L’article consacré à Ghalia paru récemment dans le Washington Post (a) m’a prise par surprise. À peine en ai-je fini la lecture, le cœur serré, que des tas de questions m’ont assaillie… Est-ce parce que Ghalia Mahmoud, simple femme de ménage, a réussi à devenir une star du petit écran ? Est-ce parce que le Washington Post a trouvé son histoire suffisamment intéressante pour la relater ? Ou encore est-ce parce que j’ai dans la tête les conclusions du dernier rapport Food Price Watch de la Banque mondiale, sorti il y a quelques jours et qui dit : la flambée actuelle des prix alimentaires est une menace permanente pour les populations les plus démunies des pays en développement, surtout si elle s’accompagne d’une volatilité persistante des prix.
Pour résumer, l’article du Washington Post raconte l’histoire de Ghalia Mahmoud, une Égyptienne de 33 ans qui travaillait comme femme de ménage jusqu’à ce que le fondateur de la nouvelle chaîne de télévision Channel 25 (baptisée ainsi en hommage au début de la révolution de la place Tahrir) lui propose d’animer une émission culinaire. Son émission apprend aux Égyptiens à cuisiner des plats pour moins de 4 dollars et donc accessibles à toutes les bourses. Ghalia est depuis lors devenue un symbole… La chaîne reflète désormais la réalité quotidienne de la plupart des Égyptiens qui, auparavant, étaient invisibles et condamnés à regarder des programmes sans rapport avec leurs difficultés ou leurs aspirations.
Cette jeune femme, dont la préoccupation principale était de parvenir à nourrir les 15 membres de sa parentèle avec moins de 200 dollars par mois, aide désormais la société tout entière à manger à sa faim.
D’habitude, la vie des gens ordinaires n’intéresse pas les patrons de presse mais le destin de cette Égyptienne ordinaire a capté l’attention des médias internationaux, non pas tant par son côté surprenant que pour ses enseignements sur des aspects de la vie qui ne sont jamais couverts par les études ou les statistiques et qui résistent à l’analyse.
D’un côté, Ghalia a réussi à raviver chez des millions de téléspectateurs et de téléspectatrices l’espoir de voir un jour leur destin basculer et leur quotidien s’améliorer. Elle propose des solutions pour s’en sortir, malgré la pauvreté. Elle a su toucher un large pan de la société, écouter les interrogations et les suggestions de ses compatriotes, les sortir de leur léthargie et les pousser à s’impliquer dans le changement. Avec ses recettes bon marché, elle leur montre qu’elle est des leurs, subissant ce qu’ils subissent. Comme eux, elle veut nourrir sa famille et faire en sorte que ses enfants ne meurent pas de faim. Elle prouve aussi que la pauvreté n’a rien de honteux — ce qui l’est, c’est de rendre les armes comme si la pauvreté était une maladie incurable. Elle leur rappelle que l’apprentissage et l’acquisition de compétences sont à leur portée et que ce sont deux moyens de remédier à la précarité. Son message est simple : sans doute ne mangeront-ils pas de la viande tous les jours mais, au moins, ils auront de quoi manger tous les jours.
D’un autre côté, Ghalia représente toute cette masse de femmes qui gagnent seules le pain de la famille. Et pourtant les discriminations à l’encontre des femmes persistent et leurs débouchés professionnels sont très limités. Malgré ce contexte défavorable, Ghalia montre que les femmes peuvent améliorer leurs capacités productives, augmenter leurs gains et relever leur statut social.
Ce n’est peut-être pas avec une émission télévisée qui donne des recettes de repas pas chers que l’on parviendra à atteindre ces objectifs, mais ce qui est important, c’est le message qu’elle véhicule : le changement est toujours possible et l’avenir est plein d’espoir pour autant que chacun et chacune d’entre nous aient le sentiment de pouvoir prendre ses propres décisions et de pouvoir changer les choses.
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