Souvenons-nous des orphelins d’Ebola mais n'oublions pas non plus les autres enfants touchés par l’épidémie

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UNICEF/Mark Naftalin

L’information diffusée par les médias sur l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest attire souvent l’attention sur les enfants orphelins. Reportage après reportage, des histoires déchirantes (a) nous parviennent d’enfants qui ont perdu leurs parents à cause du virus Ebola et qui sont parfois même rejetés par leur communauté. Ces enfants méritent notre attention, car chacun sait que la perte d’un parent est lourde de conséquences à court et à long terme. Des travaux empiriques menés au Kenya (a), en Afrique du Sud (a), en Tanzanie (a) et dans l’ensemble du continent font apparaître que les résultats scolaires des enfants devenus orphelins se détériorent rapidement. Certaines observations en Tanzanie montrent que ces impacts négatifs sur l’éducation et la santé continuent de se faire sentir jusqu’à l’âge adulte. 

Mais quel est au juste le nombre de ces orphelins ? Les chiffres avancés par les médias sont très disparates, avec des estimations comprises entre 500 (a) et 25 000 (a) sur une période d’à peine un mois. Selon les dernières estimations de l’UNICEF (a), 16 600 enfants de moins de 18 ans auraient perdu leur père, leur mère ou un adulte prenant soin d’eux. Dans un document de travail (a) récent, synthétisé dans la revue The Lancet (a), nous avons tenté de déduire le nombre d’orphelins d’Ebola dans les trois pays les plus touchés par l’épidémie en combinant les données disponibles sur la répartition par sexe et par âge des cas d’infection et de décès dus à Ebola (source : OMS) et sur le nombre d’enfants survivants par rapport aux adultes (source : enquêtes démographiques et sanitaires - DHS), ainsi que les données relatives aux épidémies d’Ebola antérieures (a) sur la probabilité qu’un patient infecté transmette le virus à son conjoint et à ses enfants. Sur la base des estimations établies au moyen de cette méthode, plus de 9 600 enfants âgés de moins de 15 ans – les plus vulnérables – en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone auraient perdu l’un ou l’autre de leurs parents voire les deux (pour 600 environ d’entre eux) à cause du virus. Près de 10 000 orphelins, cela fait beaucoup d’enfants en deuil.

Nous avons ensuite combiné ces résultats avec les données DHS et les statistiques démographiques relatives au nombre total d’enfants ayant perdu un parent à cause d’un accident ou de maladies autres qu’Ebola pour voir si ce nombre était susceptible de submerger les réseaux constitués par la famille élargie, structure traditionnelle d’accueil des orphelins dans la région. Les résultats montrent qu’environ 8 % des enfants âgés de moins de 15 ans étaient orphelins avant que l’épidémie n’éclate. Si l’on tient compte des orphelins d’Ebola, cette proportion passe à environ 8,1 % (en effectuant le même calcul sur la base des données de l’UNICEF qui indiquent un nombre d’orphelins plus élevé, on obtient un résultat de 8,2 %). D’après les observations recueillies dans plusieurs pays africains (a), ces familles élargies ont absorbé des hausses du nombre d’orphelins bien plus importantes. Et, de fait, selon le rapport de l’UNICEF le plus récent (a), moins de 3 % des orphelins d’Ebola ont été placés en dehors de leur communauté. Même s’ils ont trouvé un foyer d’accueil, ces enfants continueront d’avoir besoin d’un soutien pour pouvoir s’épanouir et avoir une vie heureuse en dépit de la perte tragique de leurs parents. 

Many more than the orphans need support in the wake of Ebola!
Après Ebola, il faut aider les orphelins
mais aussi tous les autres enfants.
L’attention que nécessite le cas particulier des orphelins ne doit cependant pas nous faire oublier les 8,8 autres millions d’enfants de moins de 15 ans qui vivent en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone. Sur la base de ce que l’on a pu observer un peu partout en Afrique (a), l’écart entre orphelins et non-orphelins apparaît comme insignifiant comparé à celui qui sépare les enfants des classes aisées des enfants issus de milieux plus défavorisés. Les dernières estimations (a) de la Banque mondiale concernant l’impact d’Ebola sur l’économie des trois pays les plus touchés révèlent que l’épidémie fait basculer un nombre beaucoup plus important d’enfants dans la pauvreté. Des enquêtes téléphoniques réalisées au Libéria (a) et en Sierra Leone (a) semblent indiquer que de nombreux foyers ont réduit la fréquence ou l’importance de leurs repas suite à la hausse des prix ou la baisse de leur revenu. Les écoles dans ces trois pays ont été fermées pendant plusieurs mois (elles ont rouvert récemment au Libéria et en Guinée). Ces impacts pourraient avoir des retombées à long terme sur tous les enfants de ces pays, pas seulement sur ceux qui ont perdu un parent. 

Il s’agit donc d’établir des plans pour apporter un soutien à ces orphelins. Mais il s’agit aussi d’aider de façon plus générale tous les enfants de Guinée, du Libéria et de Sierra Leone à se relever de cette crise à la fois sanitaire et économique. 

Auteurs

David Evans

Senior Fellow, Center for Global Development

Anna Popova

Researcher, Stanford University

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