Publié sur Voix Arabes

Pourquoi la croissance est-elle si volatile dans la région MENA ?

CroissanceLes incertitudes prévalant dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) ont entraîné des difficultés économiques et un ralentissement de la croissance dans la région. L’affaiblissement de l’économie mondiale dû à la crise de la zone euro vient en outre fragiliser les perspectives d’un rebond l’an prochain. La croissance dans la région MENA pourrait fortement dépendre de l’ampleur des conséquences d’une récession dans l’Union européenne (UE) sur les cours et les volumes du pétrole. Selon notre dernière note de conjoncture (MENA: Eurozone Storm on the Horizon), la crise qui menace dans la zone euro pourrait avoir un impact profond sur la région, en particulier si elle s’accompagne d’un repli des cours du pétrole. L’UE représentant 25 % de la demande mondiale d’importations de pétrole, un fort ralentissement de son économie risque en effet d’entraîner un repli de la demande pétrolière et de faire fléchir les cours. Ce qui se traduirait, au niveau de la région MENA, d’une baisse d’environ 2 points de pourcentage de la croissance, les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et d’autres exportateurs de pétrole en subissant les effets les plus lourds. En revanche, un ralentissement modéré dans l’UE, sans incidence sur les cours du pétrole, n’aurait qu’un impact minime sur la croissance globale de la région MENA, même si les pays qui entretiennent d’importantes relations commerciales avec l’UE en pâtiront néanmoins.

ImageSi la grande volatilité constitue une caractéristique saillante de la croissance dans la région MENA par rapport à d’autres régions en développement, c’est en raison de la dépendance de ces pays vis-à-vis d’un seul produit de base. L’économie des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord est en effet peu diversifiée et fortement concentrée dans quelques secteurs, ce qui augmente sa vulnérabilité aux chocs extérieurs et fait peser des incertitudes sur la croissance. À l’exception de quelques pays importateurs de pétrole, les autres pays de la région sont tributaires d’un seul produit de base. Dans les deux tiers des 18 pays de la région, le secteur pétrolier constitue la principale source de recettes : les revenus du pétrole entrent pour quelque 60 à 90 % dans le total de leurs recettes d’exportation et représentent plus de 60 % de leur PIB. 

En raison de sa forte dépendance vis-à-vis du pétrole, et de la grande instabilité des cours pétroliers, la région MENA a toujours été exposée aux chocs commerciaux, et la croissance y est devenue de plus en plus volatile. De surcroît, la volatilité des cours pétroliers s’est intensifiée depuis le début de la crise financière. Fin 2008, le baril de pétrole a cédé 50 %, puis il a augmenté de 80 % en 2009 avant de gagner environ 23 % en 2010 et 2011. On peut donc penser qu’à l’avenir, le marché pétrolier restera soumis à une forte volatilité des cours.

ImageLa volatilité de la croissance constitue une grande source d’inquiétude dans la région MENA. Bien entendu, le degré de volatilité diffère d’un pays à l’autre, en fonction du degré de dépendance de chacun vis-à-vis du pétrole (voir Growth Performance in MENA:  Four Decades of Volatility). Ainsi, les pays du CCG affichent une croissance plus volatile car ils dépendent fortement du pétrole. Par exemple, le pétrole représente plus de 85 % du total des exportations du Koweït et de l’Arabie saoudite. La volatilité de la croissance des pays du CCG a des conséquences significatives pour d’autres pays de la région, notamment ceux avec lesquels ils entretiennent des relations économiques étroites (échanges, envois de fonds ou liens financiers) : Djibouti, la Jordanie et le Liban. En revanche, les pays d’Afrique du Nord ont enregistré les fluctuations de croissance les plus faibles car ils ont ouvert leur économie.

En résumé, la région MENA est exposée aux chocs sur les cours pétroliers, mais ce vecteur fondamental a été négligé car on s’est focalisé sur les transitions et sur la zone euro. Si cette dernière entre en récession, comme en a averti l’OCDE cette semaine, les perspectives de croissance dans  la région MENA pourraient se dégrader. Mais l’ampleur du problème dépendra de l’impact sur les cours du pétrole. Jusqu’à ce que les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord diversifient davantage leur économie, les perspectives de croissance de la région resteront tributaires de la demande mondiale de pétrole et seront sujettes à d’amples fluctuations.


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