Publié sur Voix Arabes

De l’éducation à la croissance de l’emploi : accompagner l’essor des start up en Tunisie

Tunisian entrepreneurs at an event with the organization Connect'Innov Tunisia. Tunisian entrepreneurs at an event with the organization Connect'Innov Tunisia.

Il n’y a jamais eu autant de femmes diplômées du supérieur en Tunisie, et une proportion remarquablement élevée d’entre elles est issue des filières des technologies de l’information et de la communication (TIC) :  les femmes représentent désormais 61 % des cohortes de diplômés dans les TIC (a). Et cette tendance vaut aussi pour d’autres cursus technologiques et scientifiques comme l’ingénierie, l’industrie ou la construction, où les étudiantes sont notablement représentées.

Le tableau est en revanche tout autre en matière d’emploi : la forte tendance à la participation des femmes se dissipe alors.

La proportion de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (ce qu’on appelle plus communément les « NEET » pour not in employment, education or training) atteint 31 % chez les femmes, contre 19 % chez les hommes . Dans les zones rurales, ces chiffres atteignent même 50 % et 33 % respectivement.

Les start‑up peuvent changer la donne. 

Selon des travaux de recherche récents, les jeunes pousses et les petites et moyennes entreprises (PME) sont devenues une source essentielle d’emploi et de croissance en Tunisie. Leur dynamisme est particulièrement important dans un contexte de dégradation économique aggravée depuis deux ans par la pandémie de COVID-19.

L’essor des start‑up et des PME tunisiennes se heurte cependant à un obstacle de taille : l'accès à des financements. L’écosystème financier national est sous-développé et peu enclin au risque : les fonds en capital‑investissement et en capital‑risque sont limités, tandis que les banques imposent des exigences de garanties et des coûts d’emprunt élevés. Et, comme le montrent nos travaux, les femmes connaissent, plus que les hommes, des difficultés pour emprunter et créer une entreprise.

La Banque mondiale s’emploie à soutenir les entrepreneuses et les PME tunisiennes. Le projet d’appui aux start-up et PME innovantes (a) est mis en œuvre depuis 2020 et devrait s’achever en 2026. Doté d’un financement de 66,9 millions d’euros de la Banque mondiale, il appuie le programme « Startup Tunisia » promu par le gouvernement. Son objectif est de soutenir les jeunes pousses et les PME innovantes à fort potentiel de croissance tout en favorisant l’écosystème entrepreneurial : fonds de capital‑risque, incubateurs et accélérateurs d'entreprises, espaces partagés de travail, etc.

Dans le cadre de ce projet, les pouvoirs publics s’attacheront à mobiliser des investissements supplémentaires en soutenant des fonds privés qui ciblent les start‑up, mais aussi à co‑investir directement dans des PME innovantes aux côtés de partenaires du secteur privé.

À cette fin, le projet vient de lancer un fonds d’investissement spécialisé dédié aux PME, doté d’une enveloppe de 17 millions de dollars. Baptisé InnovaTech, ce nouveau dispositif de financement privilégiera les investissements en faveur de l’innovation dans les médias numériques, les énergies renouvelables, l’agro‑industrie, les TIC, les médias et le commerce électronique et, plus généralement, dans toutes les technologies favorisant la transformation digitale. Pour en bénéficier, les PME devront présenter une situation financière saine, être en activité depuis au moins deux ans, compter entre 10 et 200 employés, justifier d’une capacité de croissance confirmée et être susceptibles de promouvoir un développement inclusif.

InnovaTech vient compléter le dispositif Anava, un « fonds de fonds » également mis en place dans le cadre du projet et bénéficiant d’un financement de 45 millions de dollars en vue de soutenir les start-up à chaque stade de leur développement. En augmentant l’accès aux financements et en renforçant le soutien au développement des start‑up et des PME, il s'agit de stimuler la création d’emplois, tout en dopant l’innovation et la productivité.

Le projet contribue également à renforcer les compétences entrepreneuriales des jeunes diplômé(e)s et entrepreneur(e)s. Il favorise le développement d’un vivier de gestionnaires de fonds expérimentés dans les investissements de démarrage et renforce l’efficacité des structures d'accompagnement des start‑up. L’objectif est d’améliorer la productivité et la compétitivité des start‑up et des PME tunisiennes tout en appuyant l’inclusion des femmes et des jeunes sans emploi dans les régions défavorisées. 

Parmi les premiers bénéficiaires du programme de soutien à l’écosystème entrepreneurial figure Connect’Innov, un incubateur spécialisé dans les technologies de la santé. Cette structure mène des campagnes de sensibilisation en collaboration avec une université tunisienne (Connect’Innov Prep) et propose également depuis mai 2021 un programme d’incubation.

Wafa Bchir fait partie des cofondateurs de Connect’Innov. Diplômée en biochimie et en biologie moléculaire, elle témoigne des avancées de la « HealthTech » en Tunisie : « Grâce à ce programme de financement dédié à l’écosystème des start-up, nous pouvons soutenir des projets plus aboutis et matures en vue de les développer à l’international via un réseau de partenaires. Il est essentiel d’augmenter le nombre d’entrepreneurs dans le domaine des technologies de la santé et de soutenir l’épanouissement des idées de projets. Il en va de même pour le développement et la réussite de projets plus avancés. »

Avec son « Startup Act », la Tunisie a engagé une politique pionnière qui ouvre la voie aux entrepreneurs et aux investisseurs. Les activités du projet facilitent le processus de création de nouvelles entreprises et accompagnent les plans d’expansion des entrepreneurs. Le succès de la Tunisie fait des émules ailleurs en Afrique : le Kenya, l’Éthiopie et l’Ouganda poursuivent également des politiques en soutien à leurs jeunes pousses, avec le souci de promouvoir un environnement d’affaires plus propice pour tous, y compris les femmes et les jeunes.

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 Crédit photo : Connect’Innov, https://www.connect-innov.com/

 


Auteurs

Mouna Hamden

World Bank Senior Operations Officer, Rabat, Morocco

Mihasonirina Andrianaivo

Senior Financial Sector Specialist, World Bank

Insaf Fradi

Private Sector Specialist, World Bank Group, Tunisia

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