donateurs et ONG rouvraient leurs antennes locales. De toute évidence, la transformation institutionnelle, notamment dans le domaine de la sécurité et de la justice, faisait partie des priorités du pays, signe aussi que l’Afrique de l’Ouest veut se sortir de la fragilité.
La crise politique récente a conforté ma conviction que la Guinée-Bissau est sur la bonne voie. Comme dans n’importe quel pays régi par un système complexe de partage du pouvoir, il y a des hauts et des bas. Mais la dernière crise en date s’est jusqu’ici déroulée dans un cadre constitutionnel, une première dans l’histoire récente du pays : cette fois-ci, ce ne sont pas des militaires qui sont intervenus mais des magistrats.
Et ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres qui prouve que l’Afrique de l’Ouest œuvre pour sa stabilité. Un travail récent sur la question (The Challenges of Stability and Security in West Africa) montre comment, de toutes les régions du continent, l’Afrique de l’Ouest est l’une des plus résilientes au conflit (le nombre de victimes y étant plus faible que partout ailleurs) et qu’elle est dans une phase de transformation profonde qui suscite un profond optimisme pour l’avenir.
L’étude met parallèlement en évidence les nouvelles formes d’adversité qui frappent la région — trafic de drogue, traite humaine, piraterie et extrémisme violent — et leur effet très déstabilisateur. À y regarder de plus près cependant, ces menaces ne sont pas si récentes que ça et se nourrissent de fragilités et de frustrations anciennes : problèmes de gouvernance, vulnérabilité des systèmes de sécurité et absence d’État de droit, fortes inégalités régionales, concurrence pour la terre et le contrôle des actifs, mais aussi difficultés à intégrer une jeunesse en plein boum.
Les politiques de développement ont un rôle majeur à jouer pour favoriser la stabilité. Dans les environnements instables, les politiques économiques et sociales doivent faire de la stabilité et de la sécurité l’un de leurs grands objectifs. Si l’importance de la croissance et de la réduction de la pauvreté ne fait aucun doute, ces deux facteurs ne peuvent à eux seuls engendrer la stabilité. De fait, des politiques de croissance insuffisamment équitables et solidaires peuvent avoir un réel pouvoir de déstabilisation. Au-delà des indispensables arbitrages et du renforcement de la cohésion, l’efficacité accrue des institutions doit être pleinement intégrée dans la planification du développement et les politiques de ces pays.
L’étude identifie six domaines critiques pour la stabilité de l’Afrique de l’Ouest :
- réduction des inégalités à l’intérieur des pays et dans la sous-région ;
- amélioration de la gestion des terres et apaisement des conflits fonciers ;
- amélioration de la gestion des revenus et des retombées des industries extractives ;
- renforcement de la gestion des flux migratoires et des droits des migrants ;
- incitation à la participation active des jeunes à l’économie ;
- renforcement de l’efficacité et de la légitimité des secteurs de la sécurité et de la justice et poursuite de l’amélioration de la gouvernance et de la redevabilité aux échelons locaux et centraux.
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