Vers une économie bas carbone et une société résiliente : l'Afrique du Sud montre la voie

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Le 31 octobre, Eskom, l'entreprise nationale sud-africaine d'électricité, a fermé la centrale à charbon de Komati, située dans la province du Mpumalanga. A priori, le démantèlement d'une centrale à charbon vieille de 56 ans n'a rien d'extraordinaire. Pourtant, l'évènement est historique. Avec cette fermeture, l'Afrique du Sud lance la mise en œuvre de son « Cadre pour une transition juste » (a), visant à remplacer le charbon, qui fournit l'essentiel de la production nationale d'électricité, par des sources d'énergie renouvelables. Dans l'histoire du pays, Komati sera la première centrale à charbon mise hors service. D'autres devraient suivre ces prochaines années, l'Afrique du Sud s'étant donné pour objectif de devenir une économie sobre en carbone et résiliente. L'État prévoit en outre d'affecter désormais le site de la centrale à la production d'énergie renouvelable, en veillant à ce que cela s'accompagne d'une création de nouveaux débouchés pour les travailleurs et communautés concernés.

Ce changement de cap historique est l'aboutissement de consultations approfondies avec les parties prenantes, conformément à l'esprit qui préside à cette démarche de « transition juste » : s’il est indispensable de se tourner vers des technologies plus sobres en carbone, il est tout aussi important de le faire de manière équitable et durable. La mise hors service de la centrale à charbon entraînera une réduction des émissions de carbone, qui se traduira à son tour par une meilleure qualité de l'air aux alentours du site. L'électricité que l'on y produira proviendra pour 150 MW de l'énergie solaire, pour 70 MW de l'énergie éolienne et pour 150 MW d'accumulateurs. Le site et les infrastructures de transmission qui lui sont associées continueront donc à être mis à profit, tout en offrant des perspectives économiques aux habitants.

Le changement climatique frappe le pays de plein fouet. Son agriculture, ses villes, ses infrastructures et surtout sa population souffrent de la hausse des températures et de l'irrégularité des précipitations, qui engendrent sécheresses, inondations et canicules récurrentes. Le réchauffement climatique dépasse en Afrique du Sud le double de la moyenne mondiale ; les sécheresses et les inondations deviennent de plus en plus intenses et fréquentes dans ses principales agglomérations comme dans ses zones rurales, au détriment des pauvres et des plus vulnérables.

Afin de soutenir cette importante transition, la Banque mondiale a approuvé hier l'octroi d'une aide financière au projet de transition énergétique d’Eskom (EJETP) (a). D'un montant de 497 millions de dollars, cette enveloppe contribuera au démantèlement et à la réaffectation du site, ainsi qu'à la création de débouchés pour les habitants touchés dans la province du Mpumalanga, qui abrite 12 des centrales à charbon sud-africaines et produit 83 % du charbon du pays. J'ai visité en septembre le Mpumalanga, où j'ai rencontré sa Première ministre, Refilwe Tsipane. Nous avons évoqué le programme de transition juste adopté par le gouvernement pour réduire la forte dépendance de l'économie vis-à-vis du charbon et améliorer la santé et les conditions de vie de la population locale. Mme Tsipane a manifesté une réconfortante détermination à diversifier l'économie de sa province, tout en plaçant le citoyen au centre de ce projet.

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Pour accomplir une transition énergétique équitable, les pays doivent renforcer la concurrence dans des secteurs stratégiques, y compris ceux dominés par des entreprises publiques, assouplir le marché de l'emploi et améliorer leurs politiques budgétaires et financières. Le Groupe de la Banque mondiale œuvre aux côtés des États pour faire face au changement climatique, conformément aux objectifs à long terme de l'accord de Paris. Elle leur apporte un conseil technique via ses nouveaux outils de diagnostic : les rapports nationaux sur le climat et le développement (CCDR). Les CCDR s'établissent dans le cadre de consultations avec les pouvoirs publics et avec les principaux acteurs à l'échelle locale. Ces rapports présentent une analyse des liens entre climat et politiques de développement et identifient les actions concrètes à entreprendre en priorité pour soutenir les objectifs de développement des pays et leurs ambitions climatiques, telles que définies dans leurs contributions déterminées au niveau national. 

Le projet EJETP s’inscrit dans   le Cadre pour une transition juste mis en place par l'Afrique du Sud et de notre récent CCDR (a) pour ce pays. Selon les conclusions de ce rapport, l'Afrique du Sud est apte à faire face aux risques créés par le changement climatique, et ce, sans compromettre la réalisation de ses buts socioéconomiques. Le pays est à même d'atteindre ses objectifs en matière de développement et de climat via une « triple transition » axée sur la sobriété carbone, la résilience climatique et l'équité. En agissant rapidement sur le front de l’adaptation, l'Afrique du Sud améliorera sa résistance au changement climatique, en particulier dans les villes côtières, dans les provinces agricoles et dans les zones périphériques sous-développées des grandes agglomérations.

Les actions à accomplir immédiatement pour cela requièrent un surcroît de financement, qui tarde encore à se matérialiser avec l’ampleur et la rapidité nécessaires. Il faut d’urgence mobiliser des ressources à plus grande échelle afin de combler le déficit de financement en faveur d’actions climatiques qui permettront de diversifier les débouchés et d’offrir de nouvelles perspectives économiques à des millions de personnes. À l'approche de la COP27, qui se tiendra la semaine prochaine à Charm el-Cheikh, les voix africaines doivent être au centre de l'action et des solutions en faveur du climat. La position pionnière que l'Afrique du Sud adopte en fermant la centrale à charbon de Komati pourrait servir de modèle à d'autres projets, dans le pays comme ailleurs dans le monde. L'exemple de Komati montre qu'avec de l'ambition, une impulsion vigoureuse, des investissements rapides et un soutien financier externe, il est possible de transformer nos pays pour en faire des économies plus inclusives, plus résilientes et plus sobres en carbone.


Auteurs

Victoria Kwakwa

Vice-présidente, Afrique de l’Est et australe, Afrique

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