Amal Al-Malki, PhD
Auteur de l’ouvrage Arab Women in Arab News: Old Stereotypes and New Media
Les « femmes arabes » suscitent la curiosité des Occidentaux et des Orientaux et exercent souvent sur eux une certaine fascination. Mais la plupart des travaux qui leur sont consacrés les appréhendent comme une seule entité, sans tenir compte de la multiplicité des vécus et des expériences. Or, il n’existe pas de « femme arabe » en tant que telle. Comme pour chacun de nous, leur quotidien est influencé par des facteurs personnels, sociaux, économiques, religieux et politiques qui sont tous différents. Les femmes arabes incarnent elles aussi la diversité des sociétés dont elles sont issues. Et pourtant, l’incidence de cette diversité sur leurs vies est rarement mesurée ou étudiée et, a fortiori, décryptée.
Les dynamiques économiques à l’œuvre pour forger le destin des femmes arabes font partie des facteurs que l’on a le plus grand mal à comprendre. Or, il existe des différences extrêmes d’un pays à l’autre, qui sont rarement reconnues. Les femmes originaires de pays prospères, ce que sont la plupart des États du Golfe, vivent dans un monde à mille lieux de celui de femmes dans des pays à l’environnement économique plus difficile.
Dans les sociétés moins bien loties, les femmes sont souvent obligées d’accepter des emplois peu qualifiés et mal payés, quel que soit leur niveau d’instruction. Dans les pays à la réussite économique éclatante, elles peuvent, au contraire, choisir ou non de travailler, même lorsqu’elles sont diplômées de l’université.
Tout ce que je viens d’écrire est tellement évident que ça ne vaut a priori pas la peine d’en parler. Et bien si, justement. Pour la bonne raison que, ironiquement, cette divergence d’expériences débouche sur le même résultat : le chômage (imposé ou volontaire), qui ne cesse de s’amplifier dans les pays arabes et constitue désormais l’un des principaux défis pour la jeunesse. Si son impact sur les femmes arabes est bien spécifique, cela ne signifie pas qu’elles sont toutes logées à la même enseigne. D’où l’importance d’explorer les différences.
Les femmes des États du Golfe ont largement profité de la croissance économique, qui s’est traduite par un meilleur accès à l’éducation, aux services de santé et à l’emploi. L’éducation a été l’un des plus puissants vecteurs de changement, à l’origine d’un discours inédit dans ces pays sur leur émancipation.
Une nouvelle génération de femmes instruites commence à faire évoluer les anciennes traditions des sociétés du Golfe, dont certaines restreignaient leur liberté de mouvement et leur déniaient l’accès à une vraie vie sociale. Aujourd’hui, dans la plupart des pays du Golfe, les femmes diplômées sont plus nombreuses que les hommes. Le Qatar et les Émirats arabes unis sont les deux pays du monde où le nombre d’étudiantes inscrites à l’université l’emporte sur le nombre d’étudiants. Mais ces pays sont confrontés aux mêmes paradoxes que leurs voisins de la région MENA, à savoir le décalage entre le nombre croissant de femmes diplômées et la faiblesse du taux d’activité des femmes.
Là où j’habite et travaille, au Qatar, 80 029 Qataries avaient un diplôme de l’université en 2010 mais seules 27 108 (soit 33,8 %) exerçaient une activité économique. Autrement dit, un tiers seulement des diplômées de l’université rejoignent le monde du travail (le Koweït offre un contre-exemple intéressant puisque, là-bas, les femmes représentent la moitié de la population active).
La participation des femmes des États du Golfe à « l’économie invisible » mérite elle aussi d’être mieux étudiée. L’activité économique exercée depuis son foyer constitue un phénomène socioéconomique de plus en plus prégnant et passionnant. Car ces entreprises sont en général détenues et gérées par des femmes, qui opèrent dans le secteur du textile, de l’artisanat et des aliments préparés.
Cette économie parallèle est très largement féminisée. On y rencontre des profils, et des motivations, très variés. Certaines femmes choisissent de se créer leurs moyens de subsistance depuis chez elles, parce qu’elles n’ont pas de titres à monnayer sur le marché du travail. D’autres, dans des pays plus prospères, feront ce choix pour des raisons radicalement opposées : elles sont surdiplômées, ne sont pas intéressées par l’économie publique ou parfois, refusent de travailler dans un environnement mixte.
Ces entreprises à domicile sont-elles une bonne chose pour les femmes ? En dépit de certaines approches innovantes, leur caractère informel ou non déclaré réduit l’impact qu’elles pourraient avoir sur l’économie nationale. Cette situation freine aussi leurs capacités de croissance et limite les chances de développement personnel et professionnel. Tout cela milite pour qu’on s’intéresse de plus près à ce phénomène.
Il est évident que des facteurs économiques prédéterminent le degré de participation des femmes arabes à l’activité économique de leurs pays. Mais il est tout aussi intéressant et important que nous comprenions que la similitude du résultat constaté — la faiblesse de leur taux d’activité — ne procède pas d’expériences similaires. Selon leur pays d’origine, ces femmes se heurtent à des obstacles différents mais qui concourent tous à les empêcher de devenir des acteurs pleinement engagés dans l’économie de leur pays. Alors n’oublions pas ce point essentiel : en dépit d’un destin professionnel apparemment identique, ces femmes vivent, agissent et décident dans des circonstances particulières.
Auteur de l’ouvrage Arab Women in Arab News: Old Stereotypes and New Media
Les « femmes arabes » suscitent la curiosité des Occidentaux et des Orientaux et exercent souvent sur eux une certaine fascination. Mais la plupart des travaux qui leur sont consacrés les appréhendent comme une seule entité, sans tenir compte de la multiplicité des vécus et des expériences. Or, il n’existe pas de « femme arabe » en tant que telle. Comme pour chacun de nous, leur quotidien est influencé par des facteurs personnels, sociaux, économiques, religieux et politiques qui sont tous différents. Les femmes arabes incarnent elles aussi la diversité des sociétés dont elles sont issues. Et pourtant, l’incidence de cette diversité sur leurs vies est rarement mesurée ou étudiée et, a fortiori, décryptée.
Les dynamiques économiques à l’œuvre pour forger le destin des femmes arabes font partie des facteurs que l’on a le plus grand mal à comprendre. Or, il existe des différences extrêmes d’un pays à l’autre, qui sont rarement reconnues. Les femmes originaires de pays prospères, ce que sont la plupart des États du Golfe, vivent dans un monde à mille lieux de celui de femmes dans des pays à l’environnement économique plus difficile.
Dans les sociétés moins bien loties, les femmes sont souvent obligées d’accepter des emplois peu qualifiés et mal payés, quel que soit leur niveau d’instruction. Dans les pays à la réussite économique éclatante, elles peuvent, au contraire, choisir ou non de travailler, même lorsqu’elles sont diplômées de l’université.
Tout ce que je viens d’écrire est tellement évident que ça ne vaut a priori pas la peine d’en parler. Et bien si, justement. Pour la bonne raison que, ironiquement, cette divergence d’expériences débouche sur le même résultat : le chômage (imposé ou volontaire), qui ne cesse de s’amplifier dans les pays arabes et constitue désormais l’un des principaux défis pour la jeunesse. Si son impact sur les femmes arabes est bien spécifique, cela ne signifie pas qu’elles sont toutes logées à la même enseigne. D’où l’importance d’explorer les différences.
Les femmes des États du Golfe ont largement profité de la croissance économique, qui s’est traduite par un meilleur accès à l’éducation, aux services de santé et à l’emploi. L’éducation a été l’un des plus puissants vecteurs de changement, à l’origine d’un discours inédit dans ces pays sur leur émancipation.
Une nouvelle génération de femmes instruites commence à faire évoluer les anciennes traditions des sociétés du Golfe, dont certaines restreignaient leur liberté de mouvement et leur déniaient l’accès à une vraie vie sociale. Aujourd’hui, dans la plupart des pays du Golfe, les femmes diplômées sont plus nombreuses que les hommes. Le Qatar et les Émirats arabes unis sont les deux pays du monde où le nombre d’étudiantes inscrites à l’université l’emporte sur le nombre d’étudiants. Mais ces pays sont confrontés aux mêmes paradoxes que leurs voisins de la région MENA, à savoir le décalage entre le nombre croissant de femmes diplômées et la faiblesse du taux d’activité des femmes.
Là où j’habite et travaille, au Qatar, 80 029 Qataries avaient un diplôme de l’université en 2010 mais seules 27 108 (soit 33,8 %) exerçaient une activité économique. Autrement dit, un tiers seulement des diplômées de l’université rejoignent le monde du travail (le Koweït offre un contre-exemple intéressant puisque, là-bas, les femmes représentent la moitié de la population active).
La participation des femmes des États du Golfe à « l’économie invisible » mérite elle aussi d’être mieux étudiée. L’activité économique exercée depuis son foyer constitue un phénomène socioéconomique de plus en plus prégnant et passionnant. Car ces entreprises sont en général détenues et gérées par des femmes, qui opèrent dans le secteur du textile, de l’artisanat et des aliments préparés.
Cette économie parallèle est très largement féminisée. On y rencontre des profils, et des motivations, très variés. Certaines femmes choisissent de se créer leurs moyens de subsistance depuis chez elles, parce qu’elles n’ont pas de titres à monnayer sur le marché du travail. D’autres, dans des pays plus prospères, feront ce choix pour des raisons radicalement opposées : elles sont surdiplômées, ne sont pas intéressées par l’économie publique ou parfois, refusent de travailler dans un environnement mixte.
Ces entreprises à domicile sont-elles une bonne chose pour les femmes ? En dépit de certaines approches innovantes, leur caractère informel ou non déclaré réduit l’impact qu’elles pourraient avoir sur l’économie nationale. Cette situation freine aussi leurs capacités de croissance et limite les chances de développement personnel et professionnel. Tout cela milite pour qu’on s’intéresse de plus près à ce phénomène.
Il est évident que des facteurs économiques prédéterminent le degré de participation des femmes arabes à l’activité économique de leurs pays. Mais il est tout aussi intéressant et important que nous comprenions que la similitude du résultat constaté — la faiblesse de leur taux d’activité — ne procède pas d’expériences similaires. Selon leur pays d’origine, ces femmes se heurtent à des obstacles différents mais qui concourent tous à les empêcher de devenir des acteurs pleinement engagés dans l’économie de leur pays. Alors n’oublions pas ce point essentiel : en dépit d’un destin professionnel apparemment identique, ces femmes vivent, agissent et décident dans des circonstances particulières.
Prenez part au débat