Lors de mon tout premier entretien avec un représentant du gouvernement, ce dernier m’a demandé ce qu’il en était du soutien de la Banque mondiale à la production d’énergie géothermique et à la prospection, activité nécessaire à l’identification de sources viables. Je dois avouer qu’à l’époque je connaissais assez mal cette technologie. En revanche, j’ai vite appris : à chacune des réunions suivantes, mes interlocuteurs au gouvernement m’interrogeaient sur l’avancement de la préparation du projet géothermique.
Voilà quarante ans que Djibouti attend l’avènement de la géothermie. Les premières tentatives d’exploitation du potentiel géothermique du pays remontent aux années 1970. Au fil des ans, chaque essai venait confirmer la présence de fluides géothermiques mais, faute de moyens financiers et technologiques, il était impossible d’assurer la viabilité commerciale de l’exploitation de cette ressource et donc d’en tirer pleinement parti.
La géothermie est une source d’énergie verte, propre, renouvelable, fiable et peu coûteuse. À l’inverse des énergies solaire et éolienne, respectivement tributaires de l’ensoleillement et du vent, elle est disponible à tout instant.
Les centrales de production d’énergie géothermique ont recours à des fluides qui, en se réchauffant dans le sous-sol terrestre, se transforment en vapeur et viennent actionner les turbines d'un générateur pour produire de l'électricité. Le développement de cette énergie est viable dès lors que la source thermique est suffisamment proche de la surface de la Terre pour être exploitée après forage. C’est souvent le cas dans les régions situées à l’extrémité des plaques tectoniques, comme dans le rift est-africain où se trouve Djibouti.
Le coût de l’électricité est l’un des principaux obstacles au développement du secteur privé et à l’essor économique du pays. Djibouti dépend exclusivement des importations pour assurer ses besoins en énergie. Elle s’alimente auprès de l’Éthiopie en hydroélectricité ou importe du pétrole pour le brûler dans sa centrale électrique. Cette dépendance se traduit par une production et un approvisionnement en électricité à des prix très élevés, qui se répercutent sur le consommateur. De surcroît, malgré la cherté des tarifs, l’offre actuelle d’électricité est insuffisante au regard de la croissance démographique et économique du pays. Mais si la capitale est bien raccordée, les régions et les villages reculés sont encore dépourvus de courant.
Le lancement du projet géothermique à Djibouti est imminent. Depuis presque vingt ans, jamais la Banque mondiale n’avait financé de phase de prospection. Plusieurs donateurs se sont associés à l'Association internationale de développement (IDA) pour appuyer le projet du gouvernement, dont l’Agence française de développement (AFD) et la Banque africaine de développement (BAD), rejoints par le Fonds pour l’énergie durable en Afrique (SEFA), le Programme d’assistance à la gestion du secteur énergétique (ESMAP), le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et le Fonds de l’OPEP pour le développement international (FODI). Comme la phase d’exploration du projet repose sur des fonds publics sous forme de dons et de prêts concessionnels, le coût total du projet a diminué de 52 millions de dollars. Par ailleurs, si le financement avait été assuré par le secteur privé, la production d’électricité aurait coûté quatre cents de plus par kWh.
Voici quelques autres chiffres qui permettent de cerner l’enjeu. Le projet permettra de diminuer de 10 cents par kWh le coût de la production d’électricité à Djibouti, qui se situe actuellement à 24 cents par kWh, et de sécuriser l’approvisionnement électrique. Le remplacement des centrales thermiques de Djibouti par la géothermie permettra à Électricité de Djibouti (EDD) d'économiser 57 millions de dollars par an. Comme cette compagnie est publique, ces économies viendront alléger considérablement le poids financier que représente la production d’énergie dans le budget de l’Etat Djiboutien.
Il faut également citer les retombées positives du projet sur l’environnement, puisqu’il permettra de compenser l’empreinte carbone de Djibouti à hauteur de huit millions de tonnes d’émissions de CO2 sur un cycle de vie de trente ans.
Les principaux bénéficiaires du projet, cependant, seront les habitants de Djibouti, qui verront leur facture d’électricité diminuer et donc leur pouvoir d’achat s’accroître. La hausse du volume d’électricité disponible, et à moindre coût, jouera en faveur des petites entreprises, ce qui permettra de développer le secteur privé et de créer des emplois. Cette énergie bon marché favorisera également les investissements étrangers, indispensables au développement économique du pays.
Un dernier aspect tout aussi fondamental du projet, sera l’acquisition de compétences et de connaissances techniques par des institutions et organismes d’État de premier plan, comme EDD, le ministère de l’Énergie et le Centre d’études et de recherche de Djibouti (CERD). Le pays développera ainsi le savoir-faire qui lui fait défaut, et pourra procéder lui-même à des prospections géothermiques sur d’autres sites prometteurs (comme par exemple celui de Nord-Goubet).
Ce mois-ci marque le premier anniversaire de mon arrivée à Djibouti et je suis extrêmement fière de voir avancer un projet qui offre de telles perspectives de transformation profonde pour l’avenir de mon pays d’accueil. La Banque mondiale intervient aussi dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la protection sociale à Djibouti. Elle prend également part à des projets de réduction de la pauvreté en milieu urbain, de développement des communautés rurales et d'adaptation au changement climatique. Chacune de ces initiatives s’accompagne de résultats positifs et contribue à la volonté nationale de poser les fondations d’un développement inclusif et durable.
Du fait de son fort potentiel de transformation, ce projet a tout pour changer la donne économique du pays, pour le plus grand bénéfice de ses habitants. Nombre de difficultés ont fait obstacle à l’avancée du projet mais il a été possible de les surmonter, grâce aux efforts conjugués du gouvernement, de la Banque mondiale et de ses partenaires au développement. La détermination que j’ai pu voir à l’œuvre en faveur du projet augure du meilleur pour la suite et continuera d’accompagner, j’en suis sûre, sa réussite.
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