Samar Mezghanni est une jeune écrivaine tunisienne connue pour sa participation active aux différentes manifestations culturelles et littéraires dans le monde arabe et la région méditerranéenne et a obtenu plusieurs prix de considération. Ceci est sa deuxième participation au blog "Visions et voix Arabes : Moyen-Orient et Afrique du Nord", après avoir partagé son expérience des Réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI.
Aux quatre coins du monde, les jeunes célèbrent cette année particulière d’une manière inattendue. C’est l’Année internationale de la jeunesse et je pense à tous ces événements auxquels les jeunes ont donné forme et à ceux façonnés pour eux.
Paradoxalement, l’Année internationale de la jeunesse est née d’une proposition du président tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali, contraint par la suite de quitter le pouvoir sous les revendications et les protestations des jeunes de son pays. Étant une femme tunisienne de 22 ans qui a participé à plusieurs manifestations de jeunes en Tunisie et à l’étranger, je pensais que l’Année internationale de la jeunesse apporterait, comme on en a l’habitude, son lot de séminaires, réunions et autres conférences, autant d’occasions pour mettre en avant l’intérêt porté par les gouvernants aux problèmes de la jeunesse et leurs mesures pour y répondre. Je m’attendais à entendre plus de résolutions et de promesses, à voir davantage célébrer la jeunesse ; et je m’attendais à rester optimiste comme je l’ai toujours été et comme on me l’a toujours demandé.
Mais contrairement aux années précédentes, cette année m’a réservé son lot de surprises. Il s’est passé quelque chose de différent. Alors qu’on attendait des jeunes qu’ils s’expriment par des voies bureaucratiques et contrôlées, en faisant entendre leur voix dans un cadre formel comme celui des événements organisés par les autorités, ils se sont exprimés d’une manière inédite, inattendue et spontanée qui a étonné et impressionné le monde entier. Les manifestations qui se sont propagées depuis les rues de Tunisie jusqu’à plusieurs pays du monde arabe ont eu bien plus d’impact que toutes les réunions de haut niveau pour la jeunesse organisées jusqu’ici ; elles ont été autrement plus authentiques et marquantes que les Année et Journée internationales de la jeunesse ou que les habituelles célébrations mondiales pour les jeunes. Après toutes les promesses de changement, les appels à l’autonomisation des jeunes, les discours sur les rêves et l’espoir de jours meilleurs, le changement est venu des jeunes : après avoir attendu longtemps le changement promis, ils ont pris les choses en main et ils ont agi pour réaliser leurs rêves en usant de moyens non traditionnels.
Je vis à Birmingham et en voyant récemment les jeunes en Angleterre exprimer aussi leur colère et leur frustration — quoique différemment — je réalise que les difficultés de la jeunesse sont les mêmes partout dans le monde : chômage, marginalisation, pauvreté, exclusion de la vie politique. Les dirigeants du monde sont encore et toujours de vieilles personnes, avec de vieilles idées, de vieilles visions et de vieilles promesses. Mais chaque jour qui passe, on entend parler toujours plus de jeunes qui réussissent, qui sont porteurs d’idées nouvelles, exemples vivants des raisons pour lesquelles il faut donner du pouvoir à la jeunesse et pas seulement célébrer l’idée de ce pouvoir.
À mes yeux et à ceux de tous les jeunes de mon pays et de ma région, la Journée internationale de la jeunesse ne signifie absolument rien ; car cette année, nous avons fait de chaque journée une célébration de la parole des jeunes, de leur pouvoir et de leur libération. Aux personnes plus âgées, j’espère que cette journée offrira une occasion de réfléchir à cette nouvelle « année de la jeunesse » et à prendre conscience que, dans un monde postmoderne en pleine mutation, chaque année est une année internationale de la jeunesse ; et qu’il faut faire de chaque journée la journée internationale de la jeunesse.
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