Tirer parti de l'identification pour étendre l'assurance sociale au secteur informel

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Atatti and Loumonvi sell charcoal in the streets of Bè-Ablogamé. Photo: Stephan Gladieu / World Bank Atatti and Loumonvi sell charcoal in the streets of Bè-Ablogamé. Photo: Stephan Gladieu / World Bank

Pour fournir des pensions et d'autres formes d'assurance sociale, il faut suivre un grand nombre d'individus sur de longues périodes. La marge d'erreur est faible. L'affectation des cotisations d'un individu à la pension d'un autre n'affecte pas seulement les destins individuels. Elle risque également de saper la confiance dans l'ensemble du système et sans confiance, l'assurance sociale ne peut pas fonctionner.

Dans l'économie formelle, qui est caractérisée pardes relations contractuelles entre employeurs et employés, l'identification d'un individu sur une longue période peut (au moins partiellement) être confiée à l'employeur. Après tout, un employeur devrait être en mesure de confirmer l'identité de son employé. Les travailleurs du secteur informel, qui occupent 89,2 % de tous les emplois en Afrique subsaharienne, ne peuvent toutefois pas compter sur leurs employeurs pour assumer ce rôle. Ils ont tendance à ne pas avoir de relations de travail définies avec leur employeur, à changer fréquemment d'employeur, à être indépendants ou bientrès mobiles.

L'extension de l'assurance sociale au secteur informel dépend donc en grand partie de la capacité du système d'assurance sociale à identifier les individus sans dépendre d'un employeur pour le faire. Les systèmes d'identification existants, tels que les cartes d'identité nationales, sont donc essentiels. Cependant, la couverture des systèmes d'identification existants demeure lacunaire, notamment en Afrique subsaharienne où près d'un tiers de la population âgée de 15 ans et plus ne possède aucune forme d'identification ( Figure 1 ).

 

Figure 1 : Couverture d'identification par région

Figure 1: Couverture d'identification par région

 

La couverture a tendance à être nettement plus faible parmi les groupes vulnérables. Cela s'explique en partie par le fait que la population doit, dans de nombreux cas, acheter des justificatifs d'identité à des coûts qui sont prohibitifs pour beaucoup. Les coûts de transaction élevés, dus par exemple aux déplacements vers les centres d’enregistrement ou au coût des documents requis, limitent encore l'accès. Les personnes vivant dans les zones rurales, les femmes et les personnes ayant un faible niveau d'éducation sont généralement celles qui ont le moins d’accès à une pièce d'identité. Incidemment, ces caractéristiques sont également étroitement liées à l'informalité. Un faible niveau d'éducation tend à être associé à des niveaux plus élevés d'informalité. En Afrique de l'Ouest, l'emploi informel tend en outre à être significativement plus élevé dans les zones rurales et plus important chez les femmes que chez les hommes. Cette relation entre une faible couverture d'identification et des niveaux élevés d'informalité semble également s’appliquer au niveau national, comme le montre la Figure 2 .

 

Figure 2 : Informalité et identification

Figure 2: Informalité et identification

 

Compte tenu des faiblesses des systèmes d'identification et de l'exclusion d'une grande partie de la population, notamment des groupes vulnérables et des travailleurs du secteur informel, souvent tout aussi vulnérables, l'extension de l'assurance sociale au secteur informel se heurte actuellement à des contraintes critiques. Pour permettre aux travailleurs du secteur informel d'épargner en vue de la retraite, de surmonter des périodes de chômage et de conserver de l'épargne en cas d’incapacité à exercer un métier, les investissements dans les systèmes d'identification seront cruciaux. L'extension de l'assurance sociale au secteur informel ajoute donc une raison supplémentaire aux nombreuses raisons existantes de renforcer les systèmes d'identification en Afrique et dans le monde.

En raison de l'importance de l'identification pour la fourniture de services aux personnes pauvres et vulnérables, comme les millions de travailleurs du secteur informel en Afrique, la Banque mondiale investit de plus en plus dans les systèmes d'identification des pays. Le programme d'identification unique pour l'intégration régionale et l'inclusion en Afrique de l'Ouest, par exemple, vise à fournir une identification unique à toute personne physiquement présente sur les territoires du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, de la Guinée, du Niger et du Togo, afin d'améliorer l'accès à un grand nombre de services divers. La Banque mondiale contribue ainsi à l'objectif de développement durable 16.9, qui consiste à fournir une identité légale à tous, et s'aligne sur les initiatives régionales et continentales, par exemple dans le cadre de l'Accord de libre-échange continental africain.


Auteurs

Julian Koschorke

Social Protection Specialist

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