La récente conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 27), qui s'est tenue à Charm el-Cheikh, en Égypte, a mis en lumière l'importance de l'action climatique dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA), qui accueillera également la COP 28 aux Émirats arabes unis. Les pays de la région MENA sont les plus vulnérables au changement climatique : 60 % de leur population vit dans des zones souffrant d’un grave stress hydrique et 20 millions de personnes pourraient être contraintes de migrer à l’intérieur de leur pays en raison des dérèglements du climat. Une transition verte pourrait permettre de créer des millions de nouveaux emplois dans la région. Avec une population jeune et face à la nécessité urgente d'agir, la région MENA présente un fort potentiel de création d’emplois verts. Cependant, ses résultats en la matière sont pour le moins mitigés.
Notre récent rapport intitulé Le Défi de l’emploi montre comment le manque de dynamisme du marché du travail compromet le développement économique et le progrès social dans la région MENA, même dix ans après les soulèvements du Printemps arabe. Toujours selon ce rapport, la persistance de ce défi de l'emploi tient au manque de contestabilité des marchés (la facilité avec laquelle les entreprises du secteur privé entrent sur un marché, s’y développent et en sortent), qui caractérise la plupart des économies de la région. Les entreprises détenues par l'État continuent de jouer un rôle dominant et bénéficient d'un traitement préférentiel en matière de fiscalité, de financement et de subventions. En l'absence de pressions concurrentielles, les entreprises du secteur privé sont peu incitées à innover et à se développer, y compris dans les nouvelles activités « vertes ».
S'appuyant sur de récentes données relatives à l'économie verte issues des enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises en Europe et en Asie centrale (ECA) et dans six économies de la région MENA, le rapport montre qu'en moyenne dans cette région, seulement 16 % des entreprises ont à ce jour adopté des mesures d'efficacité énergétique, contre une moyenne de 27 % dans les économies à revenu intermédiaire de la région ECA. Les entreprises de la région MENA sont également moins susceptibles de surveiller la consommation d'énergie (elles ne sont que 33 % à le faire), de fixer des objectifs de consommation d'énergie (15 %) ou de contrôler la consommation d'eau (14 %). Ce dernier élément est particulièrement faible dans la région MENA ; par comparaison, la moyenne pour les économies de la région ECA à revenu intermédiaire est nettement plus élevée, à 42 % (figure).
Figure : Diffusion limitée des mesures de suivi de la consommation d'énergie et d’efficacité énergétique
Source : Enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises. Les économies de la région MENA comprennent la Cisjordanie et Gaza, l'Égypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc et la Tunisie. Pour la région Europe et Asie centrale (ECA), les chiffres correspondent à la moyenne de 19 économies à revenu intermédiaire. Les enquêtes ont été menées en 2018-2019. Les indicateurs portent sur les trois années précédant l'enquête. Par exemple : « Au cours des trois dernières années, cet établissement a-t-il effectué un suivi de sa consommation d'énergie ? »
En ce qui concerne les mesures spécifiquement axées sur le changement climatique, seules 9 % des entreprises de la région MENA ont adopté des mesures de contrôle de la pollution atmosphérique, 9 % se sont engagées dans la production sur site d'énergie respectueuse du climat, 11 % ont adopté des mesures de gestion de l'eau, et 23 % des mesures de gestion de l'énergie. Parmi les entreprises de la région MENA qui n'ont adopté aucune mesure, 67 % ont indiqué qu'il ne s'agissait pas pour elles d'un investissement prioritaire, tandis que 18 % ont invoqué un manque de ressources financières. Ces chiffres doivent en outre être interprétés avec une certaine prudence. Les entreprises devaient préciser si ces mesures avaient été adoptées au cours des trois années précédant l'enquête. Il est possible que les économies à revenu intermédiaire de la région ECA aient adopté ces mesures plus de trois ans avant l'enquête, et donc que les chiffres soient sous-estimés. De même, il se peut que les économies de la région MENA n'aient pas adopté ces mesures dans les trois années précédant l'enquête, et donc que les chiffres soient gonflés. On peut considérer implicitement que, trois ans avant l'enquête, l'adoption de ces mesures était en moyenne à peu près similaire pour les économies des deux régions.Dans l'ensemble, ces résultats indiquent que la gestion des entreprises du secteur privé dans la région MENA ne met pas encore l'accent sur les enjeux environnementaux. Pourtant, nous savons que les initiatives vertes ne peuvent pleinement porter leurs fruits sans le concours du secteur privé.
La promotion de l'économie verte dans la région MENA offre de vastes possibilités. Selon les rapports nationaux sur le climat et le développement consacrés au Maroc, à l'Égypte (a), à la Jordanie (a) et à l'Iraq (a), l'investissement dans les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique pourrait générer un nombre considérable d'emplois d’ici à 2050.
Compte tenu des considérations d'économie politique liées à la contestabilité des marchés, le rapport Le Défi de l’emploi préconise une voie de réforme qui consiste à se concentrer d'abord sur les secteurs émergents, qui comptent peu d'entreprises en place et des groupes d'intérêt moins puissants. Les pouvoirs publics peuvent faciliter l'apparition de nouveaux métiers, de sorte que les perturbations pour les travailleurs existants sont moins manifestes, voire très atténuées si ces nouvelles activités viennent compléter, plutôt que remplacer, les emplois existants. Si elle est correctement mise en œuvre, l'économie verte pourrait constituer l'une de ces voies.
La prochaine COP 28 se tiendra à nouveau dans la région MENA, aux Émirats arabes unis. Des progrès significatifs peuvent être réalisés d'ici là, pour autant que les secteurs public et privé fassent preuve de volonté et de détermination.
Ce billet est le premier d'une série de quatre publications présentant les conclusions du rapport phare de la Banque mondiale intitulé Le Défi de l’emploi : Repenser le rôle des pouvoirs publics envers les marchés et les travailleurs dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Le deuxième traite des jeunes et de l'emploi, le troisième présente des données sur l'évolution du secteur privé et le quatrième examine les mesures prises par les gouvernements de la région pour accroître la contestabilité des marchés et la qualité des emplois.
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